Schmitt est un auteur que j’affectionne de temps à autre, car contrairement à d’autres de ses congénères plus « mainstream » il reste capable de me surprendre dans les grandes largeurs. Et ce roman en fait presque parti : longueur adéquate, style agréable, bref Jésus vu par lui-même et Pilate, ce n’est que du bon.
Il était une fois…
Dans le jardin des oliviers, un homme très célèbre attend que les soldats viennent l’arrêter pour le conduire au supplice. Quelle puissance surnaturelle a fait de lui, fils de menuisier, un agitateur, un faiseur de miracles prêchant l’amour et le pardon ? Plus tard (trois jours pour être précis), Ponce Pilate est confronté à un évènement encore plus extraordinaire. Le cadavre du fameux Yechoua a disparu, et le personnage vient de se faire une réapparition.
Critique de L’Évangile selon Pilate
Un très bon EES, et ce pour deux raisons : d’emblée c’est plutôt court (moins de 300 pages), ensuite l’histoire m’a profondément ému. Il a failli m’arracher une larme le salopiaud, il en fallait un peu plus néanmoins.
Le scénario est relativement bien construit, avec une double narration de bon aloi : le narrateur du début ne sera rien d’autre que Joshua. Et les pérégrinations de cet illustre personnage, racontées par l’auteur français, sont terriblement crédibles. Même avec peu d’immersion dans l’environnement (descriptions, noms complexes de l’époque, etc.), l’empathie qu’on ressent pour celui qui deviendra crucifié est réelle.
Ensuite c’est le tour de prendre Pilate comme narrateur. Le préfet de Judée est un Romain pur jus, pas porté sur le déisme pour un sou et l’équivalent antique d’un super-flic à l’autorité éprouvée. Imaginez que ça va être dur pour son esprit cartésien, et pour cela on se prend également d’affection pour lui ! Paranoïaque et imaginant tout et n’importe quoi, à un moment donné l’impossible paraît le plus facile à croire.
Et oui, Éric-Manu est parvenu à faire quelques chose de très sensé : point de caricature (j’irai même jusqu’à dire que c’est subtil), deux histoires qui s’articulent correctement, et surtout un style simple et abordable pour n’importe qui d’à peu près curieux. Ça ne veut pas dire que c’est plan-plan, loin de là.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Pour les deux thèmes, je ne vais hélas pas trop me fouler. D’une part, il y a la triviale question de la foi. Jésus déjà à qui il arrive de parfois douter de son statut de fils de Dieu. Mais c’est aussi l’histoire de Pilate qui doute, mais dans l’autre sens. S’il pense avoir affaire à un imposteur au début, les actes de ce dernier le troublent profondément. En plus, le tribun est affublé d’une belle femme qui a une idée bien précise de Jésus (je n’en dirai pas plus). Pilate, qui n’est pas témoin du final miracle de l’Essénien, serait-il le premier Chrétien, celui qui croit ?
D’autre part, Schmitt en profite pour avancer une théorie (que j’ai trouvé relativement séduisante) sur le père Judas. Il s’agit du bien connu testament apocryphe de Judas où il explique les raisons de sa trahison : Jésus, se sachant condamné, lui aurait fait comprendre qu’il serait de bon ton de le balancer aux Romans. Et Iscariote, dont l’admiration pour le Messie n’a d’égal que l’abnégation, aurait accepté cette terrible mission. Avant de lire ce roman j’ignorais cette approche de la Bible, et sous la plume de l’écrivain bah c’est plutôt convainquant.
…à rapprocher de :
– Tigre a lu Schmitt de long en large. En vrac : La Part de l’autre, La Secte des égoïstes, etc.
– Mais surtout, le fameux « Cycle de l’Invisible » avec du bon et du moins cool : Milarepa (sublime, parce que Tigre est bouddhiste), Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran (moins bon), Oscar et la Dame rose (j’ai pleuré), L’Enfant de Noé (sympa), Le sumo qui ne pouvait pas grossir (trop light), Les Dix Enfants que madame Ming n’a jamais eus (encore plus light).
– Encore plus long et magnifique, l’histoire de Jésus par Christopher Moore dans L’agneau DOIT être achetée.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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Les avis que j’ai lus sont assez partagés mais je suis d’accord : cet évangile sort des sentiers battus et Judas faux félon, j’aime bien le concept.
Apparemment l’auteur s’est inspiré de la publication récente de l’évangile de Judas, texte qui daterait du 2ème siècle et a tout l’air d’inspiration agnostique. Bref, que la papauté classe dans sa bibliothèque « non grata » (avec mes Sutras d’ailleurs). Mais Tigre n’est que docteur en théologie d’Asie du Sud Est, et non catholique, donc ne bois pas mes paroles.
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