Les relations robots/Homme (amour, rejet, maître/esclave, identité ou disparité) ; la robotique comme arme ; l’éthique ou le laisser-aller technologique ; les sentiments d’une boîte de métal pensante, et tutti quanti. Vingt nouvelles dont quelques pépites, le fin mot de l’histoire souvent surprenant (c’est souvent le but de tels textes), bienvenue dans le monde 2.0.
Il était une fois…
Dans cette puissante anthologie, une vingtaine de textes ont été soigneusement sélectionnés d’après le sujet suivant : Robots. Quand je dis « soigneusement », je sais de quoi j’cause : le félin a été pressenti pour être un membre du jury de cette antho. J’ai évidemment accepté, sauf que les mois qui ont suivi je n’ai pas eu UNE seule minute pour moi – le gros lâche, en somme. Ce sera d’autant plus facile d’être objectif – ou, à la rigueur, bien moins subjectif
Critique de Robots Anthologie
Passons aux textes. Tigre va les traiter un par un, parce qu’Il sait qu’à ce moment précis les auteurs (qui me lisent avidement, du moins le devraient-ils) serrent furieusement leurs fesses. Attention, ceci n’est ni une cérémonie de remise de prix, encore moins une distribution de coups dans le derrière à l’intention de certains. Et venez pas chialer dans ma tanière, parce qu’exceptionnellement le félin fait péter pour vous ma tigresque limite – qui est, rappelons-le, de 1.000 mots par billet.
Iter Stella (poétiquement lâché par Gaëlle Saint-Etienne)
Iter Stella est un robot envoyé aux confins de l’univers pendant des décennies, et est sur le point de revenir sur Terre pour livrer son expérience. Camille, qui a un talent particulier (genre il peut lire les ondes), se prépare depuis des années à ce retour. J’ai eu un poil peur dans les premières pages présentant un XXIIème siècle peu engageant, puis l’intérêt (et l’amplitude) du récit m’a correctement scotché – la poésie faisant oublier le peu de crédibilité scientifique.
Le Robot qui aimait cueillir des pommes (gentiment rédigé par Jean-Marc Sire)
Dans une lointaine colonie, un couple découvre une poule aux œufs d’or. Texte court, sans prétention quoiqu’efficace, mignon et qui se termine bien, ça aère l’esprit. Petit clin d’œil au nom d’un des protagonistes, William Ford, qui gère tant bien que mal sa chaîne de production.
Comme le sable dans le vent (gazouillé par Xavier Portebois)
Marwan, joueur talentueux de oud, se fait greffer une main bionique avec implant de nanorobots à la clef. Sauf que ces derniers, tel La proie de Crichton, vont au-delà de leur rôle. Le tout est hélas laborieux et sans surprise. Peut-être que la narration à la première personne n’aide point, quoiqu’il en soit je n’étais pas mécontent que ça se termine.
Livreuse (sympathiquement expédié par Laurent Pendarias)
Les robots, ce sont aussi les cookies (ce nom n’arrive pas si innocemment dans le texte ?) qui relèvent tout ce que vous faites sur la toile. Imaginez maintenant qu’un robot parcourt les rues par anticipation pour délivrer les produits commandés. Monologue léger et non dénué d’humour, ça passe comme un courriel dans sa boîte de réception.
Directive un (pondu par Joël Tardivel-Lacombe, c’est son premier texte on applaudit)
Texte fondé sur les lois de la robotique d’Asimov, avec un mystérieux protagoniste principal qui m’a fait reprendre le texte depuis le début. Rien de bien folichon, en outre le verbiage scientifico-pipologique qui accompagne la nouvelle m’a contraint à lire en diagonale.
Marshal Brandy (tapé avec force par Patrick Lorin)
Ha ha ha. Un nouveau shérif débarque dans un village en plein far west pour faire appliquer la loi – plus tard secondé du pasteur. Vocable du marshall et de lu western spaghetti parfaitement maîtrisé, l’intrigue hélas se languit vers le milieu. Même si on s’y attend largement (thèmes des robots oblige), la fin est délicieuse. Coup de cœur félin.
