VO : The Gods Themselves. Une énergie gratuite et inépuisable, c’est trop beau pour être vrai ! Ouvrage particulier du chantre de la SF du vingtième siècle, il y a de l’excellent comme du moins bon. Trois scénarios différents et montant en puissance, trois histoires avec toutefois un point commun : contre la stupidité, les dieux eux-mêmes luttent en vain.
Il était une fois…
Le quatrième de couv’ est plusss que correct, le voici :
« En 2070, la Terre vit dans la prospérité et le bonheur grâce à la Pompe à Électrons, qui fournit une énergie illimitée et gratuite. Une découverte extraordinaire, à moins que…À moins que cette invention miraculeuse ne constitue à plus ou moins longue échéance une menace imparable pour notre Univers ; un piège tendu par une civilisation parallèle pour annihiler notre réalité. Seuls quelques personnes ont pressenti la terrible vérité : un jeune physicien marginal, une Lunarite intuitionniste, un extraterrestre rebelle vivant sur une planète qui se meurt. Mais qui les écoutera ? Qui les croira ? »
Critique des Dieux eux-même
Pour ne rien cacher (ce n’est point mon genre hein), j’ai eu extrêmement de mal à démarrer ce roman. Y’a un truc qui ne passait pas. Sans doute la traduction, un peu vieillotte. A moins que ce ne soit la première histoire intitulée « Contre la stupidité », avec une situation fort intéressante (un élément permettant, par un savant transfert de notre univers à un autre, d’avoir de l’énergie illimitée) contre laquelle se bat un seul homme, Lamont. Honni par ses contemporains, le chercheur voit ses travaux aussi ignorés que moqués.
A moins peut-être que ce ne soit la seconde partie, trop bizarre et ne correspondant guère à ce que fait notre bon Isaac. Car le lecteur se trouvera au beau milieu d’un univers parallèle avec des êtres qui n’ont (mais vraiment, croyez-moi) rien à voir avec nos petits humains habituels. Il est question de Tritt, Odeen et Dua, trois individus ayant une fonction propre. Toutefois, Dua ne joue pas le jeu et met en cause la fameuse « pompe » (celle utilisée par les Terriens dans notre monde) qui serait susceptible d’accélérer la destruction du soleil – celui du système du même non.
Quoiqu’il en soit, la dernière partie m’a subjugué tant celle-ci réglait de façon astucieuse et élégante les problématiques précédentes. Déjà, il y a Denison qui débarque sur la Lune, territoire inconnu pour lui – nudisme assumé, libertarianisme sexuel, velléités d’indépendance même. Accompagné de sa « guide » Séléné (qu’il finira par évidemment baiser), Denison réussit à comprendre le danger de l’énergie gratuite en dérivant le souci vers un univers dépeuplé. Outre l’histoire d’amour tout ce qu’il y a de sympathique, Asimov décrit une nouvelle civilisation humaine (par exemple, les jeux avec une gravité moindre sont superbement rendus) qui s’affranchit, dans l’esprit, de la Terre.
En guise de conclusion, ce roman doit être lu telle une fable dont chacun tirera une leçon. Loin des monstrueuses sagas de l’auteur américain, voici de quoi saisir, s’il en était encore besoin, la profondeur des idées qu’Asimov avait encore en tête.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
L’écrivain, une fois n’est pas coutume, incite l’Humanité à se remettre toujours en question. Quand une situation acquise est trop belle pour être vraie, c’est qu’il y a anguille sous roche. Une énergie gratuite avec les bons soins d’un univers parallèle ? Un des mondes se fait forcément entuber. Face à cette facilité, il est plus que difficile de lutter et d’attirer l’attention de ses contemporains contre les dégâts à plus ou moins long terme. En fait, Asimov nous conte une histoire écologiste en exacerbant nos travers, à savoir le choix de l’immédiateté sans réflexion suffisante sur les conséquences à venir.
Enfin, il faut savoir que pour la première fois Isaac décrit une civilisation extra-terrestre. Et son travail de « xénobiologie » est plus que correct, Tigre s’étonne qu’il n’aie pas poursuivi dans sa lancée. Le gars a réellement pensé « out of the box » avec les trois espèces destinées à n’en devenir qu’une, la séparation relativement freudienne d’êtres biologiques qu’on découvre au fil des pages. Rationalité, émotionnalité, parentalité (ce dernier terme existe, ouf), ces trois éléments séparés sont personnifiés dans ce qui constitue une triade. En s’éloignant de son rôle naturel, Dua (la « chose » qui se coule dans la pierre trop profondément) paraît être en pleine crise d’adolescence – sauf que, l’air de rien, ça sauvera un monde.
…à rapprocher de :
– Dans le style roman court par Asimov avec petite love story toute désuète, lisons ensemble La fin de l’éternité. Un pur régal
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Cher tigre,
je ne peux que plussoyer vos propos, à titre personnel c’est justement la perspective de voir Isaac introduire des extra-terrestres qui m’avait attiré, et si, comme vous, j’ai eu quelque difficulté à le lire, j’en fus au final, comblé. Et que dire en effet de La fin de l’éternité, si ce n’est vous répéter : c’est un pur régal.
PS : j’avais déserté votre site depuis quelques mois par manque de temps, je suis heureux de constater que vous n’avez pas chômé cher Tigre.
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