VO : Fear and Loathing in Las Vegas: a Savage Journey to the Heart of the American Dream. [dommage que le titre FR soit si mal trouvé]. Déjanté, infiniment subversif pour l’époque, les premiers pas de Thompson dans le journalisme gonzo ont de quoi ravir le curieux en quête de littérature vandale. Ce petit pavé jeté dans la mare littéraire et sociétale des États-Unis n’a presque pas vieilli.
Il était une fois…
Le célèbre journaleux Raoul Duke et son avocat, le bon docteur Gonzo, décident de faire un petit saut pour Vegas la dévergondée – histoire de sentir l’ambiance. Au programme : road trip à fond les ballons vers le Nevada, destruction méthodique de chambres d’hôtel et participation à des colloques où ils n’ont rien à faire – entre autres. Parant à toute éventualité, les deux amis remplissent à ras bord le coffre de leur bagnole de drogues. C’est parti pour tout défoncer.
Critique de Las Vegas Parano
Pas évident de parler d’un roman qui renvoie avant tout à un film bien connu. Car Hunter S. Thompson, ici accompagné de son avocat/activiste Oscar Zeta Acosta (dont on est sans nouvelles depuis 1974 au passage), est bien plus qu’une paire d’heures de grand guignolesque (oui, l’humour ne manque pas) sous l’effet de drogues puissantes.
En effet, Duke n’est rien de moins que l’avatar de l’écrivain/journaliste dans cette histoire décapante qui, à l’époque, envoyait quand même du lourd à l’image d’un Burroughs. En vue de rendre compte de l’état d’une certaine Amérique encore à découvrir, Duke décide d’avaler méthodiquement toute pllule/buvard préalablement amassés. Du coup (naturellement ai-je envie de dire), la plupart des chapitres sont placés sous le signe du délire total et du scandale.
Corollaire des molécules que les protagonistes s’injectent dans les cerveaux, il est probable d’avoir plus d’une fois l’impression que ça part dans tous les sens. On alterne entre passages oniriques où la réalité paraît être aux abonnés absents, et petites pépites de précision qui sont aisément imaginables – dans l’esprit sain du lecteur. A titre d’exemple, lorsque Duke et Gonzo se pointent, surdrogués, à une réunion de flics sur les dangers de la drogue et comment combattre ce fléau, se représenter cette scène d’un incroyable culot n’est pas difficile du tout. Pas comme certaines hallucinations à mon sens très dispensables.
En guise de conclusion, il me fut difficile de classer cette œuvre : est-ce une autobiographie un poil romancée ou un roman à clef qui s’appuie sur des situations vécues ? Et comment Thompson et son poto ont-ils pu survivre à tant d’excès ? Il appert que plusieurs voyages ont été faits pour créer un scénario unique, d’où sans doute quelques libertés chronologiques prises. Hélas, considérant les autres ouvrages de Hunter, le pire est à craindre – à savoir à quel point ce qu’il raconte est exact.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La première chose qui surprend, dans LVP, est l’impressionnante liste de drogues que s’enfilent les deux compères. Une vraie pharmacie de rave party. Il y a du classique comme la marijuana, la cocaïne ou l’incontournable LSD de l’époque. Et du bizarre, style éther ou mescaline (qui met un temps fou à monter à la tête de Thompson). Et Le Tigre ne compte pas les litrons d’alcool de mauvaise qualité qui constitue leur apport en eau potable. L’intérêt n’est pas de fanfaronner sur ces prises, car l’écrivain décrit précisément les mélanges effectués et les nombreux effets, notamment des hallucinations et une violente paranoïa – d’où les relations entre les deux héros quelque peu tendues.
Néanmoins, Thompson ne s’est pas livré à cette utilisation intensive de substances dans le même but des hippies, mais plutôt pour se retourner salement l’esprit. C’est là que le journaliste prend à contre-pied la (contre-)culture hippie en poussant la logique de cette période à un niveau de nihilisme rarement atteint. D’une part, l’auteur nous introduit dans une ville gangrénée qui n’a plus rien du fameux rêve américain. Mais, d’autre part, la réponse récréative apportée par les années 60 prend une dérouillée sévère dès que Duke et Gonzo se lancent dans une course effrénée à la défonce qui apporte plus d’emmerdes que de réponses.
…à rapprocher de :
– Bien évidemment, le félin se doit d’évoquer le film éponyme de Terry Gillian, avec Johnny Depp et Benicio del Toro dans les rôles principaux. Si possible, essayez de lire le roman avant de mater le film.
– Du bon Thompson, Le Tigre a beaucoup aimé en général : Gonzo Highway (qui contient quelques anecdotes savoureuses sur le présent roman), Rhum Express (moins dingue) etc.
– Puisque je faisais vite fait référence à Burroughs, allez lire le côté obscur de la drogue dans Junky.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
La description du contenu du coffre de la voiture est grandiose et laisse présager du meilleur à venir.
De Thompson il y a Le Marathon d’Honolulu, ne serait-ce que pour l’idée grandiose de loser magnifique de courir le plus vite possible lors du départ, pour mettre une misère aux participants les plus sérieux sur les premiers km et les dégouter par tant de folie et d’inconscience; le reste est dans la même veine.
Cher Mulateru, encore un roman qui entre dans ma PAL. J’ai lu la plupart des Hunter en anglais, et en ai oublié quelques uns. Je note votre ordonnance littéraire.
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