VO : idem. Thème complexe, abordé sous l’angle de multiples scénarios regroupés dans une unique histoire de transmission d’expérience, voilà une preuve que Mankell ne fait pas que de vilains romans policiers. Tout cela se lit plutôt vite (chapitres courts), et on pourrait être content si ce n’était pas décevant sur la fin qui se termine en eau de boudin. Mais vu le sujet c’est un passage quasiment obligé pour l’écrivain nordique.
Il était une fois…
Le quatrième de couverture se tient, et ce serait dommage de ne pas s’en servir :
« Dans un camp de transit de la côte espagnole, les migrants attendent patiemment d’entrer en Europe. Tea-Bag, la jeune Africaine, tente d’oublier les cris de ceux qui ont péri dans le naufrage qui les a menés sur cette plage. Lorsqu’un journaliste lui offre, contre son témoignage, un voyage en Suède, l’espoir renaît. Parviendra-t-elle à infléchir le cours de son destin ? »
Critique de Tea-Bag
Tigre a lu beaucoup trop de romans de Mankell, surtout sa série avec le flic Wallander (qui est à Mankell ce que Erlendur est à Indridason). Les résumer tous ne me tente pas vraiment, aussi je préfère me concentrer sur un titre qui n’est pas un roman policier. Un polar, à la rigueur.
En effet, Henning M. semble croiser dans le domaine du dramatique avec une histoire sur les émigrés qui tentent l’Europe, et la Suède en particulier. En suivant la jeune Tea-Bag, Africaine de son état et immigrée fraîchement dans le sud de l’Europe, le lecteur aura un tableau aussi édifiant que sombre sur l’univers des clandestins dans des lieux auxquels on est peu habitué (la Scandinavie). Si le résultat est bienvenu, c’est grâce à des saynètes délivrées par des témoins qui semblent avoir réellement existés.
Et comme souvent, les témoignages doivent être pris avec une infinie précaution. Plus d’une fois je me suis demandé ce qui est vrai de ce qui a été inventé par les émigrés. Et heureusement qu’il y a leurs petites histoires (en italique), ces passages souvent caustiques constituent à mon sens le meilleur de Tea-Bag. Car le reste fait montre d’un style toujours aussi « scandinave », c’est-à-dire longuet, contemplatif et mystérieux (ça peut gonfler de temps à autre). Au final, une œuvre intéressante, toutefois sans plus. Celle-ci n’est pas trop longue, au-delà de 400 pages Tigre aurait fait la gueule.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le thème central reste l’émigration. Plutôt l’immigration de jeunes individus d’horizons divers (Leila l’Iran avec Leila, la Russie et Tania) vers l’Europe. C’est marrant, mais je soupçonne le père Mankell de s’être documenté sur le sujet, parce que ce qu’il écrit est étonnamment crédible et immersif. Presque flippant. Des raisons poussant ces femmes à fuir leur pays jusqu’aux banlieues ghettoïsées de Stockholm, en passant par les filières d’immigration, l’auteur suédois maîtrise le process.
J’ai cru noter que Mankell a opéré une fine mise en abyme. Car le journaliste avec qui les protagonistes s’entretiennent ne serait pas l’auteur en personne ? Le héros du livre est en quête de sujets pour écrire un bouquin, et les immigrées sont à la recherche d’une sorte de porte-parole afin que leurs histoires (dont on doute parfois) soient connues du public. Ainsi se met en place un échange de bons procédés, et au final le lecteur ne saura pas vraiment qui s’est servi de qui.
…à rapprocher de :
– De Mankell, y’a bien sûr la série avec le héros Wallander. Quelques bons dans le lot (L’homme qui souriait n’en fait pas partie hélas), toutefois en matière de romans policiers y’a mieux dans la jungle littéraire.
– L’immigration, l’individu esseulé en quête d’identité, ça me fait penser aux Porteurs d’âmes, de Pierre Bordage. Attention, c’est plus de l’anticipation sociale, voire de la SF.
Enfin, si votre libraire est fermé, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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