VO : Another Day in Paradise. Eddie Little, gangster trop vite rattrapé par ses vilains penchants, a pu écrire quelques textes qui sont glaçants par leur réalisme. En suivant un jeune homme qui prend le plus mauvais chemin, fait de paradis artificiel et d’enfer, il y a de quoi se sentir mal. Violent et sans concession aucune, ne vous attendez pas à un happy end d’aucune sorte que ce soit.
Il était une fois…
Bobbie est un gamin qui n’est pas à la fête. A peine treize ans et déjà sa vie est un foutoir pas possible à cause d’un environnement familial d’une rare violence. Au milieu de la rue, Mel, brigand aguerri, lui sauve la vie et le prend sous son aile. Cambriolages, tabassages en règle, drogues dures, trahisons, amours perdues, Bobbie est pris dans un engrenage d’où s’extirper semble impossible.
Critique de Encore un jour au paradis
Eddie Little est le genre d’auteur que Le Tigre affectionne avec une allégresse certaine : délinquant, drogué, écrivain, nul besoin de demander au mecton ses lettres de recommandations lorsqu’il publie un titre mettant en scène un personnage qui pourrait être son jeune alter-ego.
Ce « héros », un jeune voyou au prénom assez banal, devient propulsé à un autre niveau de criminalité. Parrainé par confrère d’une autre trempe, notre ami va connaître l’ivresse et la dureté d’un univers dont il est, par défaut, intimement attiré. De quelques larcins à des coups d’éclats d’une étonnante audace, Bob’ va tranquillement se diriger vers l’innommable. Si le lecteur se dit au début que son avenir est à peu près rattrapable, force est de constater qu »il n’y’ plus rien à espérer de l’existence du protagoniste.
Il faut convenir que le style de Little est passable, sans être d’une outrageante richesse littéraire. En outre, l’intrigue, classique, manque peut-être de « punch » même si une relative linéarité permet de mieux rendre compte de la descente aux enfers des personnages. Pour ma part, ce sont les quelques scènes relativement choquantes qui m’ont régalé, le fauve a de suite repéré la suave saveur des péripéties réellement vécues par l’écrivain américain – ce qui, en soit, fait plutôt peur. En rajoutant quelques scènes presque tirées des pires actes d’un film comme Scarface, il y a de quoi désespérer de la condition humaine.
En conclusion, ne lisez pas ce roman si vous vous sentez un peu patraque et êtes en quête d’un petit truc bisounours. Car cette œuvre, que je considère à part dans les polars (car horriblement crédible), a un côté sombre qui enchante parce que ça se termine en eau de boudin – c’est suffisamment rare pour être signalé. Certes l’histoire est humaine car lucide sur les attentes et menus espoirs d’un être humain, mais ce dont sont capables ces hommes (sans compter leurs limites vis-à-vis de la facilité) donnera plus d’une suée au lecteur.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La drogue – titre oblige. Si le héros touche à quelques plaisirs chimiques dans ses jeunes années (colle, clopes, alcool, rien de bien méchant…), il y a une inquiétante accoutumance qui se développe par la suite. Notamment lorsque, à la suite d’une blessure, Bobby est « soigné » à l’héroïne : à partir de ce moment, l’usage récréatif fait place à une impérieuse nécessité au centre de toutes autres motivations. Au surplus, il n’y a pas que la dope : la violence pure, l’adrénaline des situations borderlines, la mise en danger du corps par l’injection d’héro se double d’une franche propension à se foutre dans des situations périlleuses, à la limite du suicide en fin de roman.
L’espoir moribond. Bobby, qui fait péter tous les compteurs de la violence avec une régularité qui force le respect, abandonne progressivement toute possibilité de s’en tirer. L’impression que laisse Encore un jour au Paradis est celle d’un énorme gâchis, d’une vie qui, au final, n’aura servi qu’à peu de chose. Pourtant, les premiers chapitres de l’ouvrage laissaient espérer une certaine libération, en plus accompagnée d’une histoire d’amour avec une femme plus âgée et en galère. Hélas, l’histoire de la fille, encore plus glauque (âmes sensibles s’éloigner), agira telle une ancre dramatique à celle de Bobby.
…à rapprocher de :
– Le film de 1997, Another Day in Paradise, de Larry Clark, est tiré de ce roman – qui, alors, a été jugé digne d’être traduit en français.
– La drogue, la criminalité, tout ça par un « enfant du sérail », jetez un œil à Ne mourrez jamais seul, de Donald Goines.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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