La Gaule entière est occupée par les Romains. Toute ? Putain oui ! Du moins c’est le point d’être écrit par César dans ses commentaires sur la guerre des Gaules, roman très attendu par l’intelligentsia romaine. Comique de situation, jeux de mots gentiment anachroniques, péripéties trop fouillis, ça aurait pu être pire.
Il était une fois…
César va être publié ! Grandiose ! Les tablettes sont prêtes à être vendues à la populace admirative. Néanmoins, son conseiller en com’, le bon Bonus Promoplus, lui conseille de supprimer un passage peu glorieux sur une bande d’irréductibles Gaulois chiant dans les bottes de l’Empire. Hélas, c’est sans compter un scribe numide (un nègre littéraire, ho ho) qui remet à Doublepolémix, journaleux, une version non expurgée du texte. Laquelle arrivera, comme par un fait exprès, dans le village de nos héros.
Critique du Papyrus de César
Jamais le félin aurait eu l’idée d’acheter cet album. Tellement de choses en apparence plus intéressantes à lire. Et lorsqu’on me l’a offert, et j’y suis allé à reculons. Encore une réaction conne de ma part puisque je me suis plutôt bien marré, même si l’ébahissement fut bien moindre que pendant ma tendre jeunesse où je dévorais, sans l’ombre d’un début de gavage, les aventures du petit Gaulois.
L’histoire est relativement bien trouvée et met en scène quelques personnages liés au monde de la chose écrite : l’éditeur Promoplus, avide de profiter de la bonne fortune littéraire de César, qui balise sévère à mesure que nos héros sont sur le point de révéler le « vrai » contenu du papyrus et tente de rattraper le coup tout en cachant à l’Empereur au dictateur le boxon qui se prépare ; et un journaliste/activiste bossant à L’écho de Condate, suffisamment fouille-merde et intéressé (mais sympathique) pour s’imaginer un tas de scoops qui changeraient sa vie. En outre, grâce au voyage entrepris par les deux Gaulois dans une mystérieuse forêt peuplée de créatures légendaires afin de garder une copie (mémorielle) du roman de César, le lecteur en apprendra un peu plus sur la jeunesse de Panoramix, lorsqu’il était à l’école des hautes études druidiques (ou quelque chose de ce genre).
La trame principale est toutefois « polluée » par une foultitude de petites anecdotes annexes (l’utilisation des pigeons voyageurs, l’interprétation de l’horoscope) qui font que ce tome est lourd dans le scénario en plus d’être verbeux. Heureusement qu’on retrouve la magie dessinatoire des auteurs d’origine, la transition reste douce et, de loin, rien ne permet de distinguer le travail de Didier Conrad de celui d’Uderzo. Il manque cependant quelques tableaux d’ensemble occupant plus de la moitié d’une planche, quelque chose de reposant (par rapport au texte omniprésent), comme si l’illustrateur craignait de se frotter à cet exercice – même si quelques illustrations offrent une vue d’ensemble relativement satisfaisante, par exemple les vues en hauteur du village.
En fait, je me suis passablement fait chier à lire ces aventures. Disons que Le Tigre n’est pas le récipiendaire naturel d’un tome qui se veut consensuel et case des traits d’humour considérés comme poussifs. Rien de transcendant dans le Papyrus de César, seulement l’assurance de passer une quinzaine de minutes pas trop désagréables. Dernière chose qui m’a interpellé : les auteurs crédités ont, au mieux, un pied dans la tombe (et écrivent avec l’autre), alors que Ferri et Conrad ont seuls assuré le boulot. Faudra qu’on m’explique.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Désolé les amis, mais pour une aventure d’Astérix je ne vais guère prendre de risques :
Cette BD, telle une autofiction, est centrée sur le vaste monde littéraire. Celui de l’édition, bien sûr, où vendre 50 bouquins est considéré comme un carton – ha ha, ça risque d’arriver dans les années à venir. La stratégie de publication, les dédicaces, les relations incestueuses entre éditeurs, auteurs et critiques, les clins d’œil sont nombreux mais jamais corrosifs. Le monde des médias, enfin, et notamment le journalisme engagé d’investigation, qui est aussi rare que précieux dans un village gaulois où la pplèbe semble être plus intéressée par l’horoscope d’une feuille de choux (qui influe grandement sur leur comportement), équivalent du journal de 20 heures de notre époque.
Plus sérieusement, Le Papyrus de César reprend, de manière certes simplifiée, la problématique de l’écriture de l’Histoire. La réécriture plutôt, puisque les faits historiques tels que nous les connaissons ont été écrits par les vainqueurs. C’est d’ailleurs le problème du déroulement de la conquête de la Gaule dont les sources proviennent, pour l’essentiel, des commentaires d’un César désireux de se faire mousser. Pendant ce temps, nos Gaulois se contentent de perpétuer une tradition orale qui n’a que très peu de chance de rester compréhensible et entière pour les générations suivantes – il n’y a qu’à voir l’état d’Archéoptérix, le druide censé garder intacte la mémoire gauloise. Contrairement à ce que pensent nos héros dont un des hobbies consiste à détourner les proverbes, les paroles s’envolent bel et bien.
…à rapprocher de :
– Pas mal d’histoires du fier Gaulois sont sur le blog, dans l’ordre de publication s’il vous plaît : Le Devin (ça passe) ; Astérix en Corse ; La Grande Traversée ; Astérix et Latraviata (une vraie purge celui-là).
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD en ligne ici.
Ping : Goscinny & Uderzo – Le Devin | Quand Le Tigre Lit
Je tiens juste à te préciser que César n’est pas empereur mais a été nommé dictateur à vie… Le premier empereur est Auguste (Octave pour les intimes).
Paradoxalement, tu m’as quand même donné envie de le lire !
Merci, je corrige !
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