VO : Hyperion Cantos. Compliqué de faire une critique sur une telle oeuvre. Très. Longue, monumentale, géniale, les adjectifs ne manquent pas. Même après quelques années le souvenir de ce cycle reste vivace. Dan Simmons a produit un boulot remarquable d’inventivité et de maîtrise. Roman d’initiation, nombreuses intrigues, Le Tigre, relativement porté sur la SF, a adoré.
Il était une fois…
Le cycle , qui se déroule au 28ème siècle, est fort long et bien entendu doit être lu dans l’ordre. Les romans en anglais sont au nombre de quatre, en français tout a été coupé en deux. L’épopée peut être séparée en deux parties :
Hypérion, d’abord. C’est le nom d’une planète où se dirigent sept pèlerins sélectionnés par l’Hégémonie, qui fédère toute la race humaine. Sur cette planète sont en train de s’ouvrir les tombeaux du temps, signe forcément très mauvais puisqu’une grosse bête, le gritche, devrait en sortir. En outre, une faction humaine violente, les Extros, serait sur le point d’attaquer la place. Chaque voyageur nous livre son histoire, les raisons de sa présence et ce qu’il peut apporter à la joyeuse troupe. Hélas à Hypérion ça tourne au très mauvais et une terrible guerre contre un ennemi proche semble poindre.
Endymion, enfin. La guerre contre [Le Tigre ne livre pas l’ennemi] fait rage, et l’Humanité est plus que jamais en très mauvaise posture. Jusqu’à ce qu’apparaisse Raul Endymion, berger quelconque qui va avoir comme but de sauver Aenea, fille de Lamia. Cette dernière étant considérée comme un prophète venue du passé. Au fur et à mesure du roman, la vérité sur le personnage d’Aenea, d’où elle vient et ce qu’elle représente rendra sa mission toujours plus dangereuse. Jusqu’au grandiose dénouement.
Critique des Cantos d’Hypérion
Un chef d’œuvre. Une fresque superbe, et il ne faut pas avoir peur de la longueur. L’histoire est assez simple : un complot universel où se mêlent voyages dans le temps et références bibliques multiples. Rien de révolutionnaire, toutefois Dan Simmons prend largement son temps et s’attache à maîtriser tous les rouages, les petits à-cotés de l’intrigue qui a ainsi de multiples ramifications.
On n’est pas vraiment dans le grand « space opéra », avec des civilisations de partout qui se tapent dessus par vaisseaux interposés pour arracher quelques planètes ici et là. Au lieu d’avoir une foultitude de lieux, ce cycle s’attache à suivre des personnages clé lors des instants importants de leur vie. Le lecteur peut alors être légèrement dérouté puisque des récits s’espacent parfois de plusieurs décennies. Pas de civilisations extra-terrestres, le lecteur qui souhaite une rencontre du troisième type peut passer son chemin.
Ce cycle est trop dense et grandiose pour prétendre en faire le tour, et là on savoure surtout la prose de Dan Simmons (qui est bien traduite) : il s’éloigne de temps en temps de la SF pure pour faire un petit tour du côté du domaine militaire, de l’horreur (merci au gritche), du thriller (nombreuses poursuites ), voire de l’amour.
Idéalement le potentiel lecteur devrait provisionner un bon mois (de tranquillité hein) pour avaler l’intégrale du cycle, au risque d’abandonner en cours de route. Les longueurs sont assez rares, les descriptions certes nombreuses mais le lecteur ne comptera pas souvent le nombre de pages à lire.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
L’intelligence artificielle. L’IA joue un rôle de premier plan, et ses objectifs, assez obscurs au début, sont de plus en plus terrifiants. Logique mathématique implacable, la préparation à très long terme, assistanat des êtres humains, dès que quelque chose va de travers nul ne pouvait imaginer ce que ça peut impliquer concernant l’avenir de l’Humanité. Le moyen de transport entre planètes, dès qu’inutilisable, révèle grandement la faiblesse des Hommes. Factions divergentes au sein de ces machines, volonté de s’ériger en déité, la toute-puissance de l’IA est d’autant plus remarquable qu’en seconde partie du cycle l’Humanité tombe dans une bigoterie des plus arriérée.
