VO : The Player of Games. Un de mes préférés du cycle de la Culture, sans rire. Des descriptions superbes autour d’un jeu qui est au centre d’une civilisation borderline. Et un homme de la puissante société galactique qui y sera envoyé pour foutre son petit bordel. Politiques, stratégies, un petit monument (allez, un mastaba) de SF qu’il serait dommage de rater.
Il était une fois…
Le quatrième de couverture est un modèle du genre, il y a tellement peu à redire que Le Tigre va vous le livrer sur un plateau :
« Gurgeh est l’un des plus célèbres joueurs de jeux que la Culture ait jamais connus. Il joue, gagne, enseigne, théorise. Le Contact, service de la Culture spécialisé dans l’évaluation et l’infiltration de civilisations étrangères nouvellement découvertes, considère l’empire d’Azad, terrifiant de puissance et de cruauté, comme un danger potentiel. L’Empire repose, historiquement, sur un jeu infiniment complexe dont le gagnant devient Empereur. Si bien que Gurgeh, contre son gré, manipulé mais fasciné par le défi, se retrouve à cent mille années-lumière de sa confortable demeure, devenu un pion des IA qui régissent la Culture et lancé dans le formidable jeu d’Azad. »
Critique de L’homme des jeux
Superbe à lire, Le Tigre ne fut pas loin de prendre un panard complet. Même sans rien connaître de la Culture, métacivilisation surpuissante intelligemment gérée par des IA et où rien ne manque, on se prend vite au jeu.
Dans notre cas, on va suivre le champion de la Culture d’un jeu complexe (et complet) qui va affronter les joueurs de l’empire Azad, civilisation décadente et ressemblant à pas mal d’autres empires de l’histoire humaine. Presque des barbares sanguinaires aux us un poil rustres (euphémisme). Or ce fameux game est à la base de l’empire, ça remplace tout concours, élections,… Les meilleurs obtiennent un métier plus porteur, et le « meilleur des meilleurs » (pour paraphraser Z des Men In Black) devient tout simplement le big boss.
Notre héros n’est hélas pas très chaud pour aller rouler sa bosse à des lieues de son confortable environnement, aussi les IA le manipulent plus ou moins (faisant appel à sa fierté par exemple) pour qu’il aille, avec le sourire, dans l’arène. Et quelle arène ! Au-delà d’un style très correct (chapitres assez longs, comme tout roman de SF), l’auteur parvient à rendre compte de parties entre joueurs de manière sublime. On aurait presque envie d’y jouer, si au moins on connaissait le quart du centième des règles !
Réussir à faire péter du suspense sur un sujet dont le lecteur ne connaît pas grand chose au final, voilà qui est grandiose. Notre héros Gurgeh se bat comme un beau diable, et parallèlement à ses exploits (qui commencent à inquiéter les Azadiens) de nombreuses intrigues politiciennes se déroulent sous nos yeux. Vous l’aurez saisi, Le Tigre a été conquis.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Au-delà du jeu, ce roman traite de la notion de l’ingérence. La Culture est plus ou moins en guerre contre l’empire d’Azad, et la manière de procéder de cette première est d’une rare finesse. Contrairement à tout État contemporain (Le Tigre ne vise personne, y’a pas que les Américains ou BHL sur Terre) qui décide de sortir l’artillerie lourde pour décapiter les forces armées et les gouvernements ennemis, l’organisation (utopique) de Banks préfère jouer selon les règles de l’adversaire. A la guerre totale annihilant les fondations du perdant, la Culture préfère le changement de régime en douceur. Bon, ça n’empêche pas quelques barbouzeries ici et là.
En outre, le lecteur aura l’occasion de découvre quelques beaux exemples de bêtises humaines (ou E.T., mais l’homo sapiens se reconnaîtra) : la structure excessivement pyramidale d’une société (la Chine des Ming, c’est l’anarchie à côté) ; les guerres injustes, notamment les traitements que les grands délivrent aux des autres cultures considérées comme inférieures, toutes ces problématiques sont traitées de façon fort inspirée. Au final, Le Tigre a compris cette œuvre comme une vibrante ode au libéralisme et au laisser-faire, en particulier afin que tout changement d’envergure soit accepté de l’intérieur.
Libéralisme certes, mais pas terrorisme de la transparence, la Culture montrant non sans conviction qu’il est parfois nécessaire de laisser un accès limité à l’information, le bien général oblige. Le bien général, chez Banks, ce sont des intelligences artificielles (et leurs bras armés que sont les drones) qui le déterminent. Bien mieux comme ça.
…à rapprocher de :
– De Banks et ses ouvrages impliquant la Culture, il y a (pour ce que je connais) Une forme de guerre, L’Usage des armes, Inversions, Excession, La Sonate Hydrogène, et tant d’autres.
– Un exemple de civilisation de l’abondance (et comment celle-ci peut foutre la merde chez des organisations « inférieures ») est le Festival du roman Crépuscule d’acier, de Charles Stross. Fin et drôle.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Charles Stross – Crépuscule d’acier | Quand Le Tigre Lit
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Pas forcément facile de qualifier le fond sur lequel se situe la Culture, mais il semble quand même plus libertaire que libéral. Quelques arguments : http://yannickrumpala.wordpress.com/tag/culture/
Merci pour le lien fort intéressant. Vous avez raison sur le libertarianisme (en plus c’est ce qui est souvent annoncé en couverture), toutefois j’avais gardé souvenir, dans cet opus, de quelque chose qui ressemble plus au libéralisme, mais dans son sens premier, c’est à dire expurgé de sa composante strictement économique puisqu’il n’y a plus de problématiques éco dans cette civilisation.
En outre, si le libertaire tente de réduire l’État à sa portion congrue (dans notre cas, des IA), il y a à mon sens un aspect « pacifisme » (ne contraindre personne) trop proche de l’anarchie, ce qui ne correspond plus au roman.
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