Un des plus importants titres de l’écrivain pour l’instant, du moins un des premiers lu et qui m’avait correctement marqué. Il faut avouer que le père Schmitt a eu une idée assez fantasque qu’il a exploitée dans les grandes largeurs. Il est d’autant plus méritant qu’il n’a pas dépassé 250 pages bien aérées. Bravo.
Il était une fois…
Tazio a des tendances suicidaires qu’un beau jour il décide de mettre à l’œuvre. Au moment de faire le grand saut, un grand sot (faut bien décompresser hein) lui propose un marché bien particulier : « vends moi ton corps, et je…[non non, pas de sexe]…te transformerai en oeuvre d’art. » L’ancien mannequin se retrouve alors à la merci de son nouveau manager et va goûter aux joies et peines d’être un objet d’une inestimable valeur.
Critique de Lorsque j’étais une œuvre d’art
J’ai légèrement gambergé à foutre ce billet dans la catégorie des essais, parce que plus d’une fois les propos et descriptions de l’écrivain français sont si justes qu’on pourrait boire l’intégralité de ses paroles.
A mon sens, le véritable personnage central de cette histoire est le fameux « Zeus » Peter Lama, artiste bobo-contemporain pipoteur en diable qui « gère » la nouvelle carrière de notre héros. Ce dernier profitera de son nouveau statut pour régler quelques comptes, hélas ne plus être maître de son propre corps lui fait rapidement prendre conscience de son erreur. Parallèlement, notre ami reprendra progressivement goût à la vie, et en partie grâce à la pétillante Fiona – la seule qui forcément voit l’homme avant la pièce d’art.
C’est tout naturellement que le roman se terminera bien, avec une flopée de nanas siliconnées courant dans tous les sens et le héros qui va savamment (une astuce juridique si je me souviens bien) se saborder en tant qu’objet. Sur le style, c’est du Schmitt efficace et bien amené où il n’y a pas grand chose à reprocher.
En conclusion, un des romans incontournables pour aborder cet auteur à qui, plus tard, il est arrivé de s’égarer – pas bien longtemps. J’avais peur d’avoir apprécié Lorsque j’étais une œuvre d’art à cause de ma niaiseuse jeunesse, toutefois en le relisant en diagonale le plaisir n’était guère émoussé.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La première question, bien sûr, est si un être de chair et de sans peut être une œuvre en soi. Ce n’est pas un objet, la réponse serait alors évidente. Mais à bien réfléchir au sujet, grâce notamment à ce que la chirurgie offre de nos jours, on voit bien que Adam bis (le nouveau nom du gus transformé) peut prétendre au statut de pièce d’un art particulier. On est en présence d’un joli mix entre un Dorian Gray (version péché/sexe), la créature de Frankestein mâtinée d’un pacte à la Dante – mais avec une clause de dédit en sus.
Cet ouvrage est également un plaisant foutage de gueule vis-à-vis des dérives de ce qu’on nomme l’art contemporain. Pour rester dubitatif face à certaines « œuvres » dans des galeries qui, à mon sens, se font savamment pigeonner, Le Tigre a trouvé qu’Éric-Emmanuel a su bien rendre compte de certaines caractéristiques de cet art nouveau : argent omniprésent récolté par quelques sommités de pensée unique qui décident de ce qui est de bon goût, la volonté de faire à tout prix dans l’original (surtout en choquant), et la populace désespérante qui suit comme un troupeau de vaches marche vers l’abattoir.
…à rapprocher de :
– De Riri Schmitt, outre ses pièces de théâtre, j’avais particulièrement aimé La Part de l’autre ou L’évangile selon Pilate.
– Il y a le Cycle de l’invisible sur les religions : Milarepa, Oscar et la Dame rose, Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran, Le Sumo qui ne pouvait pas grossir, L’enfant de Noé, Les dix enfants que madame Ming n’a jamais eus, etc.
– Pour terminer sur une note plus sérieuse, et si vous voulez être instruit de l’art contemporain, il y a l’indispensable essai de Sarah Thornton.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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