Le voyage dans le temps. La guerre commence bien avant que le lecteur s’en doute, les allers-retours vers le passé ou le futur ne manquent pas sans que le lecteur soit aux premières loges. Cela permet de maintenir un certain suspense et de saisir le moment venu la portée de scènes précédemment lues. Exercice d’écriture délicat, Dan Simmons s’en tire honorablement et les nombreuses pages du cycle restent cohérentes.
Le temps est également manipulé sur une personne qui va subir une étrange maladie : un rajeunissement forcé qui fait qu’à chaque nouvelle journée elle perd la mémoire d’un jour. Au bout d’un moment ses parents doivent lui rappeler chaque matin (aidée de ses post-it) son état et ce qu’elle avait fait avant. Jusqu’au jour où c’est trop compliqué, il faut juste mentir et dire qu’il n’y a pas école aujourd’hui. Et ce tous les jours. Jusqu’à la renaissance.
Le sacrifice. L’histoire de Saul et de sa fille (celle atteinte de la maladie précédemment expliquée) est assez poignante, et là Dan Simmons ne se prive pas de faire référence à Abraham et son fiston. Pour contribuer à aider l’Humanité, le père a la conviction d’amener son bébé rajeunissant, promis à un grand destin, dans les tombeaux du temps. Sacrifice des sept pélerins du début du cycle, dont certains vont devoir donner de leur personne. Sacrifice du corps humain en général, notamment lorsqu’au lieu d’aménager les vaisseaux spatiaux pour les accélérations on préfère laisser les passagers mourir, sachant que les petite croix façonnée par l’IA leur rendra la vie automatiquement.
Quant au gritche, dont le rôle essentiel est assez difficile à concevoir pendant une bonne partie du roman, celui-ci ne semble pas très sensible à la notion de dommages collatéraux. Personnage incontournable et inquiétant, la grosse bête métallique apporte le petit plus qui fait penser à un bon roman de Stephen King. Il est de plus considéré par beaucoup comme un ange de la mort, avatar de douleur venant expier les péchés des hommes. Je vous laisse imaginer sa puissance, bien rendue.
Enfin, Dan Simmons est un grand fan de John Keats, poète Anglais dont le poème (inachevé) Hypérion, véritable épopée titanesque (au premier sens du terme), est partiellement reproduit. Cela insuffle de la grandeur supplémentaire dans l’œuvre, notamment lorsqu’une copie de Keats, se retrouvant dans une ville en tout point semblable à celle où il est décédé, subit les affres de sa maladie.
…à rapprocher de :
Des grandes sagas, mieux, des cycles, il y en a assez peu de cette envergure. On peut néanmoins citer :
– Ilium et Olympos du même auteur. Deux fois mille pages, allez zou !
– Le cycle des inhibiteurs, d’Alastair Reynolds. Mon préféré. Qui commence par L’espace de la révélation.
– Le cycle de l’Aube de la nuit, de Peter F. Hamilton.
– Simmons verse aussi dans le thriller d’anticipation sociale. Flashback se dévore, toutefois c’est insupportable sur les idées de l’auteur.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez avoir cette saga via Amazon : dans l’ordre, Hypérion (tome 1 et 2, puis 3 et 4) suivi d’Endymion (tome 1 et 2, puis 3 et 4). Ça fait beaucoup certes. Mais c’est bon.
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« Un chef d’oeuvre. »
Rien à ajouter ou presque, si ce n’est qu’avec le temps (et quelques prêts des livres à des amis), j’ai découvert que cette saga fait partie de ses œuvres qui ne peuvent laisser indifférent : on adore ou on déteste.
Pour moi Simmons n’a rien fait de mieux depuis, même si Ilium/Olympus vaut le détour.
Dommage qu’il se soit perdu dans la suite : Endymion.
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