VO : idem. Lorsqu’un corps noir aux propriétés imbitables apparaît au sein d’une civilisation sûre de sa puissance, forcément ce qu’il va advenir est imprévisible. Car l’Excession (observateur, acteur, menace ?), au centre de toutes les attentions, fait rapidement ressortir ce qu’il y a de pire chez les Humains. Trahisons, nombreux calculs, manœuvres militaires d’ampleur, plus de 600 pages de somptueuse complexité.
Il était une fois…
La présentation faite par l’éditeur se défend pas mal, il serait criminel de la bouder :
« Au plus profond de l’espace interstellaire, loin des volumes ordinairement fréquentés par la Culture, vient de surgir une Excession, objet extraordinaire qui semble défier toutes les lois connues de la physique, déborder la raison, et provenir d’un univers supérieur, transcendant. La Culture, cette société galactique, décentralisée, hédoniste, altruiste, cynique, anarchiste, prodigieusement riche et efficace – composée d’humains et autres intelligences biologiques, mais aussi et peut-être surtout d’Intelligences Artificielles – ne peut ignorer ce défi. D’autant qu’une espèce cruelle et belliqueuse, les Affronteurs, tente de profiter de la situation. »
Critique d’Excession
Ce doit être le quatrième opus des aventures de la Culture de la part de l’auteur écossais. Et c’est une superbe claque, quelque chose de moins noir, plus drôle et plus acerbe sur le système presque parfait de la fameuse Culture. Il y a tellement à dire que je suis certain d’oublier tout plein de détails (ou, mieux, de pans entiers de l’intrigue) significatifs.
L’Excession, d’abord : c’est un artefact (corps noir) suffisamment puissant et inconnu que même les grosses huiles de la glorieuse civilisation en font dans leur froc. D’ailleurs, il sera tout au long de l’œuvre difficile de saisir les réelles motivations. Bref, mobilisation générale, ça faisait longtemps. Le seul être à proximité est une le vaisseau Service Couchettes (si si), un Mental (une I.A.) qui a viré excentrique (il fait de drôles de tableaux vivants) et se retrouve au beau milieu d’un incommensurable bordel. En rajoutant une histoire d’amour tragique et entre deux individus (Dajeil et Genar-Hofoen), vous comprendrez à quel point Banks s’est fait plaisir.
Comme si ça ne suffisait pas, une société moyenâgeuse et belligérante (les Affronteurs) veut en profiter pour benoîtement envahir nos amis. C’est dans cet aspect de l’histoire que l’auteur, plutôt sobre dans ses descriptions, nous décrit magnifiquement ces méchants (qui n’en sont pas) avec leurs us et coutumes. En outre, le lecteur découvre par quels moyens la Culture les combat par la douceur, avant de les assagir à très long terme.
En conclusion, ce doit sans doute être le plus complexe, le plus philosophiquement abouti et scientifiquement cadré des romans se situant dans l’univers de la Culture. Si les chapitres sont rares et l’ouvrage globalement trop long, cela n’a nullement dérangé Le Tigre. Même la préface du roman, passablement longue et chiante, mérite d’être lue tellement celle-ci s’apparente à un essai politique.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Ce qui est délicieux dans Excession, ce sont les actions et discussions des Mentaux, intelligences artificielles évolutives à l’intelligence froide et terriblement efficace – humour pince sans rire au passage. Souvent, un Mental est matérialisé dans un énorme vaisseau dont l’environnement est créé au gré de ses envies (et ça fait rêver). Dès que deux Mentaux tapent la discute, les police et caractère du livre changent, comme pour signaler que ce qui suit est un chat entre deux entités dont nous ne pouvons soupçonner l’expérience et les capacités. Et, croyez-moi, les dialogues sont renversants.
De façon très fine, Iain M. Banks pose la question de l’ingérence, par un empire incontesté, vis-à-vis d’une civilisation en cours de développement et qui ne sait pas à quel point elle est en dehors du coup. C’est comme si les Etats-Unis faisaient face à un antique village gaulois colérique, mais puissance mille. Si, dans L’homme des jeux, l’ennemi avait été maté avec classe, ici les Affronteurs ne sont que des pions dont se servent l’armée ou les services secrets (les très connues « Circonstances Spéciales »). Rien de très glorieux.
[Attention SPOIL] En fin de compte, le corps noir remet la Culture à sa place, et sans que cette-dernière en ait réellement conscience. Pour la première fois, l’heureuse société galactique rencontre une entité infiniment plus avancée qu’elle. Et cet objet mystérieux parvient à la conclusion que, eu égard les réactions des Humains et Mentaux, ceux-ci ne méritent pas d’accéder à une forme de révélation. Car la Culture s’est arrêtée à une forme d’autocratie bienveillante et jouisseuse, intimement matérialiste et loin des notions de transcendance proposée par l’Excession. [Fin SPOIL]. Une critique de notre monde, non ?
…à rapprocher de :
– De Banks, dans le cadre de la Culture, je vous enjoins fortement à découvrir (dans le désordre le plus complet) : Inversions, L’homme des jeux, Une forme de guerre, L’usage des armes, La Sonate Hydrogène, etc.
– Un exemple de civilisation de l’abondance (et comment celle-ci peut foutre la merde chez des organisations « inférieures ») est le Festival du roman Crépuscule d’acier, de Charles Stross. Fin et drôle.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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