En suivant le parcours d’un presque adolescent noir dans un troisième Reich naissant, Didier Daeninckx s’est attaqué à un sujet délicat qu’il a traité non sans un certain brio : aventure étonnante doublée d’édifiants exemples de ce que les Nazis étaient capables de faire, ce court titre n’est point une déception – mais nulle grosse claque non plus.
Il était une fois…
Ulrich est ce qu’on appelle, dans l’Allemagne des années 30, une « honte noire », à savoir qu’il est le fruit de l’amour entre une Allemande et un tirailleur sénégalais en poste à Duisbourg après la première guerre mondiale. Entre les premières lois de Nuremberg et le retour en Afrique, en passant par des studios de cinéma près de Berlin, notre ami va parcourir un long voyage – jusqu’à retrouver Galadio, c’est-à-dire ses racines.
Critique de Galadio
Lu vite fait, plaisir bien fait ! Petit bémol : dans le quatrième de couverture, il est question d’une « documentation très fouillée » de la part de l’écrivain français. Mouais, peut-être que Didier D. a bossé comme un âne sur un scénario somme toute crédible, mais de là à parler de documentaire complet faut pas trop se foutre de notre gueule non plus. Certes il y du bon name droping comme il faut (et que tout lecteur oubliera bien vite), toutefois en 150 pages on est loin d’un essai abondamment référencé.
Revenons à notre Ulrich. Tout semblait aller plutôt bien pour lui, vivant sa jeunesse et flirtant même avec la belle Déborah – c’est relatif, môman Ulrich trimant dur dans une fonderie. Cependant, l’idéologie nazie lui tombe assez rapidement sur le râble : éjection de la plupart des activités sportives, il est vite recherché par les S.A. qui parviennent à mettre la main dessus. Placé dans une institution spécialisée, Ulrich échappe miraculeusement à la stérilisation avant qu’un producteur de films le repère afin qu’il joue les figurants. Grâce à quelques prises de vue en Guinée-Bissau, le métis parviendra à filer à l’anglaise et rejoindre les populations autochtones.
Il s’ensuit la participation du héros aux forces françaises libres, quelques hauts faits d’armes jusqu’au retour à Duisbourg pour apprendre ce qu’est devenue sa famille. Pour un roman délivré à la première personne du singulier, l’auteur a réussi à rendre fidèlement compte de la folie de l’époque et l’incertitude qui régnait pour une partie peu connue de la population (ni juif, ni homosexuel, ni tzigane, mais tout comme) et particulièrement déracinée.
En guise de conclusion, un bon petit roman qui s’adresse à tous, et pour cette taille il n’y a que peu de choses à reprocher à Didier D. La narration, empreinte d’une tristesse bien légitime, réussit toutefois à éviter tout pathos ou tirage de larmes excessif, ce qui est en soi un bel exploit.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Galadio paraît être un savant mélange entre un roman d’apprentissage et une quête personnelle sur ses origines. La mère d’Ulrich ne lui dévoile pas tout au premier abord, il faudra attendre que certains évènements surgissent pour savoir les circonstances de la rencontre entre sa mère et un père absent qui ne répond pas aux courriers. Ayant l’opportunité de pouvoir aller dans le pays paternel (la patrie ?), Galadio réapprend à vivre comme ses ancêtres, loin de la misère froide et hostile qu’est l’Allemagne de l’époque. Fort de ces expériences, Ulrich se battra aux côtés des Français Libres, et très vite il aura la confirmation que, même chez les Alliés, les Noirs représentent une citoyenneté de seconde zone – ségrégation particulièrement prononcée dans l’Afrique coloniale.
Un des apports « culturels » de ce titre est, sans conteste, la mise en œuvre grossière de la propagande nazie d’un point de vue cinématographique. L’aventure de Galadio est à ce titre unique puisque permettant de faire un petit tour via les studios Babelsberg, en lisière de la capitale, Berlin. Nous y rencontrerons le gratin des producteurs de l’époque (sauf Leni bien sûr), avec par exemple le bon Edouard von Borsody et son Kongo-Express. Mais le film où le héros jouera un rôle non négligeable est Carl Peters, qui retrace la vie d’un aventurier teuton. Le script, à se pisser dessus, parle d’un homme d’honneur délivrant les populaces locales du joug franco-britannique. A signaler un acteur black qui, malgré son apparence, est une quasi-star dans le milieu.
…à rapprocher de :
– De Daeninckx, Le Tigre sait qu’il existe énoooormément de romans publiés. Pour l’instant, je peux vous conseiller le très singulier Je tue il…
– Sur l’Allemagne des années 30 puis pendant la guerre, il reste l’incontournable Seul dans Berlin, de Hans Fallada.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Bonjour Tigre,je suis ton blog de loin en loin,tombé dessus via les com de rue89,et c est un plaisir,merci pour ça
Sinon dans Mont Plaisant, de Patrice Nganang ,excellent bouquin pour autant que je puisse en juger,
http://lissdanslavalleedeslivres.blogspot.fr/2012/05/mont-plaisant-de-patrice-nganang.html
on a un aperçu (sur un chapitre,d apres mes souvenirs)de ce que pouvait etre la vie d un noir a Berlin dans les années 30
Voila
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