« James, je ne trouve pas les mots… – Laisse moi donc élargir ton vocabulaire » Ouais ouais, on ne la fait pas au Tigre. Sous couvert d’un chouette métier et parce qu’il enfile ses vodka-martini au rythme d’un Polonais, James Bond passe pour un homme à femmes. Bourreau de félins, agent secret de troisième zone, le matricule 007 est pourtant l’ennemi récurrent d’une saga cinématographique qui doit être largement réinterprétée.
James Bond contre les félins
Bien-aimé lecteur,
avant de démarrer ce passionnant billet (enfin c’est ce que m’a dit papa-tigre), il te faut savoir deux petites choses. Premièrement, Le Tigre ne traitera que de l’univers cinématographique du Commander Bond. Je n’ai pas assez lu de romans de Fleming (et ses successeurs) pour prétendre maîtriser l’historiographie bondesque à un niveau satisfaisant. Quant aux autres médias, à part SilverFin en BD (en lien) mes connaissances sont des plus minces.
En revanche, j’ai dû regarder chaque James Bond Movie au moins douze fois. L’époque de la cassette VHS, âge de plomb où streaming et pire-tou-pire étaient hélas inconnus, m’obligeait à prendre ce qu’il y avait de disponible dans ma légère bibliothèque. Or, à partir d’un certain âge les dessins animés de ma jeunesse ne suffisaient plus – et je n’avais toujours pas trouvé la collection de boulards dans le dernier tiroir dans la chambre de mes vieux.
Deuxièmement, autant te dire que si l’agent double-zéro-sept t’en touche une sans faire bouger l’autre, ce qui va suivre risque de moyennement t’intéresser. Tente toutefois de t’accrocher, le félin va essayer de rendre ce voyage le moins chiant possible. Au surplus, James Bond ne sera abordé que sous l’angle des félins (blog d’un tigre oblige), ma prose étant mâtinée de photos certes largement repompées mais adaptées à mon petit univers.
Voici donc la première partie qui tentera de répondre à deux premières questions suivantes : 1/ En quoi 007 maltraite la gente féline ? 2/ Dans quelle mesure, à l’inverse, son ennemi juré semble attaché à son chat ?
A toutes fins utiles, sachez que j’ai la flemme de mettre, en liens, les vidéos de ce dont je m’apprête à causer. Faites moi confiance pour une fois.
James Bond n’aime pas les félins
Après des centaines d’heures de visionnage, le verdict : ce malapris de Bond ne semble pas porter les félins dans son cœur aride. Plus d’une fois j’ai même avisé ce pitoyable individu martyriser un pauvre minet. Littéralement même : dans Les diamants sont éternels, Sean Connery (il n’en était plus à une près – désolé fallait que ça sorte, referai plus) a l’ingénieuse idée, avant de flinguer un des deux Blofeld, d’envoyer valser un des deux chats vers l’ennemi. Vous lisez bien : zéro-zéro-sept fout un retentissant coup de pied dans le derrière d’un animal qui n’a rien demandé, ce dernier s’écrasant piteusement dans les bras de son maître – pour la petite histoire, James s’est trompé de propriétaire.
Lorsqu’un ennemi ressemble trop à un chat, même punition ! Un des sous-fifres de Drax (film Moonraker), avec sa coupe au bol et ses moustaches de niais, tente maladroitement d’occire l’agent secret. Notamment en mettant la machine à G au maximum. Quelques heures plus tard, lors d’un combat minable où le maître d’art martial pousse des cris de tenniswoman sous méthamphétamines (l’acteur, Toshiro Suga, est expert ès Aïkido), James le défenestre en plein Venise en lui souhaitant « bonne nuit chat ». A l’occasion, il nique un vitrail et une horloge géante qui ont dû coûter une blinde et poutre allègrement un piano de belle facture.
Et ce n’est pas tout ! James ne fait pas que maîtriser les petits tigres, il met également à genoux les tigresses. Plus elles courbent l’échine, plus il est satisfait. Plus il est dur avec elles, mieux ça passe auprès des téléspectateurs apparemment. Beaucoup de Bond Girls finissent ainsi mortes avant la fin du scénario : la petiote entourée d’or dans Goldfinger, la bourgeoise dans Rien que pour vos yeux, quelques alliées après avoir retourné leurs vestes (L’homme au pistolet d’or, Dangereusement vôtre avec la somptueuse Grace Jones), les secrétaires de certains méchants après s’être ouvertes à Bond (Corinne Dufour in Moonracker, etc.).
Quant aux autres poulettes qui résistent à l’agent secret, direction l’allée 8, numéro 30 du cimetière. La vilaine Marceau (Elektra) qui se fait froidement butter par Pierce B., la bombasse brune qui part en fumée dans Jamais plus jamais, la nympho tendance sado-maso qui termine les quatre fers en l’air contre un tronc dans Goldeneye, la pauvre Rosie Carver qui prend une balle dans le dos en fuyant James (Vivre et laisser mourir), etc.
Ces exemples piochés au petit bonheur la chance ne montrent que des belles femmes à l’allure félines, et qui clôturent leur carrière entre quatre planches en bois pour la seule raison de ne pas s’être rangées aux côtés de l’Angleterre victorieuse. Ou, au moins, elles se prennent une vilaine taloche. Sans un semblant d’offre de réhabilitation pour ces demoiselles, Bond adopte fièrement la maxime « sois tu es avec moi (entendez : je suis en toi), soit tu es contre moi ».
