VO : idem. Un prêtre, dont l’esprit est occupé par un être mi-ange mi-démon, taille la route pour fuir ceux qui le poursuivent – tout en recherchant Dieu. Scénar’ qui ne part pas en sucette, reste équilibré et continu malgré des passages « putain-c-est-quoi-ce-bordel » ; road trip religieux avec des relents d’éléments très western ; humour noir (bordées d’injures comprises) qui tâche mais interpelle ; dessin de plus en plus correct : c’est un presque sans faute.
Il était une fois…
Jesse Custer est un pasteur par défaut dans un bled paumé du Texas. La veille d’un de ses prêches (où quasiment personne ne vient), il irruptionne dans le bar de la ville pour insulter les habitants. Le lendemain, y’a nettement plus de monde à l’église. Ça tombe mal puisque Genesis, divin fruit d’une union interdite, s’abrite dans sa tête (et fusionne avec lui) après avoir échappé à une prison céleste tenue par des sous-fifres d’anges. Il s’ensuit un carnage qui attire les autorités (et les proches du héros). Accompagné de son ex et d’un vampire (oui oui), il devra autant protéger (et se protéger de) ses proches que comprendre ce qui se passe au Royaume des Cieux.
Critique du premier livre de Preacher
Il est passablement difficile d’exposer en quoi les douze premiers chapitres de ce comics sont une parfaite tuerie sans spoiler dans les grandes largeurs. En effet, l’impressionnant Garth Ennis pose dans ce premier tome les principales problématiques d’une histoire dont l’intérêt est régulièrement renouvelé. Ce qui signifie que les tomes à venir sont plus ciblés, s’attardant sur tel ou tel personnage.
D’abord, le fameux Genesis, rejeton d’un ange et d’une démone qui se sont oubliés en baisant comme des bêtes. Une telle monstruosité (aux dires des anges) possède forcément des pouvoirs, notamment celui de se faire obéir par la voix de son hôte (le prêtre donc). Mais ça ne fonctionne pas avec tout le monde. Quoiqu’il en soit, l’évasion de Genesis a foutu un certain bordel dans les Cieux puisque Dieu en personne a démissionné – cause ou conséquence ? C’est donc ce dernier que Jesse tâchera de retrouver afin notamment de lui présenter la note.
C’est sans compter les divers personnages gravitant autour du héros, bons ou gentils, chacun ayant un rôle particulier à un moment de la narration. Cela va d’un taciturne vampire sans âge à Tulip, l’ex au caractère bien trempé, en passant par un assassin divin ou encore face-de-fion, dont l’histoire d’une rare tristesse parvient tout de même à nous arracher un rictus de contentement. Sans compter la famille de Jesse (la grand-mère en particulier), grâce à quelques chapitres le lecteur pourra mesurer l’étendue de la folie et de la débilité de certains bigots vivant en vase clos – oui, y’a de la consanguinité et de la zoophilie dans l’air.
Quant au dessin de Steve Dillon, je vous avoue avoir un peu peur dans les premières pages : couleurs relativement fades, mouvements des personnages passablement rendus, seules leurs gueules (et l’environnement particulièrement travaillé) trouvaient grâce à mes yeux. Néanmoins, Le Tigre s’est progressivement habité à ce trait un peu désuet, limite gentillet et qui tranche nettement avec les dialogues et le ton ouvertement déconneur. Voici donc comment le félin a tout simplement pris son pied à tourner les pages d’un comics dont le style et le visuel détonnent plutôt bien. Presque 400 pages, et dire que ce n’est que le début ! Je recommande vivement.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La religion est à l’honneur, avec une double approche assez subtile dans les premiers chapitres. D’une part, du côté des humains, la bassesse et la méchanceté au nom de Dieu et/ou Jésus sont hallucinantes. Notamment la jeunesse de Jesse qui, forcé à devenir pasteur, subit diverses tortures qui n’ont rien à envier à ce qui se passait à Guantanamo – passer des jours dans un cercueil au fond du lac, brrrr. Paradoxalement, il n’y a que le vampire, chose plutôt mal vue par les religieux, dont la moralité se rapproche (attention, c’est relatif) de quelque chose d’acceptable.
D’autre part, force est de constater que ce n’est pas plus glorieux au « Paradis ». Les auteurs décrivent cet endroit en apesanteur et au décor très S.F. comme n’importe quelle entreprise en crise qui tente de trouver des parades – moralement sujettes à caution. Rajoutez le Très-Haut qui se fait la malle sans prévenir les anges de sa destination ; les créatures célestes qui en punissent d’autres sans une once de pitié, il est délicat de distinguer qui est le gentil dans cette affaire. Ainsi naît l’idée sous-jacente que la différence entre l’enfer est le paradis n’a rien à voir avec la notion du bien et du mal.
Enfin, il est également question de blasphème dans le fond (Dieu qui lâche l’affaire) et la forme (les dialogues). Pour la forme, Ennis ne semble pas respecter grand-chose, et pour ma part ça m’a fait marrer. Mais pas hurler de rire dans la mesure où les gens parlent et s’envoient des vannes comme vous et moi, sans faire montre d’une inventivité particulière. Il s’agit d’un réalisme ordurier, ni vulgaire ni gratuit. De l’humour noir, sec et sobre. Pour ceux que ça intéresse, Dillon et son compère livrent, entre deux chapitres, les correspondances qu’ils ont eues avec certains lecteurs. Certains choqués, d’autres en demandant plus, les réponses apportées valent le détour.
…à rapprocher de :
– Le Deuxième Livre (en lien) est décevant dans la mesure où beaucoup de dialogues jugés inutiles tuent le rythme. Mais c’est toujours une tuerie. Le troisième est presque pire, même si le premier tiers est à se damner.
Tigre a découvert Garth Ennis grâce à son impressionnante maîtrise du Punisher, héros renversant s’il en est : Au Commencement (somptueux redémarrage du perso) ; Mère Russie (putain de claque) ; Kitchen irish (sobre et un poil décevant).
– Je ne sais pas pourquoi, mais mon cerveau irrationnel a fait le rapprochement avec Le Chanteur de Gospel, de Harry Crews. Sans doute la puissance de la religion et les belles apparences derrière une violente réalité.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce comics en ligne ici.
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Zut, j’étais venu pour la critique de Tromper la mort mais les commentaires sont fermés. C’est aussi bien comme ça. Vaut mieux parler des livres à lire que de ceux à éviter (ahahah).
Bref, Preacher, yep, excellente série, recommandée par un pote il y a quelques années, et qui ne m’a jamais quitté depuis. Découverte de plein de nouveaux détails à chaque relecture, ce qui est généralement bon signe et témoigne de la richesse de l’histoire et des idées. Il m’avait également conseillé à l’époque de me précipiter sur Transmetropolitan avec toujours Ellis aux manettes (et peut-être encore meilleur).
Preacher pas encore fini, je ne sais pas si Transmetropolitan est meilleur. Merci pour m’indiquer la fermeture des commentaires sous l’autre article, une erreur de ma part. Tout est ouvert ici, le plaisir étant d’avoir de nouvelles remarques sous des billets datant de plusieurs mois ^^
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