VO : Der Process. Classique de la littérature du XXème siècle que Le Tigre a apprécié, voici venu le temps de dire ce que j’en pense. Étriqué et pessimiste, dans un monde où l’arbitraire tient la main à la corruption, Le Procès est un édifiant voyage dans la maison hantée de la justice. Chef d’œuvre d’actualité.
Il était une fois…
Le quatrième de couv’ de l’éditeur Flammarion est plus que correct, vous permettez ? :
« Un matin, Joseph K. est arrêté. Qui l’accuse ? De quoi ? Quand aura lieu son procès ? À ces questions, une réponse implacable : « C’est la Loi. » L’erreur est donc impossible. Ainsi, lentement, au rythme de l’administration, la vie de K. tourne au cauchemar. Avocats désabusés, juges peu scrupuleux, tribunal déserté…la justice n’est plus qu’absurdité, simulacre d’une liberté déjà perdue. »
Critique du Procès
Suis pas fan de résumer les classiques analysés de partout, aussi je vais laisser mes très subjectives impressions lors de la lecture (il y a quelque temps certes) de cette œuvre. Si j’ai mis ce titre dans la catégorie des « romans allemands », c’est parce que l’écrivain hongrois l’a écrit dans la langue de Goethe. Veuillez donc pardonner Le Tigre.
« On a calomnié Joseph K ». A partir de là, tout est joué. Le narrateur (Joseph K) va être trimballé à différents endroits pour sauver son honneur (surtout sa vie) face à une implacable machine judiciaire. Implacable, mais surtout imbitable question procédures : Jo ne sait pas vers qui se tourner pour se sortir de ce mauvais pas, en fait tous les protagonistes de l’affaire ajoutent à sa confusion. Et c’est fait pour, puisque sa condamnation a été décidée bien plus tôt qu’il ne veuille l’admettre.
Un roman que tout étudiant doit hélas bien connaître au risque de passer pour un inculteux de première, heureusement qu’on ne dépasse pas les 300 pages. Car si l’histoire reste plaisante, avec une narration assez détachée, il faut convenir que ce n’est pas un exemple de fluidité stylistique. Loin de là, j’ai eu souvent l’impression de lire un assemblage de télégrammes assez insipides.
Pour un ouvrage non destiné à être publié, ça aurait pu être pire. Ceux qui ont dégoté les manuscrits du père Franz ont fait ce qu’ils ont pu, et le résultat est un ouvrage tellement connu qu’il serait criminel de ne pas le lire au moins une fois.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
L’arbitraire. On ne saura jamais ce qu’on reproche au héros, et il semble que les protagonistes s’en foutent royalement. Derrière ce déni constant de justice on fait la rencontre d’une bien tristounette bureaucratie, aux relents d’incompétence notoire bien poussiéreuse. Une image qui illustre parfaitement cette problématique est la fameuse « Parabole de la Loi », histoire intégrée dans le roman et contée par un prêtre. Joseph K. n’est qu’un quidam qui n’a pas ses entrées dans le système, il n’est formé que pour recevoir le châtiment final, sans espoir de défense.
La procédure sans fin (enfin presque). Si le déroulement peut parfois paraître abscons, sinon ennuyeux, Le Tigre pense que c’est par un fait exprès. Car les différentes péripéties de notre héros pourraient s’étendre à l’infini, celui-ci peut parfaitement rencontrer une armée d’avocats, un parterre de juges, des conseillers à la pelle, tous peuvent changer leurs discours et lui raconter des histoires menant à des situations au final interchangeables.
Ainsi, il appert que seuls les premier et dernier chapitre sont permanents. Le début, avec la calomnie suivie de l’enclenchement de la machine judiciaire. Et la fin, surtout, qui clos la mascarade de justice. Joseph K. est promis à la mort, et l’exécution est tout ce qu’il y a de plus prosaïque, c’est à dire un égorgement comme on tuerait un vulgaire clébard (ce que remarque le narrateur). Chose intéressante, on lui retire ses habits avant l’assassinat, comme pour ôter ses derniers oripeaux d’humanité et les garder pour les « refiler » à une prochaine victime. Le meurtre couvert d’une mince couche de légalité, comportement hélas universel.
…à rapprocher de :
– Kafka est à l’origine d’un adjectif qui illustre l’histoire de No smoking, par Will Self.
– Les procès (le terme peut faire sourire s’il n’y avait pas tant de morts) de Moscou ont eu lieu une décennie après la publication du Procès (1925), et sont magnifiquement évoqués dans Le zéro et l’infini, de Koestler.
– Joseph K., c’est quelque part Joseph Kaplan dans Ou La vie rêvée d’Ernesto G., de Guenassia. Excellent roman.
– L’Enquête, de Philippe Claudel, emprunte beaucoup à Kafka avec le parcours initiatique et violent d’un héros déraciné.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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