VO : idem. Deux histoires qui se passent sur une planète indéfinissable, deux scénarios prenant qui prennent la couleur d’une fable politique sur l’autoritarisme et la folie des hommes – plus généralement, la bêtise induite par l’excès de pouvoir. La Culture n’a jamais été aussi loin de ce monde qu’on pourrait trop vite qualifier d’arriéré, et pourtant son influence est prégnante.
Il était une fois…
D’un côté, il y a Vosill, une femme médecin en charge de la santé du roi Quience, qui règne pépèrement sur son royaume un poil conservateur. A côté de ce pays, il y en a État rival mené d’une main de fer par le Protecteur Urleyn. DeWar est le garde son corps de cet individu qui rêve d’envahir le royaume de Quience. Hélas, au sein des deux territoires, les traîtres et comploteurs ne chôment guère, et chacun devra survivre dans cet environnement hostile.
Critique d’Inversions
Ce roman de SF, mâtiné de fantasy, est à part dans la bibliographie de l’auteur britannique. En outre, vu la manière dont les scénarios se déroulent et le twist final qui n’en est pas vraiment un, il y a de quoi être à la fois perdu et enchanté – si si, c’est possible avec Iain M. Banks.
Le roman se décompose en deux histoires qui s’enchevêtrent au gré des chapitres. En premier lieu, le lecteur suivra Vosill, le médecin du roi, et ce grâce à Oelph, son apprenti qui rédige des comptes-rendus à l’attention d’un « maître ». Sauf qu’il n’est pas aisé, pour la doctoresse (une femme, beurk…), de survivre au milieu de gens jaloux et haineux – dont les noms exotiques ne sont pas restés dans ma mémoire. Les intrigues se succèdent à grande vitesse, et Vosill usera de son intelligence pour que sa tête ne se désolidarise pas trop tôt de son corps.
En second lieu, il y a le solide gaillard DeWar, dont l’histoire est contée par un narrateur qu’on devine omniscient. DeWar est au service du boss du Protectorat de Tassasen (pas un vrai royaume donc) et assistera, non sans impuissance, à la sauvagerie qui habite l’endroit – ce qui arrive à son amie Perrund étant une belle illustration. Les chapitres passeront d’un protagoniste à un autre, ces deux-là ayant plus en commun que prévu – notamment une certaine intelligence situationnelle.
Que ce soit DeWar ou Vosill, l’écrivain maîtrise totalement son environnement, le félin a été pris au jeu et a eu du mal à sortir d’un monde qui, progressivement, est devenu familier. Suivre les deux protagonistes au sein d’une société moyenâgeuse est réellement passionnant dans la mesure où, occupant des postes à responsabilité, le lecteur est aux premières loges des luttes claniques sur une planète où le chaos règne malgré un verni d’ordre – qui s’écaille à la moindre difficulté. Du bel ouvrage.
En conclusion, c’est une œuvre bien étonnante de la part de Banks. Il est permis au lecteur de toucher un aspect particulier de la Culture car appréhendé par une civilisation « inférieure ». C’est à la fois toute la beauté d’Inversions, et sa principale faiblesse : si vous ne connaissez pas l’auteur, de grâce ne commencez pas par ce roman. Quelques références vous passeront au-dessus de la tête et vous pourriez trouver l’histoire un peu fade – ma première pensée, surtout par rapport à l’orgie de bonnes idées d’autres opus.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Attention, je révèlerai dans cette partie ce qu’il est vraiment de nos deux héros, alors ne venez pas pleurer dans les commentaires.
Il apparaît que ces deux individus appartiennent à la section des Circonstances Spéciales (ou la section Contact, ça dépend), qui doit juger de la capacité d’un monde à intégrer la Culture, civilisation pan-galactique utopique en tout point. Inversions parle donc de deux agents de la Culture qui évoluent dans un monde encore mal préparé au grand saut civilisationnel, et leur expérience est loin d’être concluante – il en serait de même de la Terre.
Pour le lecteur averti à l’univers de ce cycle, les indices existent. Pour ma part, outre le fait que les deux héros sont bien plus fins qu’il le laissent paraître, dès le gosse d’Urleyn tombe malade j’ai su à quoi m’en tenir : le garde du corps lui conte une histoire sur un monde magnifique où chacun est roi et chacune reine – son monde, en quelque sorte.
Du coup, le titre du roman évoque l’obligation presque morale, parfois, d’inverser les rôles qui avaient été assignés aux deux « agents secrets ». La docteur sera contrainte de protéger plus activement ceux qu’elle ne devait que soigner, et usera même de moyens de défense, inimaginables pour les locaux, mis à sa disposition. Quant à DeWar, son rôle évoluera vers celui d’un prescripteur avant que le pire n’arrive, avant que son métier de garde du corps l’oblige à agir franchement et à prendre les devants.
…à rapprocher de :
– De Banks, dans le cadre de la Culture, je vous enjoints fortement à découvrir (dans le désordre le plus complet) : Excession, L’homme des jeux, Une forme de guerre, L’usage des armes, La Sonate Hydrogène, etc.
– Les auteurs de SF qui font de remarqués passages dans la fantasy existent, outre Banks il faut signaler la sublime Trilogie du Vide, de Peter F. Hamilton. Longue mais passionnante.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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