Pour finir ma démonstration, il y a une scène aussi improbable que scandaleuse dans Octopussy (en VF : huit chattes). Vers le milieu du film, cette blondinette sans couette de Roger Moore se fait courser par une armée d’excités indiens en pleine jungle. Et là, entre deux buissons apparaît un majestueux tigre. Vous savez ce que fait le héros ? Il regarde l’animal dans les yeux et lui balance un « couché ! ». Et le fauve de s’exécuter. Si la plupart des actions de ce film à petit budget laissent à Bond une insolente chance, les scénaristes ont ici fait montre d’un foutage de gueule qui mérite la mort.
Les ennemis de 007 aiment les chats
A contrario, LE méchant dans les films est toujours affublé d’un délicieux chaton. Je parle bien sûr de Ernst Stavro Blofeld, personnage tellement distingué et classieux que, gosse, j’étais persuadé qu’il s’agissait du vrai héros. Blofeld, c’est un peu le pauvre bouc émissaire des services secrets de sa frétillante Majesté.
En fait, les réalisateurs et le producteur de 007 (Brocolli de son p’tit nom) voulaient gagner des pépètes en diffusant leurs films aux quatre coins du monde (rien de plus normal), or il était dommage de se foutre à dos le marché russe et de ceux des alliés de l’URSS. C’est pourquoi taper sur les Soviétiques avait ses limites, il fallait parfois insister sur un ennemi anti-étatique, insaisissable et qui se régénère facilement.
Et l’organisation S.P.E.C.T.R.E., sorte de supermafia mondialisée et souterraine (ils adorent les bases secrètes soi-disant inexpugnables), est le protagoniste parfait pour que James se défoule à loisir. Vu les dégâts occasionnés par l’agent britannique, et considérant que les armées d’un État mettent du temps à se régénérer, détruire les membres d’une pieuvre n’implique pas que celle-ci soit morte…et peut donc revenir en force plus tard.
[court interlude : je me dois maintenant de rappeler que l’objectif ultime du S.P.E.C.T.R.E. est la paix dans le monde. Alors certes cela passe par bombarder les grandes puissances (exemple de Les diamants sont éternels), voire provoquer des explosions nucléaires pour que celles-ci se foutent sur la gueule (L’espion qui m’aimait), mais il faut bien casser quelques œufs pour faire table rase et repartir sur de paisibles bases non ? Un nouvel ordre mondial sous l’égide d’une seule autorité motivée par les profits seulement, ça me met l’eau à la bouche.]
On retrouve d’ailleurs l’esprit de ménager les dictatures avec le film la bouse Demain ne meurt jamais, où Anglais et Chinois marchent main dans la main contre un magnat de la presse aussi flippant que trois bisounours se câlinant. Il en est de même des films avec Daniel Craig, où une organisation terroriste tient la dragée haute à la perfide Albion – voire un loup solitaire édenté et vraisemblablement homo, sûrement un clin d’œil à Mr. Kidd dans Les diamants sont éternels .
Revenons à nos lolcats surentraînés. Blofeld est donc immanquablement représenté avec un chat entre ses pognes et dont la zénitude force le respect. On a tous essayé de tenir son animal de compagnie entre ses genoux, une clope au bec, tout en martelant avec application sa télécommande comme si on donnait des ordres à ses sbires en faction au milieu d’une jungle vénézuélienne. Et on est tous venus à cette conclusion : soit le chat d’Ernst est neurasthénique, soit le producteur lui a administré une solide dose de bromure pour le maintenir en place pendant les prises – ou, moins probable, Spieldberg a testé ses jouets articulés avant de tourner Jurassic Park.
Car un personnage dont le chat reste si longtemps sur les genoux montre qu’il est un vrai amoureux des félins. Un pur esthète qui menait son petit business tranquillou avant qu’un lourdaud portant un Walter PPK ne vient lui chier dans les bottes. C’est également le signe d’une incommensurable sagesse, le col Mao contribuant à cette légitime impression. En vérité, James Bond ne mérite pas ce genre de Némésis, tous deux jouent dans une différente catégorie.
Maintenant je vous le demande : un homme blanc (huhu) qui fait des phrases recherchées, classement sapé, possédant un chat qui ne le quitte pas, et cherche à détruire les deux superpuissances activement belligérantes, est-il foncièrement mauvais ? Vous avez deux heures.
A signaler enfin que cette icône du méchant-flattant-son-chat-angora a été reprise dans d’autres œuvre, notamment le Docteur Denfer qui lutte contre ce malade d’Austin Powers (pour une fois, la dentition anglaise est respectée) ou le vilain qui souhaite ardemment démonter l’Inspecteur Gadget.
Conclusion de la première partie
Dès qu’il parle de James Bond, Le Tigre est hélas intarissable. Pire, je peux tellement m’écouter déblatérer pendant des heures que ma tigresse, tard le soir, me demande souvent de lui parler de 007 – pas parce que ça l’excite, mais ça a l’avantage de l’endormir.
Je m’aperçois que, à force de se regarder écrire, je n’ai même pas développé le meilleur : les ennemis de James sont en vérité des félins, et 007 a tout du chien – c’est pourquoi ce dernier doit être abattu comme tel. La suite dans ce prochain billet en lien.
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Sais-tu que tu pourrais être payé pour faire une thèse universitaire à ce propos ?
Ôter une bourse à un thésard en lui chipant son sujet me provoque, curieusement, plus de plaisir.
A propos de thèse, comme tu le sais désormais, je suis un spécialiste des fluides supercritiques : http://www.theses.fr/1993ISAL0087