VO : CKokkyō no minami, taiyō no nishi. Bouleversant par sa puissance, dérangeant parfois, intense et simple, le roman est sûrement le meilleur moyen de découvrir Murakami. En effet, ça se lira à vitesse grand V, et quelques scènes (oui oui, il y a un peu de cul) sauront titiller l’échine de tout lecteur normalement constitué qui n’a pas envie d’un univers trop fantasmagorique.
Il était une fois…
J’aime bien la présentation de l’éditeur, il y a un peu de la poésie de l’auteur nippon :
« À douze ans, Hajime rencontre Shimamoto-san, sa petite voisine. Avec elle, il découvre la musique, les sourires complices, les premiers frissons sensuels… Et puis celle-ci déménage, laissant à son ami le goût amer de l’abandon. Lorsque, trente ans plus tard, elle réapparaît, Hajime, rongé par le désir et la nostalgie, est envoûté par cette femme énigmatique, reflet de ses rêves perdus. »
Critique de Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil
Lorsque j’ai lu ce relativement court titre, j’étais déjà rompu au style de l’écrivain japonais. Aussi Le Tigre, en moins de 48 heures, a dévoré ce petit roman et lui décerne un énorme satisfecit de première bourre. Presque le genre de truc que je serais capable de relire malgré la piètre estime que j’ai de la relecture, c’est dire.
C’est la superbe histoire d’un Japonais qui n’a connu aucune insatisfaction dans sa vie et est bien intégré. Propriétaire de clubs de jazz (comme l’auteur, tiens !), sa vie va basculer lorsqu’il fera la rencontre fortuite d’une amie intime dont le destin l’a séparé il y a une trentaine d’années (il avait 12 ans). La suite ne sera que questionnements et actes adultérins, avec la volonté (souvent réprimée) de tout lâcher pour se mettre avec la mystérieuse Shimamoto.
Contrairement à beaucoup de titres d’Haruki, le fantastique est presque absent de la quinzaine de chapitres. Pour le lecteur habitué à La course au mouton sauvage ou autres 1Q84, l’attente légitime de quelque chose d’un peu plus décalé ne sera point satisfaite. De même, le style sobre (phrases courtes et aisées à parcourir) et peu descriptif s’efface progressivement face à l’énigme relative de l’amie d’enfance du protagoniste principal, mystère qui sera (hélas ?) largement laissé en suspense.
Heureusement que Au sud de la frontière… permet au lecteur de remplir les trous narratifs à loisir, et pour plus de 200 pages il y a vraiment peu de choses à reprocher au roman. Pour ne rien gâcher, la traduction est agréable à lire et les scènes « pimentées » très convaincantes. Un petit merci au passage à la traductrice Corinne Atlan qui, à mon humble sens, a fidèlement retranscrit l’univers de l’auteur.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le héros est en pleine crise de la quarantaine, ici initiée par une rencontre d’une personne que son esprit avait oblitérée. Il s’ensuivra l’irrésistible besoin de jouer au jeu du « et si ». Et si je quittais ce carcan douillet pour me lancer à l’aventure ? Et si je ne m’étais pas éloigné de Shimamoto-san, que serais-je devenu ? Hajime est souvent perdu, par exemple sa morale changeante et choquante, du genre « tu peux tromper ta femme pendant sa grossesse tant que c’est pas plus de trois fois avec la même personne ». Amère plaisanterie de Murakami ou exposé des justifications honteuses imaginées par un homme d’apparence banale ?
Malgré la taille de l’œuvre, Le Tigre a pu être immergé dans le Japon des années 80. Les descriptions du pays du Soleil levant (cliché, check) sont bien rendues et font écho aux qualités et défauts du protagoniste : d’une part, la vie bien menée qui renvoie à l’essor économique et la richesse du pays. D’autre part, et revers de la médaille, l’occidentalisation à outrance de l’archipel (ce n’est pas l’unique raison) semble apporter son lot de schizophrénie, avec entre autres une corruption endémique : corruption des institutions autant que des esprits (l’adultère notamment).
…à rapprocher de :
De Murakami, Tigre a beaucoup lu :
– Les nouvelles, comme L’éléphant s’évapore ou Après le tremblement de terre (moins bon). Ou l’essai Autoportrait de l’auteur en coureur de fond, qui parle de jazz (au début).
– Les romans tels que Les amants du Spoutnik (bizarre), La course au mouton sauvage (une pépite, vraie de vraie), Le Passage de la nuit (parfait pour démarrer avec cet auteur). Et la grosse trilogie, l’incontournable 1Q84 (le dernier tome étant en-deçà de mes attentes).
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Haruki Murakami – 1Q84 Trilogie | Quand Le Tigre Lit
Ping : Haruki Murakami – Le Passage de la nuit | Quand Le Tigre Lit
Ping : Haruki Murakami – Autoportrait de l’auteur en coureur de fond | Quand Le Tigre Lit
Miaou, le tigre!
Comme souvent, me voilà ici via votre autopromotion sur rue89. Des fois c’est subtile, des fois moins. Des fois je lis pour apprendre des choses, des fois non. Mais je dois vous remercier. Grâce à vous j’ai découvert Black Like Me, et oh… c’était chouette! (et quelque mois après, j’ai découvert que c’était dans la biblio d’un de mes cours).
Merci le Tigre,
à la revoyure !
Merci Lou! J’ai tenté de vous envoyer un courriel pour continuer cette délicieuse conversation via courriel, cependant le vôtre ne m’a pas l’air d’être valide. Pourriez-vous me spammer via contact[at]quandletigrelit.fr, pour que nous continuons ? Je supprimerai alors votre commentaire, qui n’est pas attaché au sujet du billet. Bises félines
Pas de fantastique dans Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil?
Ca pourrait me plaire alors. Autant je suis amateur de fantastique, autant j’ai beaucoup de mal avec le melange de genre en particulier quand le fantastique intervient mais que ce n’est au final pas du tout le sujet. Ca me parait un peu trop irrealiste/surrealiste pour mon cartesianisme. Exemple, dans Kafka sur le Rivage, le mec il voit des fantomes et il se perd dans une foret chelou mais tout est normal. Pas besoin d’elucider le mystere, il peut toujours etre amoureux de sa vioque… C’est pas normal ca. Bref selon moi ca joue contre Murakami parce que je me sens decu. Dans 1Q84 pareil. 0 explication sur les petits hommes. C’est frustrant.
Je vais peut-etre tenter celui-la du coup.
Merci le Tigre
De rien Cqfd. Autant que je me souvienne, c’était relativement « classique », même si l’autre nana semble cacher un secret…et qu’on en saura jamais rien. Pas trop frustrant, rien à voir avec 1Q84 qui a été terminé sur un coin de nappe.
Ouais bin une sacree nappe alors parce que bonjour les longueurs et les repetitions. A mon avis, il ne voyait pas comment finir son histoire et du coup, il ne l’a pas terminee…
Ping : Haruki Murakami – Les amants du Spoutnik | Quand Le Tigre Lit
Ping : Haruki Murakami – L’éléphant s’évapore | Quand Le Tigre Lit