Un auteur que j’apprécie, un titre simple, un personnage que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam, une excellente idée de cadeau qu’on m’a fait. Lu en un peu moins d’une semaine, il faut dire que je me suis régalé : c’est quasiment un documentaire sur la Russie de ces dernières décennies que nous offre Emmanuel, et ce livre constitue une excellente base pour comprendre ce qu’on nomme « l’âme russe ».
Il était une fois…
L’histoire de Limonov, ni plus ni moins. Le 4ème de couv’ résume tout et rien à la fois : par quelques interviews, avec parfois les descriptions des conditions des rencontres avec Limonov, Carrère expose le parcours hors du commun de ce personnage qui en ce moment est allègrement lancé en politique contre Poutine.
Critique de Limonov
Pas si long que ça en a l’air en fait ! Dense et intéressant, une vraie aventure. Emmanuel Carrère est un grand conteur, et grâce à sa famille (merci môman) il a pu avoir matière à raconter. Je vais donc m’attarder sur les 2-3 choses qui m’ont le plus plu :
La simplicité, déjà, de la narration, malgré un vocabulaire plutôt riche. Un auteur français, ça se lit quand même plus facilement qu’une traduction, aussi géniale soit-elle (et c’est bien dommage quelque part). Une telle qualité de développements sur la Russie par un Français, ça fait réellement plaisir.
Ensuite, la manière dont Carrère parvient à nous entraîner dans le monde de Limonov, rappeler l’ambiance du moment, planter quelques rappels sociologiques ou historiques, et surtout paraître donner les faits bruts, sans réellement donner son avis, un jugement, voire nous laisser avoir notre propre jugement.
Corolaire de la partie précédente, c’est tout le contexte historique, l’histoire de l’Europe des années 30-40 à 2010, qui s’insère tout tout naturellement dans l’épopée d’un homme.
Enfin, réussir à pondre près de 500 pages sans qu’une seule fois Le Tigre s’ennuie, c’est beau. Surtout de la part de Carrère qui plutôt relate des faits divers dans de bons livres qui rarement dépassent 300 pages.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
L’épopée d’un pays par la biographie d’un homme d’exception, Carrère l’a réussie. Entre considérations géopolitiques et anecdotes personnelles, tout n’est qu’équilibre avec une écriture aisée et complète.
La Russie, l’énigme dans une boîte à mystère (Churchill), n’en finit pas d’être incomprise en Occident. Limonov lève quelques voiles, remercions le pour ça au moins.
J’ai redécouvert la frustration russe de la dénaturation de la ‘grande guerre patriotique’, la chute de l’URSS, la bêtise ambiante à toute époque, les gens hors du commun, et le malheur des hommes qui n’en finit pas. Dans ce cas, les Russes semblent particulièrement bien vernis, et on voit bien les différences de leur état d’esprit par rapport à l’UE, l’Occident.
…à rapprocher de :
– D’Emmanuel Carrère, disons que Le Tigre a dévoré pas mal de romans : L’Adversaire (mouais) ; La Classe de neige (presque incontournable hélas), etc.
– Pour comprendre encore mieux la Russie, notamment le trauma de la disparition de l’URSS, qui a tout de même vaincu le nazisme, lisons ensemble Que reste-t-il de notre victoire ?, de Natalia Narotchniskaia.
– Dans la même veine sur la Russie, avec un auteur facile à lire et instructif, je vous renvoie à Une exécution ordinaire de Marc Dugain.
– Un roman « générationnel », avec quelques passages sur les atrocités communistes (il n’est pas d’autres termes), c’est aussi Le club des incorrigibles optimistes, de Jean-Michel Guenassia. Ou La vie rêvée d’Ernesto G., bien meilleur roman.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Marc Dugain – Une exécution ordinaire | Quand Le Tigre Lit
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