Prêté par une connaissance, très vite lu, acheté encore plus promptement. C’est dire. Roman graphique plus qu’une BD, histoire universelle qu’on pourrait décliner dans toutes les contrées, civilisations, personnages aux motivations complexes qui finissent bien mal, court mais intense, on ne peut qu’adorer.
Il était une fois…
France, période indéterminée, dans Beausonge, village perdu au milieu des Ardennes. Silence, c’est un sourd-muet homme à tout faire d’Abel, le « notable » du village. Doux et trop gentil, aimant la nature, en particulier les animaux de la forêt, Silence rencontre une mystérieuse femme qui se dit sorcière. Celle-ci ouvre son esprit à ce qu’il ne connaît pas : l’amour, la haine, la vengeance, ces deux derniers sentiments justifiés par les agissements des habitants de Beausonge il fut un temps.
Critique de Silence
Bon, très bon même. C’est une BD d’une exceptionnelle intelligence, un conte sublime qui se lit d’une traite et laisse un peu groggy. Romance, tolérance, vengeance, plaisir immense, Le Tigre est à court de rimes. L’amour, la mort, la magie, la vengeance, tous ces ingrédients sont mélangés pour former une histoire qui sort des sentiers battus.
Le dessin, noir et blanc, est tout simplement éloquent. Ligne claire, story-telling efficace en deux parties où même le glauque est montré, sinon suggéré. D’ailleurs j’ai cru comprendre qu’une édition a sorti Silence en couleurs, sceptique je suis quant au résultat.
Les dialogues sont brefs, sans fioritures et empreints d’une certaine poésie (si si, le théâtre de la vieille par exemple). La bonne idée de Comès, en plus de montrer le héros en gentil idiot, a été d’adapter ses pensées à son esprit, à savoir écrire comme on entend, avec toutes les fotes d’ortograf que ça entraîne.
Pour conclure, on n’est pas vraiment loin du petit chef d’œuvre. Le lecteur pas vraiment porté sur les illustrés peut mettre ses scrupules de côté et jeter un œil sur ce que cette catégorie peut faire de mieux. En roman, sans dessins, le résultat n’aurait pas été aussi touchant.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La bêtise (ici campagnarde). Les habitants de Beausonge, sauf Silence, sont d’une méchanceté et d’une fermeture d’esprit étonnantes. Intolérants envers ceux qui ne leur ressemblent pas, ils frappent vite et fort. Regroupés en KKK avec en guise de capuches des sacs de farine (petite rigolade vite fait), ça va de la moquerie jusqu’au meurtre. En sus, tout ce monde est superstitieux à souhait, avec des relents de magies noires pour se protéger de l’inconnu.
En fait, la magie existe bien dans cette BD, et donne lieu à des affrontements bien plus « trash » qu’un Harry Potter. La partie sur l’élimination du rival donne à ce titre quelques petites sueurs. La sorcière (pas vraiment une dans le sens « méchant ») est pour le héros une sorte de chamane qui va élever son esprit, avec des plantes aromatiques peu recommandables. Univers onirique où tout semble possible, bienvenue chez Comès.
L’amour, la mort, la vengeance ! La trame du scénario, dévoilée de manière pas forcément linéaire, est une histoire assez dure où une femme perd progressivement tout. La haine la faisant survivre, l’esclave Silence sera son amant et le vecteur de sa vengeance. Or le héros ne pourra céder à la cruauté, et c’est dans l’ignorance du simple d’esprit que les habitants de Beausonge seront agréablement (pour le lecteur) punis.
…à rapprocher de :
– Silence, y’a du « rednecks » en VF, obtus et vilains, un peu comme dans les ouvrages de Tristan Egolf, ici et là par exemple.
– BD sombre, cruelle et belle à la fois, Le Tigre pense à Maus, de Spiegelman ou Escapo, de Paul Pope (moins bien). Ligne claire, noir et blanc, souvent de grands crus.
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