Un titre plutôt inattendu, une couverture qui ne l’est pas moins, un livre correct qui se laisse lire, sans plus. Décrit dans un style plutôt léger voire déroutant, le lecteur sera aux premières loges d’une guerre entre deux associations dans le même immeuble. Humour corrosif, dénonciation l’air de rien de certains travers sociétaux, voilà le livre à lire sous la plage.
Il était une fois…
Julien est bègue depuis que son daron l’a vu en train de cramer les couilles d’un chat. Vous voyez le genre… Bègue certes, mais plutôt débrouillard en écriture et en recherche de stage. En effet, notre jeune simplet vient de décrocher une place de stagiaire à la Foulée Verte, ONG de grande renommée et portée sur l’écologie. Et si ça peut faire chier ses bourgeois de vieux, tant mieux. Entouré du boss (Ulis) et de la très appétissante Celsa, Julien est transporté par sa mission. Tout se présente bien jusqu’à ce que « Enfance et vaccin » débarque dans le même bâtiment. Autre organisation non gouvernementale mais au but différent, c’est presque une guerre qui va se déclencher entre les deux groupes. Julien, muté en reporter de guerre, sera un témoin de premier ordre…
Critique d’O.N.G. !
J’ai dévoré ce court roman en une petite paire d’heures, faut dire que tout est fait pour lire la chose sur la plage : moins de 200 pages, des chapitres plutôt aérés, une police d’écriture grosse comme la queue du Tigre, il y a de quoi passer un agréable moment de lecture sans se prendre la tête au premier abord.
Seulement au premier abord, car derrière ce choquant vaudeville se cache quelques pertinentes (à mon sens) critiques des excès presque naturellement présents chez ces exaltés. Je pense notamment au viol vers la fin du titre, raconté comme si cet acte criminel allait de soi. Sur le scénario, j’ai déjà dit le gros. Ce qu’il faut retenir, c’est l’impitoyable guerre que se livrent deux ONG voisines, le tout vu par un simple d’esprit. Plutôt amusant à certains moments, sans concession et corrosif vis-à-vis du monde associatif, hélas c’est loin d’être un chef d’œuvre du genre.
En conclusion, d’une idée séduisante (un affrontement qui dégénère entre deux organismes qu’on imagine plutôt soft) on arrive à une exploitation optimale du sujet. Et intelligemment de surcroît, que demander de plus ? Ah oui, en sus le rythme est plus que satisfaisant, on a l’impression de lire un documentaire à l’américaine.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
D’abord, il y a l’ONG dans ce que celle-ci peut avoir de pire. Notamment dans les travers de son organisation. Le chef de l’asso, Ulis, a une allure de patriarche à la poigne de fer et au phrasé digne d’un De Villepin. Hélas la Foulée Verte semble se gérer comme toute entreprise, avec ses personnages odieux et ses petits arrangements ici et là. Gestion comme un État (une armée surtout) dès que la hache de guerre est déterrée et que l’heure est venue de mobiliser les troupes. Le glissement sémantique, pas forcément subtil, dénonce alors l’aisance avec laquelle n’importe qui peut s’emporter.
Plus généralement, il y a ce que Le Tigre qualifierait de « verbalisme gauchisant de bien-pensance ». Derrière la noble idée d’aider son prochain se trouvent des discours d’un pompeux écrasant (si ça vous parle). On rigole au début, et lorsqu’on voit le manque de recul de certains il y a de quoi grincer gentiment des dents : à part les grandes paroles qui souvent ne correspondent à rien (définition du « verbiage »), tout ce petit monde brasse énormément d’air avec des postures et des réflexes néo révolutionnaires assez bien décrits par Gran. Le pire étant que ces individus se sentent investis d’une mission d’importance, jusqu’à se croire indispensables.
…à rapprocher de :
– Iegor Andreïevitch Siniavski (c’est son nom) a l’air à l’aise dans le monde des ONG et des verts quand on lit le roman qui suit : L’écologie en bas de chez moi.
– Dans la narration néodébile par un homme qui semble plus spectateur qu’acteur, il y a Mon CV dans ta gueule d’Alain Wegcsheider. Légèrement moins bon bien qu’aussi basé sur une idée originale.
– Sans spoiler, la fin me fait penser à La vie de ma mère !, de Jonquet. Un point d’exclamation signifierait-il le même épilogue ?
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.
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