VF : Manteau de neige. Oh la belle claque visuelle et sentimentale qui a envahi Le Tigre ! Blankets, pour la couverture du lit, au début du roman, et le manteau neigeux, omniprésent dans cette région au climat souvent excessif. Le narrateur se livre, sans fausse pudeur, pour une aventure biographique aussi pure que les premières neiges.
Il était une fois…
Craig Thompson vit au fin fond des États-Unis (le Wisconsin, arf) avec sa petite famille. Lui et son frère Ben (plus jeune) sont élevés par les préceptes de la religion baptiste et le daron est une figure d’autorité assez impressionnante. C’est au cours d’un « bible camp » (genre JMJ mais sans le sexe) qu’il rencontre la sublime Raina avec qui il se lie autant d’amour que d’amitié.
Critique de Blankets
La bande dessinée est un grand art. Et Blankets m’a paru être la définition du roman graphique par excellence. Du genre à pondre un résumé de 2.000 mots si mon cahier des charges le permettait. Un titre à conseiller à tout le monde (sans discrimination d’âge), plus abordable à mon sens qu’Habibi (qui est d’une longueur dingue).
Le scénario est intensément autobiographique mais sur une période finalement assez courte : Craig nous livre sa jeunesse (le début onirique des frangins luttant contre la marée est somptueux) ; son premier (et unique ?) amour ; sa relation avec la famille, avec Dieu, la neige, le dessin, la bonté, l’abnégation, tout quoi ! Et le résultat est, en un mot, touchant. L’auteur nous raconte tout sans fard, avec une dose intimité qui jamais ne se rapproche d’une quelconque pudibonderie, bref c’est somptueux.
Le noir et le blanc passent très bien, pourtant la simplicité du trait (qui fait penser à du Guy Delisle) aurait pu mal rendre émotions et traits des protagonistes. Or il n’en est rien, tout prend rapidement vie aux yeux du lecteur. Car sur quelques éléments de l’environnement, Tigre a pressenti un travail d’orfèvre. En outre, Craig T. est parvenu à ne placer aucun dialogue superflu, et les petites traces d’humour distillées apportent une fraicheur toute bienvenue.
En conclusion, avec près de 600 pages de poésie avec des dessins d’une rare finesse, Tigre a été séduit (je m’en doutais, sinon je ne l’aurais pas dès sa sortie acheté en VO). Je n’ose imaginer combien de temps le romancier/illustrateur a mis pour finaliser l’ouvrage, chapeau bas.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La religion est au cœur de l’ouvrage puisque l’éducation du jeune Craig est puissamment tournée vers les Saintes Écritures. Sauf que l’auteur s’éloigne peu à peu de cette communauté religieuse pour enfin ne plus partager leurs idées. Cependant, nul dénigrement, et encore moins de la dénonciation ou de la moquerie (ce qui serait pire). Tout en respectant les croyances de ses proches, il expose les quelques raisons qui l’ont amené à un tel éloignement.
Parallèlement à la religion, l’amour tente de se faire une place. Ça peut très bien coller entre frères, avec quelques souvenirs de jeunesse d’anthologie. Voire avec la belle famille de la belle Raina, notamment ses frère et sœur adoptifs qui sont handicapés mentaux. Laura (la sœur), en particulier, est attachante comme tout et invitera le lecteur à porter un regard nouveau sur la trisomie (si c’est ce dont elle est bien atteinte).
Avec Raina, la complexité est de mise : les deux tourtereaux sont amoureux, point de discussion là-dessus. Toutefois Craig éprouve quelques désirs ne collant pas vraiment avec les préceptes moraux qu’on lui a enseignés (et qui font partie de sa personnalité). Avoir une solide gaule quand la miss l’invite à partager sa couche (sans arrière pensée aucune), ça fait désordre. Finalement il s’en accommode, et les quelques escapades « tactiles » des deux adolescents transpirent autant la sensualité fiévreuse que la promesse de ne pas aller plus loin. Quasiment parfait si l’idylle ne se terminait pas aussi trivialement, à cause de la distance.
J’ai conscience que ces deux thèmes sont totalement bateau, mais je n’y peux pas grand chose. J’ai encore plus conscience que ce post rend mal compte du travail de Craig, qu’il me pardonne.
…à rapprocher de :
– Habibi, du même auteur, m’a un poil découragé. Si vous voyez le pavé, vous me comprendriez volontiers. Mais promis, un beau jour, ce sera sur QLTL.
– Dans la catégorie « bd autobio (ou presque) qui m’a arraché, à l’insu de mon plein gré, une larme », il y a le mondial Maus, de Spiegelman.
– Puisque je parlais de Guy Delisle, vous trouverez quelques uns de ses romans graphiques ici (mon préféré), là ou de ce côté. Même type de dessins.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pourrez trouver ce roman graphique via Amazon ici (en VF).
Ping : DodécaTora, Chap.GM : 12 BD que grand-mère aimera | Quand Le Tigre Lit
Ping : DodécaTora, Chap.BM : 12 os en papier à lâcher à sa belle-mère | Quand Le Tigre Lit
Ça donne envie de le découvrir. Merci !
C’est un classique, je vais le mettre en première ligne dans un billet portant sur les romans graphiques à faire lire à son grand-père tradi peu porté sur la BD 🙂
Ping : Art Spiegelman – Maus : L’intégrale | Quand Le Tigre Lit