Chair ami (un travail coquin de Pierre Berger)
Oooohh…il a bien failli me faire bander avec son robot de « soulagement » capable de projeter un être humain ainsi au septième ciel. Comme quoi mécanique et érotisme peuvent aller de pair. Derniers mots attendus, en fait la partie X aurait pu se suffire à elle-même – bien que assez courte.
La Mécanique de l’intrusion (David Mons en embuscade)
Un marchand d’êtres humains est sur le point de conclure un deal avec un potentat africain paranoïaque (à raison) et impitoyable (pas que par nécessité). Le début est assez confus, avec des thèmes (le clonage, les luttes politiques) qui ne sont que des artifices très peu développés. Heureusement, les scènes d’attaque et la tactique sont, dans le genre techno-thriller de hard-SF, plutôt bien foutus. Hélas, le mot final est plus que décevant, je m’attendais à être ébloui.
Bob (c’est Luce Basseterre qui l’a écrit)
Un matériau style green goo (pour les connaisseurs) permet de prendre l’apparence de n’importe quel vêtement. Et ça attire les convoitises. Non seulement l’histoire est banale (bancale aussi) et éloignée du thème de l’anthologie, mais Le Tigre a trouvé le style poussif et peu amène. Pas du tout mon genre, désolé.
Métempsycoses (sorti du cerveau fécond de Guillaume Lemaître)
Dans un avenir sans États-nations où le transhumanisme connaît d’inquiétants ratés (en termes nanotechnologiques), un « nettoyeur » de freaks comment l’irréparable. Le mélange humain-machine dans toute sa (dé)splendeur. Pas très fin niveau narration ou péripéties (j’imagine que le too much est pleinement assuré ici), ça aurait gagné à être plus court.
Le Postulant Ford (von Herr Alexis Potschke)
Bref et excellent, je n’ai guère vu arriver le fin mot de l’histoire. L’écriture est fluide, agréable, rien à dire sur ce curieux examen que Ford s’apprête à passer – même si le récit subjectif est de nature à induire en erreur le lecteur.
Le Vaccin (du grand Sébastien Parisot, déjà croisé dans d’autres anthologies)
Toujours aussi marrant, ai-je envie de commencer. L’enfer, c’est les autres, ensuite. Seb’ a produit une fable toute mignonne, enlevée et néo-joviale qui se dévore le temps d’un éternuement. A lire et relire.
De Sang avide (Barbara Cordier au clavier)
Pas mal du tout non plus ! Martin, ingénieur (ou autre chose en rapport avec les robots), rencontre le mystérieux Zack, un cas social qui ne ressemble à personne. Entre chambres de curiosités et reboot du mythe du Docteur Frankestein, le tout agrémenté de faits divers dont on a une idée précise de leur auteur, l’écrivaine a réussi à me captiver malgré l’absence d’argumentation scientifique.
Les Anges mécaniques (de Solvejg Kulik)
Sten 3.0, où les débuts d’un Pinocchio des temps modernes dans une fable encore plus douce-amère (et empreinte d’une poétique tristesse) que l’original. Le protagoniste, malgré son état de robot, se sent « entier et vrai » et désire vivre – exeunt les lois de la robotique. Écriture agréable, avec une surprenante alternance de narration à la première personne et narration omnisciente. Néanmoins, faudra que l’écrivaine m’explique le pourquoi de ce titre fourre-tout.
Trip (le bon Southeast Jones, que Tigre a déjà pratiqué, à la rédaction)
Très court texte sur un pauvre gars qui veut toujours aller plus loin dans l’amélioration de son corps. C’est délivré dans le style « courant de conscience », à savoir qu’on suit le flot des pensées du héros avec ce que ça comporte comme langage familier. Un tantinet déçu.
Un Être formidable (expulsé sans préavis par Fanny Angoulevant)
Dans la glorieuse Angleterre de la seconde moitié du XIXeme, Dorian s’apprête à épouser une femme de la haute. Entre temps, il rencontre une créature de métal qui s’est plantée en revenant dans le passé. Amours (sans sexe, merde), jalousie, vengeance, tout ça dans un style très convenu pour une histoire fantastico-victorienne à l’eau de rose. Pas du tout mon genre donc, dommage.
