Sous-titre : 20 récits pour en finir avec l’Apocalypse. Maison d’édition indépendante aux artistes aussi créatifs que subversifs, Tigre s’est fait plaisir à lire un recueil sur un sujet mille fois abordé. Beaucoup de textes courts et bons, quelques uns plus longs et enchanteurs, il faut convenir que la fin du monde, souvent traitée de manière originale, se porte plutôt bien.
Il était une fois…
Tigre aime bien les AFA (voilà pour l’aspect subjectif), car ils contraignent le félin à réfléchir à comment résumer un mélange d’autant de textes. Si j’ai traité globalement leur deuxième recueil (cf. tout au bas du billet), ici ce sera quelques lignes pour chaque nouvelle. Je ne parlerai pas des illustrations hélas, ça fait déjà un très long article.
Critique de chaque texte de Sales Bêtes !
Émancipation (Southeast Jones au texte, StanleyGrieves au dessin) :
Un agoraphobe qui vit reclus et remarque qu’il n’y a plus personne. Délicieusement écrit, trop bref, le lecteur restera sur sa fin néanmoins.
Bibliophobia (Mathieu Fluxe au stylo, Xavier Deiber au pinceau) :
Un petit bijou où il est question de secte et de suicide plus ou moins collectif, raconté par les souvenirs d’un gosse amoureux et idiot. 5 pages à peine, ça passe fort vite.
Ma fin du Monde (Vincent Leclercq) :
Deux pages poignantes sur un sujet assez bateau cependant, c’est zappable. [désolé Vinc’]
Canicule (Adam Roy au clavier, Christophe Huet au crayon) :
Si le style et riche et fait appel à beaucoup de sens, je n’ai pas gardé un grand souvenir de l’intrigue. Dommage. Presque un exercice de style.
De terre et de sang (mots du bon Herr Mad Doktor, traits dessinés d’Ana Minski) :
Une fin du monde crédible (sinon inéluctable), le lecteur appréciera le travail effectué, notamment l’ambiguïté savamment entretenue au cours de l’agonie d’une vieille dame. Malgré une légère dose de cynisme (mâtinée d’une poésie certaine, chapeau), ça fait prendre du recul sur notre condition d’espèce gaspilleuse.
Clic ! (Southeast Jones) :
Une page. Si SJ n’avait pas écrit d’autres textes, je l’aurai traité de feignasse. Sympathique sinon.
La prophétesse (écrit par François Ali Wisard, illustré par Minuit57) :
Correctement rédigé, je craignais de lire une histoire prévisible à la Paycheck. L’auteur a évité ce récif pour un dénouement assez fin et bien amené.
Noxos (Aurélien Clause à l’écriture, Nicky à la dessinature) :
Alors là je suis emmerdé : je n’ai quasiment rien bité au scénario (s’il y en a un), toutefois le style poético-mystérieux est agréable à lire (mais seulement au début). Un talent indéniable, ça ne suffit pas.
Contrat (Southeast Jones encore et illustré par Nicky encore) :
Si le rapport avec la fin du monde est ténu, faut dire que Southeast Jones a imaginé une remarquable histoire d’un homme qui conclut un pacte avec le diable. Le vocabulaire, résolument moderne et humoristique, laisse place à un désespoir et à une prise de hauteur (dans tous les sens du terme) remarquables.
Je meurs comme j’ai vécu (écrit par Vincent Leclercq, dessin de Christophe Huet) :
Pour une fois que le thème suranné des zombies est intelligemment traité (notamment en fin de texte), il est dommage que quelques longueurs émaillent la nouvelle. Au moins quelques passages arracheront un infini sourire à plus d’un lecteur.
Le carnaval de Cobalt, (Ludovic Klein au stylo bille, Gwendal au crayon couleur) :
Putain, le père Ludo K. m’a bien mené en bateau, je n’ai pas tout de suite compris de quoi il s’agissait (pourtant le dessin est sans appel). Je ne spoilerai pas le double scénar’ portant sur une drogue aux effets surprenants…
L’Apocalypse selon le Prince Jean, (Vincent T. auteur/illustrateur), suivi de Souvenirs (dont je ne me souviens plus hélas) :
L’idée est marrante, cependant plus le temps passe, plus le scénario perd de sa superbe. Pour une fois qu’il a deviné de qui il s’agissait dès le début, Tigre est content.
Youpi, on va tous mourir ! (Marie Latour écrit, Sébastien « Stab » Bertoa dessine) :
Tout en légèreté, la fin du monde réjouit la populace qui enfin ne pense plus à la crise. La fin est mignonne comme tout, je me suis régalé.
