VO : The Secret History. Lu non sans une certaine avidité, voilà un roman qui va marquer n’importe quel lecteur. Amitiés, trahisons, mystères, Donna Tartt a sorti l’artillerie lourde pour un roman qu’elle a mis un certain temps à écrire (huit piges quand même). Ce n’est pas tant le secret que l’évolution du héros qui est prenante, bref un petit choc.
Il était une fois…
Richard, jeune homme bourré d’ambition, fait son entrée dans une université au Vermont (Hampden). Grâce à son opportunisme, le narrateur est vite introduit dans la prestigieuse classe du professeur Julian, le saint du saint de l’université destiné à étudier le grec ancien ainsi que le latin. Richard, les jumeaux, Bunny et un autre compadre se considèrent à part et vivent au sein de leur petite communauté secrète. Sauf que Richard est loin de savoir ce qui se trame, en effet ce qui se passe parmi les membres de la classe dédiée « Anciens » est loin d’être catholique…
Critique du Maître des illusions
Un chef d’œuvre, sans mentir. Le Tigre utilise peut-être ce terme à tors et à travers, mais ici on sent le travail de qualité qui a pris aux tripes l’écrivaine. L’histoire est simple, terrible, et toutes ses facettes amenées magistralement. Je me suis régalé.
Un jeune californien boursier se retrouve dans une petite université un peu spéciale : élèves riches, professeurs atypiques parmi lesquels son professeur de grec (Julian) et ses étudiants avec qui il se met progressivement à traîner (après un temps d’adaptation pas si long que ça). Tous ces joyeux lurons clopent comme des pompiers et s’imbibent le foie sans retenu, comme complètement inconscients, tandis qu’ils semblent poursuivre leurs études hors du temps.
De secrets aux expériences bizarres, Richard le narrateur se laisse emporter jusqu’au pire. D’expériences un peu « underground » à un terrible accident, le voilà entraîner dans quelque chose qui le dépasse. Le meurtre de leur ami, principalement, et là l’auteure parvient à nous faire croire que c’est au final une nécessité. Cet acte ignoble est sublime de description (pas l’action en elle-même, mais plutôt l’avant et surtout l’après).
Le pavé de plus de 700 pages peut en rebuter plus d’un. Toutefois, la mise en place de l’intrigue, la préparation de l’irréparable, et le remord post mortem, justifient la longueur de l’œuvre qui se dévore assez facilement. Car il y a quelques éléments autobiographiques dans ce livre, Donna T. a, à l’instar de son héros ou d’un Bret Easton Ellis, tout d’une « parvenue » débarquée dans un environnement opaque où faire ses preuves met du temps à gommer les premières impressions de l’apparence.
Au final, difficile de lâcher la prose. Insupportables et touchants, les protagonistes sont grandioses. Sans compter Julian, le professeur qui au fond est sans doute le plus humain de tous. A mettre en toutes les mains majeures, vous ne serez pas prêts de le regretter.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
L’amitié naissante et le vase clos. Nos cinq protagonistes évoluent entre eux et ne se mélangent que trop rarement avec leurs congénères. S’ensuit une évolution des relations avec chacun, quelque chose de progressif et très bien traité. Le ciment de leurs liens durcit à mesure des épreuves, en particulier des fêtes un peu vicelardes qui vont plus ou moins mal tourner. Le secret de ces petites « orgies » a légèrement déçu Le Tigre qui s’attendait à un peu plus de luxure. Cependant, dans le regard de ces jeunes personnes, c’est sans aucun doute plus impressionnant.
[Attention léger SPOIL] L’histoire de Bunny, la victime, est proprement édifiante : individu dont la famille est sans le sou, le personnage a du mal à cohabiter avec ses riches amis. Habitué à des goûts de luxe, Bunny pousse l’image du parasite jusqu’à un extrême à peine croyable. Se faisant inviter automatiquement; étant invivable vis-à-vis d’un des cinq lors d’un voyage en Italie (sans débourser le moindre centime), faisant de graves allusions ici et là (Le Tigre se souvient de la remarque d’ordre sexuelle faite aux deux frère et sœur), procédant à un subtile chantage quant aux actes occultes de ses « amis », c’est tout naturellement que l’idée d’un assassinat bourgeonne dans l’esprit des héros. [Fin SPOIL]
…à rapprocher de :
– Le Tigre a évoqué Bret, auteur atypique qu’on peut retrouver dans Moins que zéro ou Suite[s] impériale[s].
– L’admiration de tous vis-à-vis du professeur se retrouve, plus puissamment, avec Zweig et La Confusion des sentiments.
– Sur le monde universitaire, Tom Wolfe s’est livré à un quasi travail journalistique avec son Moi, Charlotte Simmons.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.
J’ai gardé un excellent souvenir de ce roman, que j’ai lu à la même époque que l’Aliéniste de Caleb Carr (si tu l’as pas lu et que t’as le temps, cher Tigre, vas-y sans hésiter). Fut un temps où j’offrais systématiquement l’un ou l’autre aux anniversaires.
Caleb Carr traîne dans ma biblio, vu la taille du morcif ce sera pour 2015.
Ping : Michel Rabagliati – Paul en appartement | Quand Le Tigre Lit
Très bon roman. Mais « le petit copain » du même auteur est mieux, je trouve. J’ai adoré !
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