Enfin un billet à peu près sérieux et utile sur l’inénarrable blog tigresque. Rien de plus désagréable que de voir son petit ouvrage chéri trempé jusqu’à l’os. Déjà ce n’est pas pratique, mais en plus ce petit con a perdu plus de la moitié de sa valeur. Voici quelques modestes réflexes à avoir avant que votre nouvelle serpillère ne ressemble au flasque postérieur d’un acteur (dont je tairai le nom) sur le déclin.
L’accident / le déluge
Le lecteur pressé pourra zapper cette partie, toutefois l’expérience du félin dévoreur de roman a permis de mettre à jour quelques statistiques. Et ceux-ci sont édifiants : si votre bouquin prend l’eau, c’est majoritairement de votre faute.
On pense tous au monstrueux dégât des eaux pendant que vous n’êtes pas chez vous, et au cours duquel toute votre armoire (où sont forcément vos romans) prend allègrement la flotte. Seulement ce cas, impressionnant certes, n’est pas vraiment en soi un souci. Pour peu que vous ayez gardé les factures d’achat, le remboursement par l’assurance interviendra. Je plaisante, personne ne garde ces tickets, et c’est pourquoi prendre une photo de votre bibliothèque (en très grosse résolution) peut être utile.
Et oui, l’objet littéraire fera trempette à cause de vous. Et les exemples ne manquent hélas pas : oubli du livre dehors avant la pluie ; renversement d’eau pétillante dessus ; littérature sur la plage un jour de grande marée ; lecture dans les WC qui tourne mal ; sans oublier les larmes amères versées sur la collection Harlequin, etc.
L’accident se produisant ainsi en votre présence, vous serez en principe à même de réagir rapidement pour rattraper les dégâts. Le Tigre ne traitera donc pas de la bibliothèque passablement humide depuis des semaines où d’inquiétantes moisissures (quand ce ne sont pas des champis de la taille d’un furoncle) ont pris racine – cela fera sans doute l’objet d’un autre billet à dominante culinaire.
Les premiers secours
Le premier conseil que je donnerai est le suivant : ne pas se précipiter et évaluer tranquillement la situation. En effet, si c’est un roman de poche, demandez-vous si le jeu en vaut la chandelle. Un petit poche un peu abîmé, qu’est-ce que ça peut vous foutre ? Au pire vous le prêterez à tout bout de champ.
Ensuite, si le bouquin semble irrémédiablement trempé (genre il traîne depuis 12h dans votre seau à champagne où les glaçons ont fondu), jugez au moins si c’est récupérable. Sans évoquer l’épineux sujet de l’euthanasie sous toutes ses formes, très souvent tenter de maintenir un quasi cadavre sur pied est une profonde erreur. Plus le bouquin aura pris son bain, plus le remettre d’aplomb sera une gageure. Face à ce constat, il est parfois arrivé au Tigre de procéder à un infâme échange :
Muni du livre salopé caché dans ma besace, je me balade benoîtement dans une grande surface culturelle et sors discrétos le bouquin pourri. Puis je le mets dans le rayon à la place de son frère jumeau sec. Si on vous fait chier à la sortie du magasin, babillez ce que Le Tigre vous a appris dans un autre billet (en lien). Allez même, si vous en avez le temps, faire l’inventaire avec le gars de la sécurité – qui, en principe, n’ira pas regarder de très près l’état du roman dans le rayon.
Sinon, il faut se résoudre à utiliser quelques papiers buvard. L’étape d’urgence veut que vous ôtiez le gros de l’humidité sans saloper l’œuvre. Pour cela, insérez ces papiers dans quelques pages (pas toutes, sinon ça risque de péter la tranche) pendant une heure, puis recommencez avec les pages suivantes. Pendant ce temps, je fais personnellement brûler un peu d’encens autour du bouquin en émettant quelques mantras à destination de Sainte Mogadiscio, déesse de la sécheresse.
Pour accélérer le processus, je ne saurais trop vous conseiller d’utiliser le sèche-cheveu avec lequel vous martyrisez votre chat. Attention, ne réglez pas l’appareil sur une température chaude, sauf si vous voulez que les pages de votre ouvrage soient aussi gondolés que les cheveux d’une niaiseuse Anglaise pléonasmée. C’est également la raison pour laquelle poser le bouquin sur un radiateur est une aussi bonne idée que de recourir à son sèche-linge.
Le vent froid est tout indiqué pour retirer les menues gouttes qui se sont perfidement glissées dans les interstices. Veillez seulement à viser un peu partout afin d’éviter les traces de séchage sur les pages.
Ces gestes de premier secours effectués, récupérer un bouquin bouquin comme neuf nécessitera quelques petites attentions plus contraignantes que traiter l’Alzheimer de grand-maman.
La convalescence
Le truc idiot qui vient à l’esprit du quidam est de laisser l’œuvre prendre un peu de repos au soleil. Calamitas merdumque – comme dirait mon professeur de chant en m’écoutant. Non seulement les pages risquent gravement se gondoler (cf. explication ci-dessus), mais en plus l’astre divin va apporter une teinte foncée auxdites pages – qui ressembleront alors à des chicots de paysan cubain sous caféine et tapant quotidiennement dans la réserve à cigares du Líder Máximo.
La solution est d’utiliser des produits qui ôtent et/ou absorbent, lentement mais sûrement, tout ce qui ressemble de près ou de loin à des molécules H20. Au hasard, le fauve peut vous indiquer quelques substances qui feraient l’affaire : farine, morceaux de coton, mais je pense avant tout au talc. Ce dernier produit est génial car le saupoudrage est aussi aisé que se débarrasser de ce qui reste après sur les pages. En revanche, évitez d’utiliser du sel, substance certes efficace mais intensément corrosive. Ce serait pire que lire dans la mer morte (en lien d’ailleurs).
Ensuite, pour fignoler l’aspect final du bouquin, n’hésitez pas à le faire reposer dans un endroit relativement frais et fermé, tout ça bien évidemment à l’abri du soleil. Le must serait de placer quelques sachets déshydratants dans cet espace confiné et ne pas l’en sortir de là. En fait, je m’aperçois que je suis en train d’exposer les caractéristiques que devrait avoir toute bibliothèque qui se respecte – du moins, la mienne est ainsi.
Concluseau
Si vous avez des remarques au sujet de la monomaniaquerie du félin qui a plus d’une fois gambergé sur la manière de protéger ses petits bouquins, gardez-les pour vous.
Si vous avez des remarques sur la difficulté à avoir du papier buvard ou une prise électrique à portée de main lorsque la catastrophe survient, utilisez du sopalin et des piles – des modèles de sèches-cheveux à piles existent.
Si, de guerre lasse, vous préférez jeter le livre trempé, laissez-le plutôt sur un banc public avec un post-it « servez-vous ».
Si vous vous faites choper au magasin du coin pour avoir vainement tenté un échange, balancez Le Tigre comme instigateur. Faut bien que je fasse parler de ma personne…
Enfin, pour les curieux, j’explique souvent le choix du numéro du Sutra. Ici, la référence au Déluge, obligatoire, m’incitait à parler de ce bon Noé qui a construit son radeau avant que la marée ne monte. Le même gus qui aurait vécu 950 ans. Sûrement une erreur de traduction, le zéro étant en trop.
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