Ouvrage presque « alimentaire » pour L’Express, cet essai ne fait pas que relater les derniers instants des autocrates en tout genre (vingt en tout, miam). Bref résumé de leur prise de pouvoir, description du hall of shame à coup de trahisons, persécutions et meurtres de masse, presque un abécédaire des grands malades du vingtième siècle.
De quoi parle Les derniers jours des dictateurs, et comment ?
Le magazine L’Express et un éditeur ont eu l’ingénieuse idée, dans le contexte des révolutions qui ont éclot un peu partout dans le monde, de sortir un livre sur les derniers jours des dictateurs. Sous la direction de Diane Ducret (essayiste sur les femmes des tyrans) et du rédac’ en chef de l’hebdomadaire (Emmanuel Hecht), une vingtaine d’auteurs a été invitée à raconter, en une quinzaine de pages à chaque fois, les ultimes instants des tyrans de ce monde.
L’organisation des chapitres suit une logique chronologique (date du décès ou de la fuite) efficace, et nous saurons tout sur la fin des gus suivants : Mussolini, Hitler, Pétain, Staline, Trujillo (République Dominicaine), Ngô Dinh Diêm (Sud-Vietnam), Papa Doc (Haïti), Franco, Mao, Houari Boumediene (Algérie), Pol Pot, Reza II (Iran), Idi Amin Dada, Tito, Leonid Ilitch (Brejnev), Marcos, Stroessner (Paraguay), Ceauescu, Noriega (Panama), Mobutu (Zaïre, future République Démocratique du Congo), Saddam Hussein, Ben Ali, Kadhafi et Kim Jong-il. De vrais G.O. d’un club de vacances. Merde, pas une femme dans le lot ! Les pays, c’est quand la « provenance » du vilain ne paraissait pas évidente (selon Le Tigre hein).
Il en ressort un essai relativement court (moins de 350 pages), où chaque chapitre a été écrit par une sommité en la matière (du moins il apparaît) avec sa courte bibliographie. Le style est pourtant relativement homogène, comme si Diane et Manu ont donné aux essayistes un cahier des charges aussi contraignant que le code pénal soviétique. Quelques bons mots, un humour fait de jeux de mots assez plaisants où perce un certain cynisme quant au sombre CV de ces infâmes chefs d’État.
Un chapitre commence généralement par une anecdote sur la fin du protagoniste, suivi de son pedigree avec ses hauts faits l’éloignant un peu plus du qualificatif de « démocrate », le dernier tiers s’attachant à raconter les moments finaux où un tel avait encore mainmise sur son pays. Le Tigre a lu en diagonale quelques passages, voire a lâché sur des dictateurs dont l’histoire me semblait moins intéressante (Ngô, le Shah d’Iran ou la thèse de l’empoisonnement de Brejnev). Dans l’ensemble, sympathique. Mais ne vous attendez à aucune révélation (particulièrement sur Khadafi ou Saddam H.).
Ce que Le Tigre a retenu
Alora, comment ils finissent leurs jours nos tyrans ? Avant de parler de leurs derniers instants, il faut remarquer quelques points communs. Le Tigre évoque rapidement la tolérance (voire le soutien) des démocraties occidentales ayant permis à des psychopathes de rester près de 30 ans aux manettes. A ce jeu-là, la France s’en tire avec les (dés)honneurs.
Le culte de la personnalité, bien sûr, avec plus ou moins d’intensité selon les contrées. Toutefois la constante reste les noms dont s’affublent les despotes pour se faire mousser. Duce, Führer, Timonier, Grand Secrétaire Général, Le Tigre (chacun son nom en fait) a particulièrement aimé les attributions à rallonge que Trujillo s’est donné : les énumérer prend 10 minutes, pile le temps qui lui était imparti lors de son discours à l’ONU. Roosevelt n’a donc laissé le temps à un plénipotentiaire uniquement pour réciter ces titres.
Certains, même, utilisent un sobriquet au point de ne plus se souvenir de leurs noms (Pol Pot, Staline, Papa Doc), comme de méchants rappeurs. J’ai cru aussi remarquer que la prise de pouvoir de ces chers (et oui, la captation de l’économie semble automatique) dirigeants ne se fait pas de manière pacifique. En outre, beaucoup ont été « placés » au pouvoir par des alliés (plus ou moins proches) ne misant pas un kopeck sur l’avenir de leurs poulains. Choix de consensus, le dictateur trompe son monde et s’accapare le pouvoir absolu en moins de temps qu’il en faut pour réciter les décorations militaires de Mobutu.
Pour la plupart, les derniers jours sont loin d’être glorieux. La maladie (due à l’âge bien sûr), grande responsable, a fait des derniers jours d’édifiants exemples d’acharnements thérapeutiques. Sinon, ça pue la lâcheté, la misère et l’impuissance d’un eunuque. Souvent aux abois, nos autocrates perdent appuis sur appuis et il ne reste que des ors du pouvoir un quarteron de fidèles en panique prêts à filer à l’anglaise. Quand ils n’arrivent pas à s’envoler vers l’étranger (l’Arabie saoudite étant une destination de choix) avec femme(s) et dollars($$) à force de négociations, ça ne se termine jamais bien. Au mieux c’est la prison ou la résidence surveillée, suivie d’une mort dans les mois qui suivent.
…à rapprocher de :
– Diane Ducret s’est également occupée des Femmes de dictateurs. Mme Mao n’a qu’à bien se tenir.
– Pour entrapercevoir à quoi ressemble un pays sous la coupe d’une de ces charmantes personnes, il y a Un mort à l’hôtel Koryo de Church (Corée du Nord), Limonov de Carrère (l’URSS), Seul à Berlin de Fallada (Reich millénaire) ou encore Rhum Express de Thompson (n’importe quelle république bananière).
– Désopilant, drôle et corrosif, Le dictateur avec l’acteur Sacha Baron Cohen comporte des scènes bien en-deçà de ce qu’ont pu imaginer nos dictateurs.
– Quelques uns ont eu l’insigne honneur d’avoir un film dédié : Der Untergand (Adolf), Le dernier roi d’Ecosse (Amin Dada), etc.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez le trouver sur Amazon ici.
Ping : George Orwell – La ferme des animaux | Quand le tigre lit