VO : The Long-Legged Fly. Quatre histoires espacées dans le temps, un État sudiste où un détective noir tire son épingle du jeu, des enquêtes souvent vouées à l’échec (trouver n’est pas forcément gagner), l’amateur de polar noir trouvera certainement son compte. Tigre ne fut point ébloui, cependant pour un premier roman il y a bien pire dans le genre.
Il était une fois…
Le quatrième de couverture explique correctement à quoi vous attendre :
« A La Nouvelle-Orléans, on peut se réveiller dans un hôpital et y être comme dans une prison. On peut être payé par des militants pour les droits civiques pour retrouver une jeune femme jamais descendue d’un avion, enquêter sur la disparition d’une gamine parfaite puis, dans la foulée, devenir l’écrivain de sa propre vie. »
Critique du Faucheux
Pour le premier roman de James S. mettant en scène Lew Griffin, détective privé black ayant prématurément quitté l’armée, je vous avoue avoir été surpris par l’originalité du récit : quatre nouvelles ayant lieu de 1964 à 1990, il y a assez pour suivre l’évolution du héros – espoirs, hôpital, père qui clamse, mère malade, etc. Tout cela en gardant la possibilité d’insérer, plus tard, d’autres enquêtes si l’envie en prenait à l’écrivain américain (ce qu’il a fait).
Lew, c’est le genre de gars débonnaire qui tombe sur des affaires peu nettes avec une aisance presque coupable. Que ce soit devoir rechercher la fameuse Corene (élégie d’un groupe type Black Panthers) à la demande de ses disciples ou déterminer où a pu aller une étudiante quelconque, le héros applique les mêmes méthodes éprouvée : dérouler le fil des pérégrinations de la personne disparue, traîner dans les bars de la Nouvelle-Orléans à la recherche d’indices et/ou appeler son pote devenu flic dans la cité.
Il faut savoir que l’auteur ne se limite pas au travail de fin limier, le récit est émaillé (putain de verbe « cliché ») de considérations plus noires sur la nature humaine, et ce malgré un remontage de pente grâce à la belle Vicky – je ne parle pas de Verne, la prostituée qui fait de petites apparitions. Vic’ occupe la moitié du roman et sera une sorte de source de fraîcheur dans un environnement peu avenant, hélas le passé familial de Griffin se rappellera à son bon souvenir. Sinon, la taille des nouvelles, inégale, est à l’image des chapitres tendant à se ralonger au fil de l’eau. Comme si Sallis tâtonnait et découvrait, avec nous, son rythme de croisière.
En rajoutant un style assez sec, voire un peu maladroit de temps à autre, le gros reproche à formuler demeure l’aridité (quelques belles formules arrachent toutefois un sourire) d’un ouvrage qu’on jurerait sorti des belles années de Hard Boiled (entendez, années 60). Sauf que ça a été écrit au début des années 90 – et ça sonne parfois faux.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Un petit mot du héros dont Sallis a ici imaginé l’entrée en matière s’impose. Griffin, c’est un cœur gros comak, un bel homme qui en impose et doté de satisfaisantes ressources intellectuelles (il n’exerce pas moins de deux métiers dont celui d’agent de recouvrement de créances). Fana de Chester Himes dont il loue les vertus, le héros paraît avoir été façonné selon un modèle que James Sallis avait, à l’époque, voulu être. D’ailleurs, la dernière histoire met en scène un Lew qui se met à écrire des polars qui se déroulent en territoire cajun – les mots français sont nombreux dans le texte. Et l’écrivain du roman a énormément de succès. Peut-on imaginer plus criante mise en abyme ?
Ce qui fait la force du Faucheux semble se trouver dans le dénouement des premières histoires. Lew trouve la poule recherchée, sauf que cette dernière est immanquablement dans un sale état – morte après avoir été vue dans des films de boules ou irrémédiablement droguée. Ce n’est pas que notre ami arrive trop tard, son efficacité est indiscutable. Mais il n’est pas omnipotent. Hélas, le sentiment d’échec prévaut, ce qui explique notamment l’alcoolisme frénétique de l’empathique Lew. La seconde partie du roman, plus axée dans le renouveau, présente un héros plus bas que terre tentant de se relever. Et les derniers chapitres, plus nostalgiques (vieillesse oblige), paraissent offrir au héros un commencement de paisible absolution.
A tout hasard, je me suis demandé ce que signifiait ce titre. Aucune idée, et puis je n’avais guère envie d’enculer la mouche : un faucheux, c’est une bête avec des longues pattes qui vit dans un territoire humide. Parce que le héros, grand, attire les merdes ? Parce qu’il est dangereux ? Tout ceci renvoie aux marécages de la Louisiane ? Mouais.
…à rapprocher de :
– Le Tigre a continué avec ce héros qu’on retrouve dans Blue Bottle. Ça passe. Reste plus que Papillon de nuit, Le frelon noir, L’œil du criquet,….
– Puisque Sallis fait de nombreuses feuilles de rose à Chester Himes, il serait sûrement utile que j’en parle un de ces quatre sur QLTL.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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