Schmitt écrit beaucoup de titres qui dans l’ensemble restent corrects, hélas cette historiette sur la rencontre entre un commercial occidental et une dame-pipi chinoise et traitant du confucianisme est un peu light. Un titre long comme le bras pour un roman relativement pauvre, c’est plus que dommage.
Il était une fois…
Célibataire endurci et polyglotte sachant suffisamment manier le mandarin pour taper une discute avec un Chinois, le narrateur est envoyé dans dans la province de Guangdong (vers Yunhaï il me semble) pour négocier sévère avec les locaux. Une de ses techniques consiste à partir tel un pet sur une toile cirée, et ce en pleine négo, juste pour presser un peu plus le citron [désolé du jeu de mots raciste]. C’est en allant aux chiottes dans ce cadre qu’il croise Mme Ming, avec qui il aura de nombreuses conversations.
Critique des dix enfants que madame Ming n’a jamais eus
Cela doit être environ le sixième opus du cycle de l’Invisible, nom donné aux romans traitant d’une religion (ou quelque chose s’y rapprochant). Pour être franc, j’ai été comme titillé par l’impression que l’auteur tire sur la corde à idées comme un ado attardé qui a trouvé le bon filon pour choper dans les booms. Sauf que les nanas commencent à être au jus.
Le scénar’ est presque trop évident à suivre. Le héros fait la rencontre d’une vieille dame assez énigmatique, dont la dignité et la résilience vont l’interpeller. Rapidement il appert qu’elle a eu une dizaine de gosses, ce que le narrateur a du mal à comprendre vu la politique de l’enfant unique en Chine. [Attention mini SPOIL] Au final, la vieille travaillait chez Pearl River Plastic Production, la même boîte avec qui le héros négocie. Il est question de création de poupées (le passage dans l’usine est bien rendu, presque le seul intérêt du bouquin), ce qui résonne étrangement avec les 10 potentiels gosses de la dame Ming. Est-il possible que Ming dise la vérité ? Ou comment le lui faire croire ? [Fin SPOIL]
La narration, à la première personne, ne m’a paru que peu vivante, pour ne pas dire fade. S’il faut reconnaître un progrès de la part de Schmitt dans la construction de chapitres une peu plus longs que d’habitude, hélas cela reste un roman de 100 pages bien aérées. Lecture trop rapide, pas le temps de s’immerger totalement. Quant à l’Empire du Milieu, les descriptions sont quasiment inexistantes. Bref, il y’a beaucoup mieux chez Eric-Manu.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le confucianisme est à l’honneur, vous l’aurez compris. Pour Le Tigre, c’est avant tout un tout cohérent de codes portés sur l’équilibre et le respect des autres, en particulier de la hiérarchie (parents, supérieurs, voire la nature). Schmitt se concentre plutôt sur le décalage entre la vie excessive et impitoyable d’aujourd’hui et la sérénité d’une dame pipi qui balance tranquillement ses proverbes à chaque questionnement du narrateur.
Du coup, et c’est sans doute l’intention de l’auteur, j’ai été franchement agacé par ces proverbes souvent vides de sens. C’est facile de répondre à une question par quelques bons mots, seulement hors contexte (comme cela arrive pour un des gosses de Mme Ming) le ridicule n’est jamais loin. Voici un florilège de phrases toutes confucianistes, parfois confusionnistes (je suis content de ce dernier calembour) :
L’expérience est une bougie qui n’éclaire que celui qui la tient. Difficile pour le pauvre de n’éprouver aucune rancune ; facile pour le riche de ne pas s’enorgueillir. Appliquez- vous à garder en toute chose le juste milieu. C’est quand le froid de l’hiver surgit que l’on note que le pin et le cyprès se dépouillent de leurs feuilles après les autres arbres.
L’affabulation. Ce n’est pas moi qui vous dévoile la fin, c’est le titre avec cette négation un peu lourdaude. Toutefois, entre le narrateur et la digne dame, on ne sait pas qui commet les plus gros mensonges. Car pour nos deux compères, c’est parfois le meilleur moyen de supporter la réalité : Ming se créé une famille pour combler un certain vide tandis que le narrateur aura, progressivement, l’envie d’en fonder une. How cute, je sais.
…à rapprocher de :
– D’Eric-Manu S., il faut rapprocher ce roman des autres qui font partie du Cycle de l’invisible : Milarepa, Oscar et la Dame rose, Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran, Le Sumo qui ne pouvait pas grossir, L’enfant de Noé, etc.
– Les dernières pages m’ont, dans une certaine mesure, rappelé Goodbye Lenin !, excellent film à regarder au moins une fois dans sa vie.
– En guise de conclusion musicale, j’ai souvent eu en tête les dernières paroles de Mon frère, par Maxime Le Forestier :
Je t’ai dérangé, tu me pardonnes,
Ici quand tout vous abandonne
On se fabrique une famille.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce titre en ligne ici.
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