VO : Zō no shōmetsu. Murakami est un auteur prolixe, et pendant les années 80 il s’était notamment fait plaisir à écrire quelques nouvelles. Chacun sa manière de se détendre. Ce recueil comporte une vingtaine de textes doux-dingues assez inégaux, mais le lecteur repèrera vite si c’est susceptible de le transporter.
Il était une fois…
Allez zou, voici ce qu’en dit l’éditeur :
« Une curieuse digression sur les kangourous. Un éléphant qui se volatilise. Un nain diabolique qui danse. Ou une jeune fille « cent pour cent parfaite ». A travers ces dix-sept nouvelles, petits contes anodins de notre quotidien, Haruki Murakami entraîne son lecteur dans une dimension parallèle à l’imaginaire délicieusement drôle et bizarre, au fil d’un Japon nostalgique et moderne à la fois. Farouchement zen et férocement fantastique, l’auteur déploie encore une fois son art magistral, et nous montre qu’il sait comme personne comment transfigurer la banalité de nos existences ».
Critique de L’éléphant
Tigre a lu ce recueil il y a quelque temps déjà, et même si le félin sait à quoi s’en tenir, heureusement qu’une bonne âme a bien voulu me rappeler ce dont il est question dans certaines nouvelles. Car il est des textes que mon esprit avait fermement décidé d’oublier, et ce malgré la bonne impression générale tirée de l’œuvre.
Ce qui est particulièrement bienvenu est l’indépendance totale entre tous les textes. Aussi je n’ai pas hésité à lâcher dès que cela ne m’inspirait pas, ce qui fut le triste sort réservé au premier texte. Ce n’est pas bien, je sais, mais cette histoire de coups de fils et d’un chaton perdu, tsss. Les huitième et dixième (vague histoire de mecton partageant son appart’ avec sa jeune sœur) nouvelles, même funeste destin.
Maintenant, les bons points : l’imagination féconde (et parfois déroutante) d’Haruki M., qui parvient à pondre des saynètes fantastico-poétiques ; et le style aussi fluide qu’une autoroute française après la crise du pétrole de 73. Quant au « farouchement zen » vanté par l’éditeur, Tigre se demande comment la zénitude peut faire preuve de faroucheté, faut pas déconner : ça ne sied ni à la complexité ambiante (exemple de l’antépénultième titre, sur l’étudiant fauché), ni au fantastique parfois violent. J’aurais plutôt comparé le tout à un jardin japonais : ça part dans tous les sens, mais avec harmonie.
Pour conclure, je m’aperçois que les textes dans L’éléphant s’évapore sont comme les souvenirs de vacances : on ne garde en mémoire que ceux ensoleillés, où le rire se mélange à une douce folie si propre à l’auteur. Il y a certes des passages totalement pluvieux (traduction en littérature : hermétiques), mais au moins on peut décider de passer à la journée suivante.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le fantastique en embuscade. Tigre a l’Impression de se répéter par rapport à Murakami, mais ce dernier a une délicieuse manie de nous en mettre plein la vue lorsqu’on s’y attend le moins. Surtout dans ses plus plus courts romans. Narration normale (enfin, façon de parler), intrigue triviale, quotidien morose…et là, soudain, au coin d’un paragraphe, le monde réel dégage comme un pet sur une toile cirée coulissante (nipponne forcément).
L’ultime reproche de cet ouvrage, enfin, est sa densité. A titre personnel, je préfère quand l’auteur japonais opère un glissement sémantique progressif, ce qui est plutôt l’apanage d’un roman. Dans notre cas, une vingtaine de pages par intrigue n’est pas la taille idéale : soit ça mérite d’être allongé, prolongé pour aller au format supérieur (l’avant dernier texte, éprouvant et beau), soit le délire est trop vite complet, et si le lecteur ne s’accroche pas aux branches dès le début, il passera à autre chose (ce qui m’est partiellement arrivé).
…à rapprocher de :
– Murakami…aaah, mon petit Haruki, qu’est-ce que j’ai pu prendre comme plaisir à t’avoir au bout de mes doigts : 1Q84 bien sûr (fin décevante), La course au mouton sauvage (sublime), Les amants du Spoutnik (mouais), Le Passage de la nuit (parfait pour démarrer avec Haruki). Et plein d’autres. Pas le temps de tous les mettre. Allez, un dernier excellent : Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil.
A signaler le court recueil Après le tremblement de terre, plus abordable à mon sens.
– Peut-être rien à voir, mais un auteur capable de créer de tels mini-mondes autour d’oeuvres plus imposantes, ça me rappelle Philip K. Dick. Entre ses fabuleuses productions du recueil Le dernier des maîtres ou le gross pavé qu’est SIVA, il y a un monde.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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