François Szabowski est un écrivain particulier qui a commencé sur internet par son roman-feuilleton « Le Journal d’un copiste ». Ici les 180 premiers épisodes dans cette œuvre, des débuts du personnage à son poste de quasi gigolo. Phrasé simple mais acide, péripéties improbables et un tantinet répétitives, l’antihéros dudit journal ne m’a hélas pas laissé grande impression.
Il était une fois…
François (ou Pierre, mince j’ai déjà oublié) est un jeune homme plein de bonne volonté. Bien décidé à garder son récent boulot de copiste, notre héros ne va pas vraiment s’y prendre comme il le faut, d’autant plus qu’il se fait pas mal de films sur ce qui se passe autour de lui. Boulot abêtissant, licenciement (un copiste recopie, on vous laisse imaginer qui a encore besoin d’un pareil poste), amours contrariées, déménagement, rien ne sera facile pour notre grand benêt.
Critique des Femmes n’aiment pas les hommes qui boivent
D’abord, quelques points sur les i : Les femmes n’aiment pas les hommes qui boivent est un titre non représentatif (quoique…) de l’ouvrage, qui aurait pu se nommer Journal d’un méchant looser. Car le protagoniste principal l’est, un peu méchant. Pas très intelligent non plus, mais surtout éternel intriguant et interprétant un peu tout de travers. Dommage, le titre ne me paraît pas suffisamment accrocheur.
C’est non sans humour que le lecteur suivra les pérégrinations de notre antihéros qui va se mettre dans des situations improbables et fera acte de mauvaise foi comme on en voit rarement. Si bien qu’à la longue ça devient gavant (cf. infra), tant c’est presque répétitif.
Car en narrant la vie d’un être lâche et simplet, avec des termes judicieux et souvent recherchés, le tout sur près de 300 pages, Le Tigre s’est plus d’une fois surpris à calculer, en pourcentages, l’avancement du roman. Heureusement que le rythme s’accélère sur le dernier tiers et que l’envergure des péripéties soit un peu plus gonflée.
Les autres bons points, maintenant. D’une part, François Szabowski a réussi un exercice pas évident, celui de reproduire la pensée (un peu primitive) d’un antihéros tout en lui prêtant des remarques et actions fort développées. Car la grammaire, simple, est au service d’un vocabulaire parfois chantant, souvent recherché.
Un roman plaisant, mais sans plus. C’est un genre, le lecteur ne pourra être indifférent à la prose et au scénario. Pour Le Tigre, si l’histoire est bonne, la prose m’a souvent plus ennuyé qu’autre chose. Faire un roman à partir d’une série diffusée sur le web, l’exercice aurait pu très mal tourner, heureusement ce ne fut pas le cas. 180 petits chapitres, les pauses sont faciles (tous les 10 chapitres, un résumé subjectif encore plus biaisé), surtout que chaque chapitre commence par une sorte de maxime, poétique ou humoristique. Florilèges avec quelques phrases savoureuses pour la fin :
Les gendarmes au fond sont tous des poètes. Un vieillard qui meurt, c’est un compte en banque qui brûle. Chaque pot a son couvercle. On ne bâtit pas des châteaux de cartes avec des épileptiques. Il ne fait pas bon vivre gazelle quand le destin n’est qu’un félin cruel.
D’ailleurs, sauf erreur de ma part, la dernière phrase (ma préférée) semble être pompée d’un nanard chanté à la fin des années 70. « Des mots de sympathie », de Jean-Claude Cosson. A confirmer.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
D’abord, La bassesse humaine. Le narrateur, mais aussi quelques protagonistes du roman, ne sont pas d’une franchise (et d’une lucidité) remarquables. Loin de là. Égoïsme, recherche du plaisir immédiat, victimisation systématique, si tout cela va très loin dans l’œuvre, n’importe quel lecteur se reconnaîtra forcément à un niveau ou à un autre dans la mauvaise foi du héros.
Ensuite, l’intrigue, qui est parfois digne d’une comédie de boulevard. Il faut reconnaître à François S. un certain talent pour créer et rendre sympathique, sur papier, n’importe quel comique de situations. Les nombreuses tournées des bars en vue de trouver un boulot ; l’embauche d’amis clochards afin de faire baisser la côte d’un quartier, d’un immeuble ; placer un mari gênant dans un train vers Marseille en lui faisant croire autre chose,… Amusant, rafraîchissant.
Enfin, malgré ces schémas intellectuels que le narrateur met en pratique, rien ne se passe comme prévu. Le lecteur s’en doute, les interprétations des besoins et réactions d’autrui sont tout bonnement catastrophiques (et drôles du coup). Mais cela nous rappelle (si besoin est), que n’importe quel plan soi-disant « logique » à nos yeux est sans doute aussi foireux que ceux du copiste. Tout est relatif.
…à rapprocher de :
– La suite s’intitule Il n’y a pas de sparadraps pour les blessures du cœur, et l’auteur a promis une certaine montée en puissance. Pari réussi. Au fait, les titres de chapitres sont regroupés dans La famille est une peine de prison à perpétuité (illustrations d’Elena Vieillard).
– De François S., il y a Les majorettes, elles, savent parler d’amour, roman que le héros du présent roman tente d’écrire. De même que Silhouette minuscule (coécrit avec Anna Reese) et Une larme de porto contre les pensées tristes (qui n’est pas mal du tout). Pareillement, Il faut croire en ses chances est à ne pas rater. Même éditeur bien sûr.
– Le type de narration, à la limite du « bas de plafond » rappelle ONG !, de Iegor Gran.
– Sur les plans, projections, hypothèses qui plantent (presque toujours) dans les grandes largeurs, vous pourrez lire Le cygne noir, ambitieux essai de Nassim Nicholas Taleb.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici. Ou via le site de l’éditeur.
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