Titre complémentaire : histoire d’un jeune homme. En effet, voici les aventures du frais Frédéric qui, à l’instar d’un Rastignac, monte à la capitale pour s’élever socialement. Et accessoirement choper de la MILF. Classique littéraire où les phrases sont ciselées avec un travail d’orfèvre, toutefois la concentration tigresque a été rapidement émoussée.
Il était une fois…
Année 1840. Frédéric Moreau, tout juste majeur, est sur le point de faire ses études à Paris. Il y retrouve un ami (Deslauriers) et s’en fait de nouveaux (Hussonnet, Dussardier, etc.), mais surtout tombe sur le couple Arnoux dont il tombe éperdument amoureux de la femme. Cette rencontre lui permettra de frayer parmi différentes strates de la société parisienne. Laquelle réagit au quart de tour avec les troubles politiques du milieu de ce siècle.
Critique de L’éducation sentimentale
Depuis le temps que je voulais lire ce truc auquel je n’avais absolument rien compris au collège, me voilà pas plus avancé. Sans doute mon cerveau n’est plus habitué à ces nombreuses péripéties qui partent dans tous les sens sans vraie transition, mais ce fut globalement indigeste à lire. Sans parler de la troisième et dernière partie qui a achevé le peu de patience qui me restait – j’ai laissé les cinquante dernières pages en plan, je l’avoue.
En revanche, l’écriture de Gustave F. reste un enchantement. Des passages entiers méritent d’être lus à voix haute, j’ai cru lire de la poésie. Le style alterne même entre lapidaire sobriété et envolées qui sont une régalade pour les yeux. Au surplus, et je n’ai guère honte de l’annoncer, mais quelques expressions désuètes ont ravi le félin qui n’en attendait pas tant.
Exemple ici, page 17 de l’antédiluvienne édition que j’ai :
La petite fille jouait autour de lui. Frédéric voulut la baiser. Elle se cacha derrière la bonne ; sa mère la gronda de n’être pas aimable pour le monsieur qui avait sauvé son châle. Etait-ce une ouverture indirecte ?
Hu hu. Sérieusement, vous avez maintenant une idée du niveau intellectuel du félin dont la principale motivation pour poursuivre la lecture n’est pas de découvrir un classique, mais espérer capter ici et là quelques pépites à double degré de cet acabit (et aussi les engueulades, duels et tromperies qui parsèment l’œuvre).
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Évidemment, Flaubert dresse un tableau d’un réalisme confondant d’une époque tiraillée entre le bon Roi Louis-Philippe, la République et l’Empire. J’avoue que, question connaissances historiques, la période 1815-1890 est celle que je maîtrise le moins. Du coup, les soubresauts de la France (révoltes de 1848, avènement du Second Empire, etc.) tels que contés par Flaubert m’ont semblé assez confus, sans compter que je ne m’étais pas totalement approprié l’existence et l’évolution des différents amis de Moreau – seules les déconvenues d’Arnoux me parlaient. Néanmoins, certains personnages sont si caricaturaux que se les représenter est fort facile.
Ce qui m’a surpris est la nonchalance de Frédéric qui m’a paru ne pas en glander une. Déjà qu’il manque de foirer son année de droit. On le voit plus passer son temps à rendre visite à Madame Arnoux, la Maréchale ou Dambreuse qu’à bosser pour gagner sa croûte (les héritages sont bien commodes il est vrai). Il n’empêche que, pour son âge, le jeune Moreau est bourré d’ambitions et calculateur, une telle facilité d’entregent donne l’impression qu’à cette époque gouverner le tout-Paris est à la portée du premier clampin qui descend de sa calèche.
…à rapprocher de :
– Trivialement, je vous signale un certain Madame Bovary du même auteur.
– Dans la catégorie jeune-niais-qui-monte-à-la-capitale, les titres ne manquent pas. Mes compétences hélas ne me permettent pas de vous joindre les bonnes références.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce classique en ligne ici.
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L’Education sentimentale est un roman que j’ai lu l’année dernière, et je dois dire que j’ai beaucoup, beaucoup plus aimé que Madame Bovary. Je vais tâcher de le défendre, d’après mes souvenirs qui ne sont plus si récents.
Flaubert ne s’est jamais caché d’avoir voulu écrire un « livre sur rien ». Donc c’est sûr que si on cherche du suspense et de l’aventure, on risque d’être déçu.
A mon avis, Frédéric a le malheur d’être un romantique dans une époque qui ne l’est plus. Son seul véritable bonheur, c’est Mme Arnoux. Leur amour est tout aussi sincère et pur qu’il est impossible et interdit.
A partir du moment où il comprend qu’il doit faire une croix sur Mme Arnoux, que lui reste-t-il ?
— Devenir artiste (peinte ou écrivain) ?
— Atteindre les hautes strates de la société (cf. ses affaires avec le banquier, etc.) ?
— S’engager politiquement ?
Frédéric Moreau ne persévère finalement dans aucune de ces voies (ce qui donne cette impression que le livre tourne en rond), mais c’est précisément parce qu’il ne parvient pas à réellement s’investir, à réellement se motiver, vu que tout ce qui compte pour lui, c’est Mme Arnoux, et que c’est la seule chose qui soit réellement impossible.
D’où le fait que Frédéric reste finalement assez passif, là où les autres personnages s’investissent, eux, dans ces différentes voies que Frédéric ne fera qu’approcher : il y en a qui réussissent artistiquement, d’autres qui réussissent financièrement, d’autres encore qui font de la politique, d’autres qui sont heureux en ménage, etc. Mais Frédéric, lui, ne s’engage réellement dans aucune voie, parce qu’il est un romantique désenchanté, parce qu’il n’a plus de réel but dans la vie : la seule chose pour laquelle il a envie de vivre, il ne peut l’avoir.
Dès lors, Frédéric, alors même qu’il est le personnage principal, est davantage un observateur de la société qui l’entoure qu’un héros. Il observe les soubresauts politiques, les dîners mondains, les courses hippiques, etc., mais finalement tout ceci ne lui importe guère.
Finalement, je ne vois guère Frédéric comme un arriviste qui veut réussir à Paris. Il était peut-être comme cela au début, mais la rencontre avec Mme Arnoux (« Ce fut comme une apparition ») bouleverse radicalement sa vie.
Il est possible que ce désenchantement soit aussi celui de Flaubert lui-même.
Bon, voilà, c’est tout ce qui me vient à l’esprit ; j’espère que vous n’aurez pas trouvé ce commentaire trop long 🙂
Au contraire, merci pour enrichir ainsi le modeste blog (étant limité à 1000 mots, je n’aurais jamais pu écrire ça. Et surtout parce que mon analyse n’allait pas jusque là ^^)
Respect, perso j’ai abandonné il y a bien longtemps, c’est très bien écrit certes, mais qu’est ce que c’est chiant…
« Chiant ». Je n’osais pas, merci de confirmer ce sentiment.