VO : The Final Judgement. Une paisible famille israélienne installée en Italie se retrouve au centre d’une machination mêlant eurofascisme et négation de la Shoah. Enquête complète agrémentée de quelques rappels historiques, hélas l’ampleur de l’intrigue n’est pas à la hauteur de ce que le félin attendait. Y’a pire néanmoins…
Il était une fois…
Les époux Lévin sont plutôt bien en Sardaigne, loin des remous de leur Moyen-Orient natal. Leur vie est paisible jusqu’à ce que leur fils, le petit Yoel, soit kidnappé par deux vilains encagoulés. Les Lévin tombent de haut. Pourquoi eux ? Ils n’ont rien à offrir, aucune monnaie d’échange. Et là les ravisseurs leur demandent l’adresse d’un certain bottegaio, qu’ils ne connaissent point. Dans le dénuement le plus complet, Arié Lévin va faire appel à son beau-frère, membre du Mossad…
Critique du Dernier Jugement
Titre pétardant de toutes parts et image de couverture à peine aguicheuse, nul besoin d’être grand savant pour déterminer le sujet de ce roman. Et le thème de la couverture s’invite plutôt rapidement dans la narration. Car dès que le beauf d’Ariel Levin, dénommé Yosef, débarque en Sicile pour ramener son neveu (ce qu’il parvient à faire), ça part salement en couille. Déjà un intermédiaire, avocat de son état, est assassiné. Et ce n’est rien à côté du meurtre des Lévin (père et mère) suivie d’une macabre mise en scène – un tableau digne d’un camp de concentration.
La famille décédée, le petit Yoel est envoyé en Israël. Et face à l’incurie de la police italienne affichant un taux de corruption impressionnant, Yosef décide de mener seul son enquête. Pas vraiment seul, puisqu’il reçoit l’aide de la belle Maryam, une Arabe intégrée dans le paysage qui lui sert de guide/traductrice. Première piste : les Lévin ont été confondus avec les Lévy, une famille israélite dont le paternel en sait plus qu’il ne veut l’admettre. Il s’ensuit une balade énergique dans quelques villes italiennes, des rencontres généralement peu heureuses pour un dénouement un tantinet foireux (ça se bat dans les souterrains en mode derniers-jours-dans-un-bunker, ça procède à des échanges de prisonniers, et tutti quanti).
D’un point de vue de l’écriture, il n’y a rien à reprocher à Easterman. Sauf quelques chapitres un peu longuets, on sent l’érudit qui aime raconter, expliquer l’Histoire, développer les pensées de ses personnages – d’ailleurs, le nom de l’auteur est Denis MacEoin, un universitaire/écrivain dont le domaine de prédilection est l’Islam. Il en résulte un roman parfois poussif, dans l’ensemble décevant même si Le Tigre n’osera jamais dire qu’il a perdu son temps.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Il est avant tout question dans cet ouvrage d’une forme d’eurofascisme (tirant franchement vers l’antisémitisme) qui, aux dires de Daniel E., tend à prendre une ampleur inédite en ce début de XXIème siècle. Les attaques visant les immigrés s’amplifient, à l’instar des voix remettant en cause la Shoah et certains hommes politiques affichent sans vergogne des opinions qui, il y a quelque temps, étaient difficilement tenables. Les descriptions de l’auteur avec les liens entre organisations, les mouvements financiers obscurs et rapprochements idéologiques des partis/groupuscules font froid dans le dos.
[Attention SPOIL] LE point fort de ces groupes fascistes ? Faire du bruit et réécrire l’Histoire de l’Holocauste maintenant que la plupart des survivants et bourreaux ne sont plus de ce monde… à l’exception d’une crème du parti nazi prête à témoigner de l’horreur et de la réalité de l’extermination des juifs. Ce personnage, Krämer, est en fait la personne que les antagonistes recherchent afin de le réduire à silence. Imaginez, un Allemand repenti bien implanté dans la machine nazie prêt à rappeler au monde ce que d’autres veulent ignorer – et rejeter en bloc. Détail de la narration ou pas, Yosef subit des rêves ayant trait au traumatisme de l’extermination des Juifs, comme s’il était une des victimes, alors qu’il ne l’a point personnellement vécue. Mémoire naturelle ou qui a besoin d’être rafraichie par l’éducation ? [FIN SPOIL|.
Sinon, de manière plus triviale, Daniel Easterman met en scène un ancien du Mossad, correctement sioniste, œuvrant main dans la main avec une Arabe ayant vécu en Israël – avec ce que ça comporte de frustrations. Ambiance tendue…mais vous supputez ce qu’il adviendra d’eux hein ? On apprend à se connaître, on a d’intenses émotions (qui d’une fusillade, qui de voyages incognitos, etc.), on s’explique à cœur ouvert sur ce qui nous motive, et puis on ne se sépare plus. La lutte immémoriale au Moyen-Orient temporairement écartée par deux tourtereaux exceptionnels, chacun ayant plus de tripes dans le bide qu’un parterre de députés.
…à rapprocher de :
– Sur l’opposition juifs/israéliens vs. Arabes/musulmans (pick your choice), il y a le très docte Les enfants d’Abraham (thriller de qualité), voire Les matins de Jénine (que je n’ai pas su finir).
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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