L’ingénieux Gaulois et son énorme compagnon roux vont presque rencontrer aussi têtus qu’eux ! Et oui, les Corses sont d’une trempe plutôt rebelle, et malgré leur légendaire susceptibilité la mayo prend assez vite avec nos héros. Frais, enlevé, reprenant tous les canons du genre, cet opus est loin d’être le pire. C’était le bon temps.
Il était une fois
C’est la fête en Bretagne ! Pour commémorer je ne sais plus quelle connerie, le village d’irréductibles branleurs a invité quelques proches (vus dans de précédents opus). Histoire de se la péter, le chef a organisé une belle bataille contre un camp romain. Un seul n’est pas vide, et à juste raison : les soldats ont pour mission de garder un prisonnier condamné à l’exil, et qui répond au très facilement mémorisable nom d’Ocatarinetabellatchitchix – ce sera la seule fois où je l’écrirai en entier. Astérix et Obélix vont l’aider à retourner dans son île de barb…euh beauté.
Critique de Astérix en Corse
Allez hop, on prend au pif ce qui traîne dans une brocante, on le lit le temps de négocier le prix de 2 euros à 30 centimes, et puis on repose la BD sur le tréteau mouillé avec la satisfaction d’avoir fait plier un vieillard près de ses sous. Voici donc le vingtième opus du ‘tit Gaulois arriéré et décadent, toujours prompt à faire chier ce bon César qui, rappelons-le, est en train de poser les bases de ce qui deviendra un des plus beaux empires de l’Histoire.
L’histoire est infiniment plaisante et reprend ce qui fait le succès de la série : voyage dans un pays inconnu, découverte des us et coutumes, épiques batailles contre les Romains, et running gags toujours aussi plaisants – à l’instar des vilains pirates, plus pleutres que jamais, ou le fameux « banc des accusés », où sont assis un quarteron de vieux croulants tapant la discute. La Corse, pillée par un gouverneur sans scrupule (mais assisté d’incapables), fait progressivement basculer la figure du Barbare qui démarre au quart de tour en un sympathique libérateur de l’oppression des légions.
Sinon, en relisant la BD, j’ai été surpris par la pétée de références que j’avais, plus jeune, zappées. Par exemple, comment savoir à douze piges que le chef Osterlix dont le sommeil est légendaire est un clin d’œil à l’expression « soleil d’Austerlitz »?. Quant aux illustrations, les couleurs verdâtres du maquis, associées un camaïeu de blanc/jaune, tranchent agréablement avec les costumes romains qui sautillent, comme à leur habitude, tels des cabris sous MDMA.
Que dire de plus sur un titre tant de fois lu ? De ma modeste expérience, j’y ai lu un ode à l’île de Beauté, servi par un humour gros comme un menhir mais non dénué de tendresse – tout ça en 48 pages excellemment calibrées.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Les Corses sont évidemment à l’honneur, et le père Goscinny s’est fait plaisir dans la BD question caricature : il y décrit, avec une malice gentillette, des hommes rudes, machos, enclins aux ridicules vendettas, susceptibles et profondément attachés à leur terre. Vivant de choses simples, les Corses n’ont que peu à voir avec le faste de Rome, dont les représentants semblent cloisonnés à la côte tels des touristes de passage. Ce refus de l’autorité externe s’illustre par cette phrase prononcée par un des héros au gouverneur : « Si un empereur veut gouverner les Corses, il faut qu’il soit corse lui-même. » [clinc clinc pour Napo]
Le plus marrant est que certains traits locaux paraissent contaminer ceux qui s’y frottent. Les légionnaires qui mènent leurs rondes à la cool, Astérix qui finit par gueuler plus fort que les Corses, c’est à se demander si Goscinny, quelque part, ne voulait pas désamorcer les critiques en affirmant « mais non, c’est pas les Corses qui sont comme ça, c’est la Corse qui fait l’habitant ». En point d’orgue, Idéfix est bien le plus touché, terminant l’histoire en se tapant un sieston digne d’un ours en hibernation.
…à rapprocher de :
– Sur le blog traînent également (par ordre de publication) : Le Devin (ça passe) ; le correct La Grande Traversée ; le minable Astérix et Latraviata ; Le Papyrus de César (ça aurait pu être pire).
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Le seul Asterix où Gosciny est obligé de faire une préface pour désamorcer les critiques. En plus des répliques que tu cites, j’ajouterai la fameuse séquence du chantier qui n’avance pas. Lorsque le légionnaire corse demande aux prisonniers de travailler, ils lui répondent que quelque chose comme : » tu es un renégat et en plus tu dis des gros mots ! » Culte !
Je ne voulais pas trop charger la barque insulaire, surtout que je n’arrive pas à déterminer si leur fainéantise est proverbiale par nature ou en raison des tâches à faire (paver autour de la demeure du consul).
Je n’ai pas la version avec la préface, quel dommage !
« Pour la plupart des gens, la Corse est la terre natale d’un empereur qui a laissé dans l’Histoire des pages aussi indélébiles que celles inspirées par notre vieux complice Jules César.
C’est aussi le berceau d’un chanteur de charme à la longue et prestigieuse carrière, dont les refrains où il est question de Marinella et d’une belle Catarineta, tchi tchi, ont fait le tour du monde.
C’est aussi le pays de la vendetta, de la sieste, des jeux politiques compliqués, des fromages vigoureux, des cochons sauvages, des châtaignes, des succulents merles moqueurs et des vieillards sans âge qui regardent passer la vie.
Mais la Corse, c’est plus que tout cela. Elle fait partie de ces endroits privilégiés du globe qui ont un caractère, une forte personnalité, que ni le temps ni les hommes n’arrivent à entamer.
C’est un des plus beaux pays du monde, qui justifie pleinement son appellation d’île de Beauté.
Mais pourquoi ce préambule, nous demanderez-vous. Parce que les Corses, que l’on décrit comme individualistes — alliant l’exubérance à la maîtrise de soi — nonchalants, hospitaliers, loyaux, fidèles en amitié, attachés à leurs pays natal, éloquents et courageux, sont, eux aussi, plus que tout cela.
Ils sont susceptibles… »
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