Sous-titre : Les Aventures de Tintin et Milou. La Syldavie, pays gentil s’il en est, représente un véritable fruit trop mûr qui n’attend qu’une amicale pichenette pour tomber. Mais c’est sans compter le reporter belge qui, par un suspect concours de circonstances, sauve la monarchie contre les libérateurs bordures. Un peu bâclé sur les bords, on n’y croit pas une seconde.
Il était une fois…
Tintin fait sa promenade digestive dans un parc quand soudain il tombe sur…une serviette laissée à l’abandon (un porte-document, pas un bout de tissu imprégné de sperme). Comme par magie, il parvient à trouver l’adresse du propriétaire. Le mecton (Nestor Halambique) s’apprêtait à partir dans un pays inconnu pour étudier les sceaux locaux. Et là, tout s’emballe : Tintin est filé par des agents secrets, croise les Dupondt qui se prennent des bombes plein la gueule, tire la barbichette d’un vieillard qui n’a rien demandé, prend des avions qui atterrissent (ou s’écrasent) sans lui, tape la discute au roi de Syldavie, et sauve les miches du royaume – avec l’aide de Milou qui, forcément, trouve un os au beau milieu d’une route de campagne pour le tenter. Ah oui, j’ai failli oublier : le reporter finit par être décoré de l’Ordre du Pélican d’or.
Critique du Sceptre d’Ottokar
Ce doit être un des albums de Tintin où le lecteur, devenu exigeant par des années de lecture de toute sorte, devra être extrêmement indulgent face aux coups de cul de Tintin et autres incohérences what the fuck aussi grosses que le flasque derrière de la Castafiore – qui fait ici sa première apparition, tout en puissance, notamment en poussant de la voix dans un espace confiné.
Revenons au scénario que vous devez tous connaître. Pour faire simple, Tintin se retrouve embrigadé dans une aventure dans un pays des Balkans qui a quelques problèmes avec son voisin, la Bordurie (qui a dit « ordure » ?). Ce dernier pays a mis en place un savant complot pour mettre sous sa coupe la petite Syldavie, chouette contrée plutôt rurale accueillante dont la langue consiste à rajouter « skaia » à tous les mots – Hergé n’avait guère le talent de Tolkien dans ce domaine. Pour ne rien gâcher au plaisir de la découverte du fin mot de l’histoire, les vilains utilisent le frère jumeau de Nestor afin de pécho le sceptre d’Ottokar qui assure la pérennité du roi Muskar douzième. Sauf que l’ingénieux Tintin va niquer leur plan.
Sur le dessin, ligne claire à la papa avec en prime quelques beaux portraits du peuple syldave. A ce titre, la surprise visuelle de cet opus consiste en une belle double page que les moins de quinze ans zapperont allègrement. Terrible erreur, car la brochure, dans un style de moyenâgeuse enluminure, permet de comprendre l’intrigue : sans le sceptre, le Roi n’est rien. C’est l’équivalent syldave des corbeaux qui peuplent les alentours de la Tour de Londres : si y’en a plus (moins de six je crois bien), le monarque peut rédiger sa lettre de démission – on parle d’abdication dans les milieux autorisés.
En conclusion, Le Tigre, certes rigolard face à cette antique bande dessinée, ne saurait oublier le contexte de l’époque : publication à la fin des années 30, il était temps d’évoquer les facéties (sic) du Troisième Reich dont les conquêtes territoriales avaient de quoi inquiéter la populace. Nous étions tous des Syldaves à l’époque – surtout les Polonais. Après les faux biftons de L’île Noire émis par les méchants Teutons, voilà de quoi enfoncer le clou.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Déjà, Hergé nous offre, par le menu, la manière d’envahir proprement un pays. C’est dingue, les bonnes recettes des années 30 n’ont quasiment pas pris une seule ride ! D’abord, noyauter l’administration et la police locales. Ne pas oublier de les laisser près de téléphones afin qu’ils rendent compte en temps réel. Ensuite, préparer avec un soin particulier un complot excessivement complexe dont l’exécution respecte la loi de Murphy – c’est-à-dire que dès que Tintin peut intervenir, faut que ça arrive. Enfin, laisser quelques éléments perturbateurs dans le pays cible. Simuler l’oppression des minorités et préparer une petite invasion pour « protéger » ses ressortissants. T’as bien noté Poutine ?
Cela étant dit, il convient de remarquer que les Borduriens (ça passe ?) se sont méchamment plantés alors que la Syldavie méritait de tomber. Déjà, lorsque l’aide du camp du Roi en personne et des hauts placés au sein des forces de l’ordre sont des agents bordures, en principe l’invasion devrait passer comme une lettre à la poste. Hélas la journée d’action avait du être programmée un dimanche – poste fermée donc. Et que dire d’un unique putain de sceptre qui décide si le Roi est en mesure de régner ou non ? Décidément, les Syldaves nous offrent le bâton (avec la notice) pour se faire laminer. Personnellement, si l’objet phallique disparaît, et bah à la place de Muskar XII j’en fais une copie en carton pour parader avec. Et si un connard prétend détenir le vrai, je l’invite à décliner son identité pour le confondre – en profiterai pour prouver que les Borduriers sont de mèche.
…à rapprocher de :
– Quelques Tintin sont à déplorer sur le pétillant blog, par exemple Les Cigares du pharaon ; L’île noire, Le Sceptre d’Ottokar, Le Lotus bleu ; Les Sept Boules de cristal ; Le Temple du Soleil ; Tintin au pays de l’or noir ; Les Bijoux de la Castafiore. Dans l’ordre s’il vous plaît.
– Si vous avez envie de vous bidonner avec un humour lourdingue sur Tintin, je vous rappelle l’existence de Tintin en Thaïlande (en lien, avec un pdf de la BD honnie).
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Excellent ! Aussi grosse que soit la ficelle d’Hergé concernant le sceptre, elle a été reprise très récemment par Yves Sente pour son Kriss de Valnor : http://www.amazon.fr/Kriss-Valnor-Digne-dune-reine/dp/2803631296/ref=cm_cr-mr-title
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