Le Vieux robot et l’enfant (Frédéric Darriet s’y est collé)
16-04 est un androïde soigneur dans un continent africain dévasté (comme le reste de la planète) par une guerre nucléaire. Il fait alors la rencontre d’une jeune fille qu’il est en charge de traiter. Un peu court, j’attendais réellement plus de cette nouvelle qui se laissait facilement dévorer – en laissant de côté quelques innocentes incohérences.
Les Hébergeurs (précieusement pondu par Xavier-Marc Fleury)
Les Hébergeurs, ce sont des robots destinés à remplacer des êtres chers décédés…comme la petite Alice. Glauque et hautement improbable (l’histoire des 21 grammes, tsss ; ou remplacer son gosse mort par un robot, c’est de l’acharnement passéiste pire que Simetierre… ; et que dire de la « création » des souvenirs ?), néanmoins la problématique est suffisamment bien traitée (de façon exhaustive, même) et le style fluide pour passer un bon moment – quelques longueurs à déplorer cependant.
Entre deux (Lilie Bagage, en toute simplicité)
Le protagoniste, un certain « Ka » (un quelconque rapport avec La Tour Sombre de Stephen King ?), est entre deux états dans la mesure où il souhaite être humain. Bon, y’a clairement de la branlette stylistique dans l’air, ce n’est point vilain mais après des pages de combats assez imbitables je n’étais pas mécontent d’arriver à la conclusion. Pas mon préféré.
Euterpe (Julien Chatillon-Fauchez qui clôt la cérémonie robotique)
Tiens, voilà sûrement un de mes textes favoris. Une écriture maîtrisée de A à Z, un monde futuriste peu développé mais immersif, c’est beau de terminer une antho ainsi. La narratrice, ex-journaliste placardée parce qu’elle en savait trop, part à la recherche d’Euterpe, bot de combat qui s’est fait la belle après avoir subi divers sorts (car ayant obtenu une conscience). Au milieu de la jungle dans une planète dans le trou du cul de l’univers, l’héroïne découvre l’objet de son futur scoop…seulement, une étrange relation va se tisser entre ces deux êtres si différents. Très très sympa.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Plus de place, je vais m’arrêter à l’essentiel, à savoir (bien évidemment) les robots. Il y a de tout dans cette anthologie, chacun pourra y trouver son compte d’un point de vue des problématiques traitées – de la place que peut occuper ses boîtes de fer blanc à l’intelligence éprouvée jusqu’à l’utilisation qu’on en fait, tout en passant par l’espoir d’être considéré, pour certains robots, tel un humain. A noter le sous-thème de l’éthique, plus précisément de l’absence de morale vis-à-vis de la technologie, que ce soit du côté humain ou des I.A. (qui violent plus d’une fois les lois de la robotique). Finalement, dans très peu de cas un dénouement heureux pointe le bout de son nez.
A ce titre, la présentation de chaque auteur dans le bouquin est assez bien foutue. Les écrivain(e)s sont présenté(e)s comme des machines, avec leur BIOS, leur date de conception et les programmations antérieures (j’aurais plutôt dit travaux antérieurs). L’écrivain en tant que robot, merde y’a matière à rédiger une nouvelle non ?
…à rapprocher de :
– De cette maison d’édition, Chair et Tendre d’Amelith Deslandes m’avait correctement laissé sur le cul. Plus que l’anthologie Créatures, assez disparate niveau qualité.
– Comme vous l’avez remarquez, on retrouve pas mal de co-anthologistes chez Les Artistes Fous, autre maison d’édition indépendante bien barrée (exemple ici ou encore là).
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Merci Tigrou !
Juste un truc : le livre fait 288 pages mais il entre dans la catégories tag : 0 à 200 pages chez toi … oui bien sûr.
Idem le tag poésie me laisse perplexe.
Merci encore
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