La paternité, ach ! Kolossal sujet. Par un petit tour de passe-passe pas si innocent, un homme offre sa fertile semence à un autre qui en semble dépourvu. Histoires de pères, de doutes, d’intenses remises en question, Van Cauwelaert a gentiment sorti l’artillerie avec un roman court et percutant – même si des longueurs restent à déplorer.
Il était une fois…
Simon est un pauvre hère qui vend des conneries pour des gosses (ça s’appellerait des « jouets »). Il est à plaindre parce que son métier prend une tournure sadique puisqu’il est incapable de faire un chiard à son épouse. Ça l’affiche plutôt mal non ? De l’autre côté de la tranche d’imposition, il y a François, impitoyable capitaliste dont l’idée d’avoir un gamin est aussi prégnante que la volonté de voter à gauche. Qu’est-ce qui pourra bien lier ces deux individus ?
Critique de L.A. Requiem
J’adore Didier Van Cauwelaert. Le genre d’auteur capable, avec 200 pages toutes mouillées (chapitres pas si courts et police relativement petite), à sortir ex nihilo une histoire touchante et bien foutue. Du grand art dans l’ensemble, et ce roman en est un vibrant exemple.
La problématique arrive plutôt vite (moins de 50 pages, au jugé) après une présentation efficace et vivante des caractères de deux protagonistes que tout semble opposer. Simon, le gentil en apparence, n’en peut plus de sa probable stérilité. Lors d’une visite dans un hosto où se trouvera (coïncidence excessive mais attendue) le bon François, quelque chose de magique se passe : époustouflé par la bonnassattitude d’Adrienne (épouse de Simon), l’homme d’affaires s’arrangera pour, incognito (et avec l’aide de revues pornos et d’un tube), provoquer l’arrivée d’un enfant chez l’autre couple.
De cet acte insensé naîtra Adrien, un charmant enfant que François observera grandir en loucedé. Plus il voit le petiot prendre forme et faire preuve d’un certain génie (il est très doué en informatique et en profite pour aider les gens), plus la brutasse commerciale s’attendrit et voit son paradigme [j’adore ce mot] changer. Et Simon n’est pas en reste, de son côté l’arrivée inespérée d’un enfant apporte son lot de bouleversement, même si le bonheur paraît être globalement au rendez-vous.
Du mignon, un poil de réflexions, un humour de situation souvent bien présenté, Didier V.C. mène tranquillou son histoire. Et ça marche putain, à part quelques passages non nécessaires (les nombreuses remarques in petto des personnages pourront en gaver plus d’un) le lecteur se laisse porter. Et ça a plus de matière qu’un Eric-Manu Schmitt ou un Nothomb à lire entre deux stations de métro. Que demander de plus pour deux heures trente de lecture ?
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le premier thème porte sur François et les remises en questions successives qui s’opèrent en lui. Très basiquement, Van Cauwelaert nous introduit un homme bosseur qui amasse des tunes avec une rare indécence. Le mecton accumule le pouvoir (argent, influence) et n’est pas loin d’avoir les deux prémolaires du fond qui baignent de tant de félicité. Est-ce vraiment de la félicité ? A quoi sert tout ce fric et cette position sociale ? Que laisser sur la planète une fois disparu ? Que de nouvelles façons de voir les choses (notamment grâce à Adrien), c’en est troublant pour le business man. Le mot de la fin, assez gnangnan, n’enlève cependant pas le plaisir à voir un homme changer.
Accrochez-vous au zinc les amis, je me prépare à sortir de la philosophie de comptoir digne d’un félin alcoolisé. Le bonheur suprême, pour tout homme, est tout simplement d’avoir un enfant. Sauf qu’un des intervenants dans l’histoire est un clandestin paternel en puissance. Mais la frustration et l’angoisse qui en découlent ne sapent pas l’état de bonheur de François qui voit son fils biologique grandir et bien évoluer – sans pouvoir lui parler ni le toucher. Et, grâce à la narration multiple apportée par l’écrivain, nous sommes en mesure de subir, à chaque étape de la paternité, différents points de vue. Et il n’est pas évident de déterminer quel père est le plus digne de son fils – les deux le seront, à leur manière.
…à rapprocher de :
– De Cauwelaert, je crois (enfin c’est mon impression) avoir tout lu. Notamment Rencontre sous X (bon), L’évangile de Jimmy (le meilleur sans doute), Hors de moi (surprenant mais décevant), etc.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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