[Sous-titre : The Expanse 3. VO : Abaddon’s Gate] L’Humanité a essaimé dans le système solaire. Trois factions sont au bord de la guerre tandis qu’une molécule E.T. a créé un portail vers des destinations inconnues. C’est le grand test pour les humains qui devront montrer qu’ils avancent comme une seule personne et méritent de se voir ouvrir la porte vers d’autres mondes. Bien en deçà des tomes précédents, mais la lecture reste plaisante.
Il était une fois…
Les artefacts installés par la protomolécule sur Vénus se sont mis en branle, et ont créé près de Saturne un énorme portail (qui a tout du trou de vers) menant à un espace isolé. En alerte, les factions de l’Humanité (les Nations Unies, Mars et la Ceinture Extérieure) ont placé ce qu’il leur reste de vaisseaux scientifiques et militaires pour observer cette porte. Dont James Holden, à bord de son vaisseau le Rossinante, qui est poursuivi par quelqu’un qui cherche à l’humilier et le détruire. Très vite les évènements se bousculent et la presque intégralité des flottilles humaines passent le portail où attend un danger extrême qu’ils mettront un certain temps à mesurer.
Critique de La Porte d’Abaddon
Des chapitres alternant entre quatre personnages, une seule histoire, un seul lieu : l’orbite de Saturne. Le roman commence par Manéo, Centurien qui tente à la barbe de tous un exploit : passer la mystérieuse porte sans se faire prendre par les vaisseaux militaires. Il réussit, mais en meurt. Car ce qu’il y a derrière le portail est un univers sans étoiles (et où tout ce qui dépasse une certaine vélocité est ralenti), une sorte de carrefour immense avec d’autres portails sur les côtés et, en son centre, une sphère bleue programmée pour réagir selon le niveau de menace. C’est dans cet objet que James Holden, le protagoniste, entrera afin que lui soit révélée la vérité sur ce qu’est cet espace – et ce à l’aide du « fantôme » de Miller, décédé à l’issue du premier tome.
Outre le héros habituel, le lecteur suit 1) Melba, jeune femme ayant changé d’identité pour venger son père envoyé en prison pour avoir tenté de faire de la protomolécule une arme. Melba (dont le corps est subtilement modifié) voue une haine infinie à Holden et a tout préparé pour le discréditer, quitte à détruire à un vaisseau de la flotte terrienne ; 2) Bull (Copa de son nom), responsable de la sécurité du Béhémoth, vaisseau générationnel de l’APE (l’ancien Navoo, pour ceux à qui ça parle) converti à la va-vite en plateforme de tir. Bull est un Terrien et n’a pas la pleine confiance d’un équipage (formé sur le tard) de 1.000 personnes, parmi lesquelles des dealers, des putes, etc. ; 3) Anna, une religieuse méthodiste invitée parmi d’autres centaines de civils (représentants religieux, philosophes, artistes,…) sur un vaisseau de guerre des Nations Unies, et ce pour assister au plus grand évènement qu’est en train de connaître l’Humanité.
L’intrigue est relativement simple (comment faire en sorte que l’Humanité ne soit pas détruite par le portail ?), néanmoins l’écrivain prend son temps pour livrer des clefs de compréhension du pourquoi du comment du portail, et un gros tiers du roman consiste en des longues descriptions de la contre-mutinerie menée par un fou furieux sur le Béhémoth. Sur le style, toujours aussi précis, direct, mis à part les élucubrations mystérieuses sur ce qui intéresse tous les personnages : qu’est-ce que ce foutu portail et quel est son but ?
L’action se passe en quelques jours, est intense et le lecteur pourra avoir un petit regret à la fin : 700 pages pour ça ? A la limite, La Porte d’Abaddon peut apparaître comme une étape dispensable, un ouvrage qui se la touche en omettant soigneusement d’exploiter les possibilités offertes dès la fin du tome précédent.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Y’a pas à chier, James S.A. Corey aiment (car ils sont deux écrivains) les belles références littéraires. Après le Léviathan et Caliban, voici Abaddon, ange exterminateur de l’apocalypse. La porte de cet ange est d’un côté une magnifique promesse pour l’Homme – voir s’ouvrir des milliers de mondes où installer de nouvelles colonies –, mais de l’autre côté le centre de contrôle de cette porte est susceptible, s’il détecte un danger, détruire le monde de l’autre côté du portail des ennemis – c’est-à-dire faire péter les soleils de notre galaxie, et ainsi éviter la propagation du potentiel péril. En voulant tirer au laser sur la sphère bleue, le capitaine renégat du Béhémoth risque tout simplement d’éteindre l’humanité en pensant la sauvegarder.
Pour éviter cela, les protagonistes doivent initier un semblant d’unification, ce qui est loin d’être évident tant les antagonismes entre la Terre, Mars et la Ceinture extérieure (laquelle est encore en quête de crédibilité politique) sont forts. Sauf que calmer les craintes du portail requiert une confiance mutuelle délicate à mettre en place ; En ajoutant quelques considérations philosophico-religieuses mêlées de politique terre-à-terre sur l’énigme que représente la Porte (et comment les différentes congrégations dévotes vivent cet évènement), il y a de quoi avoir un petit aperçu de ce à quoi pourrait ressembler l’avenir spirituel de l’Homme.
Petit mot final sur James Holden, vaillant héros qui devient au fil de l’histoire un peu moins « parfait », plus brutal – ce qui déplaît légèrement à sa petite amie qui avait déjà brièvement mis les voiles. James commence même à développer une morale changeante, et dont les idéaux sont remplacés par un cynisme tendant vers le nihilisme – ce qui est compréhensible quand on voit ce qu’il se prend dans la gueule. Bref, il a été définitivement déniaisé.
…à rapprocher de :
– Il faut hélas commencer par les premiers tome, L’Éveil de Léviathan (lien) puis La Guerre de Caliban (lien), avant d’envisager de lire ce tome.
– La menace de la Porte n’est pas sans rappeler celle du Cycle des Inhibiteurs d’Alastair Reynolds, qui commence par L’espace de la révélation (lien).