Khao-Okh (Ana Minski qui écrit et illustre, quelle polyvalence !) :
Assez bizarre en fait. De bonnes idées, toutefois c’est un poil fouillis pour Le Tigre. Il n’est pas vraiment question de fin du monde, seulement la fin de la dignité de l’Homme qui doit se nourrir de ses semblables. Pas tout compris, zut alors.
Crises tentaculaires (Herr Mad Doktor encore, illustré par Xav’ Deiber) :
HMD s’est essayé à la prose en alexandrins (enfin si on n’est pas trop porté sur le comptage). Et ce réappropriation du mythe de Cthulhu (à la sauce gay en plus) est à se taper sur les cuisses, on ne voit pas le temps passer.
Le club de la fin du monde (Maniak au script, Kenzo Merabet aux pixels) :
Maniak mérite bien son nom, il fallait que quelqu’un tapine du côté des orgies sataniques. Check. Le dénouement, assez prévisible, est en-deçà de mes espérances.
Clic 2 : Le Blouglou (Ludovic Klein, encore) :
Une page, petit exercice visuel qui ne casse pas trois pattes à un félin.
Fin d’un monde (par Corvis, et illustré par deadstar44 et Minuit57) :
J’ai l’impression que l’éditeur garde souvent le meilleur pour la fin. Un scénario prometteur dans un huis clos au milieu de l’espace, et un dénouement majestueux qui m’a incité à reprendre la lecture depuis le début. Eros et Thanatos bien réunis dans une fable de SF, rien à redire.
… (Southeast Jones) :
Deux petites pages sur le fameux 21 décembre 2012 pour un final à plusieurs lectures. SJ écrit toujours aussi bien. Comme pour les deux Clics, cette histoire a le mérite d’être amusante et bien écrite.
En conclusion, après avoir été soufflé par Sales Bêtes !, je n’ai pas autant pris mon pied. Résumer un par un les nouvelles est délicat, j’ai eu l’impression de distribuer des bons et mauvais points. Toutefois j’invite les auteurs à ne pas prendre personnellement mes critiques, dites vous que je suis jaloux comme un tigre. Et que Fin(s) du Monde est le premier recueil des AFA, et pour un début c’est plus que prometteur. Quant aux illustrations livrées en début de texte par de talentueux artistes, une excellente idée.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Je m’aperçois qu’il est dur de relater, en deux lignes, toute l’étendue et la beauté d’un texte. Mais comme souvent pour les nouvelles, et à plus forte raison avec ces auteurs en particulier, le mystère fait partie intégrante de presque tous les scénarios. Les retournements de situation sont légion, et le lecteur joueur pourra s’amuser à deviner qui est le narrateur ou de quel genre de fin du monde il est question. D’où la partie du titre « fin(s) », car selon l’écrivaillon (c’est affectueux comme terme chez Le Tigre) les origines du mal seront plus ou moins catastrophiques.
Ce qui m’a frappé, et la préface l’évoque à juste titre, est que la fin du monde est une affaire personnelle. Apocalypse = disparition de sa petite personne en fait, et c’est très probablement vrai. Il est souvent question de terminus car un individu, un groupe, voire notre misérable espèce est en grand danger. Mais la vie continue ailleurs, au final on semble être dans la vision shakespearienne du monde en tant que globe composé d’êtres humains bavassant et s’agitant dans tous les sens (oooooh, c’est profond ça). D’où l’humour souvent cynique transpirant du recueil.
…à rapprocher de :
– De cet éditeur doux-dingue, la suite intitulée Sales Bêtes ! est d’une rare qualité, ça m’a profondément ravi. Y’a de sacrés progrès accomplis. Contes marron (premier volume) est une friandise à découvrir d’urgence (tout comme le premier opus des Contes Rouges), et Folie(s) est globalement correct. Quant aux Contes roses, petite déception. Même topo avec L’Homme de demain, mitigé.
– Question « fin du monde », allez donc lire Le monde enfin, de Andrévon. Bueno.
– Le Tigre a cherché partout, et est fier de vous annoncer qu’il a le seul site où il est question, deux fois, d’un viol dans l’espace. L’avant-dernière nouvelle ici, l’autre étant dans le roman Gradisil (du bel ouvrage).
– Le texte de Marie Latour m’a rappelé la dernière nouvelle de Chuck Palahniuk dans A l’estomac, où tout le monde il est content de se suicider.
Enfin, si vous souhaitez juger de la chose par vous-même, c’est disponible en téléchargement (gratos bien évidemment) sur le site de l’asso (en lien).
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Ping : Collectif – L’Homme de demain | Quand Le Tigre Lit
argh, plus dispo.
quelqu’un a le ebook?
(l’ex-charlatan salue le tigre)
Charlatan littéraire, est ce toi? Ebook dispo gratis sur le site de l’association. Bonne lecture !
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