Livre court et inclassable, rien à dire, Pouy maîtrise son petit sujet et livre quelque chose d’original avec une verve littéraire digne des plus grands théoriciens de seconde zone. Ambiance cyberpunk avec la violence qui sied à ce genre de la littérature, ça explose dans tous les sens. C’est donc moins pour l’intrigue, pauvre, que pour le style que ce roman peut plaire.
Il était une fois…
Julius est spinoziste, mais chef de gang avant tout. Dans un Paris post-apocalyptique que l’État a déserté, notre héros livrera moultes batailles contre d’autres gangs, en particulier celui ayant à sa tête Hegel, attaché au philosophe éponyme.
Critique de Spinoza encule Hegel
Œuvre largement récompensée, il était temps d’en faire rapidement le tour voir de quoi il en retournait. Publié en 1983, apparemment premier roman de Jean-Bernard Pouy, ce livre a du faire l’effet d’un petit coup de tonnerre dans le monde policé littéraire français. Il y a de quoi contenter le lycéen en mal d’action ou l’individu plus mûr qui saura se délecter du style de l’auteur, unique et incomparable.
Le Tigre va rapidement expédier l’histoire : futur cyberpunk, des gangs s’affrontent violemment pour le contrôle de territoires ou de ressources. Jeunes, psychopathes et sans pitié, le lecteur va suivre l’un d’eux par la narration de Julius, héros moderne s’il en est.
La véritable plus-value de l’auteur, c’est que ces affrontements se déroulent sur fond de didactique pseudo-révolutionnaire. Un vrai régal. Jean-Bernard P. maîtrise totalement les discours et délires des protagonistes, tout ce vocable au service de guérillas et de massacres méchamment déjantés.
Ce roman est loin d’être exceptionnel, toutefois il ravira les personnes souhaitant lire un roman qui n’est ni policier ni de guerre, seulement un délire intelligent et violent en moins de 150 pages. En sus, la fin laisse une délicieuse ouverture, qui annonce une suite qui ne l’est pas moins.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Mai 68. Et oui, tout le fatras dans lequel est le pays semble résulter des évènements de 68 qui ont largement mal tournés. La génération des lycéens de cette époque constitue le gros des troupes des années 70 / 80 qui se déchirent sur fond de philosophie post-marxiste. On retrouve l’intransigeance et le doux rêve teinté de folie de la période de grèves intenses, bien que Pouy pousse la violence à son paroxysme.
La violence plus ou moins théorisée. Outre les coups d’éclat du héros, ce dernier s’attache à ponctuer ses actes de considérations spirituelles et néanmoins hargneuses. Hegel, c’est son ennemi intime, un être proche du héros (même âge, même type de gang, même modus operandi) mais dont le nom seul justifie cette intime inimité (c’est joli ça). Toute sa prose est tournée vers la détestation du « méchant », des phrases et démonstrations philosophiques fusent. Si bien que le lecteur étourdi pourra lire son verbiage en diagonale sans perdre le fil.
Car on n’est jamais loin du verbalisme, qui consiste à écrire pour la beauté des mots uniquement. Julius déblatère sans cesse, en y regardant deux fois ça ne veut pas dire grand chose, mais c’est tellement bien écrit ! Pouy ne se prend pas au sérieux, c’est sans doute ce qui rend Spinoza encule Hegel si accrocheur.
Ces thèmes sont à mettre en relation avec ceux de la suite de cet ouvrage, qui est du même acabit.
…à rapprocher de :
– La suite, A sec !, que Le Tigre a préféré à ce premier opus. Avec Pouy, si Nous avons brûlé une sainte est excellent et Suzanne et les Ringards passe pas trop mal, hélas La clé des mensonges et Larchmütz 5632 peuvent être évités.
– Dans un genre plus sérieux voire abscons, violence mâtinée de réflexions philosophiques, je vous renvoie amicalement vers Maurice G. Dantec, plus particulièrement Villa Vortex, Cosmos Incorporated, Artefact ou Grande jonction.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Jean-Bernard Pouy – Suzanne et les Ringards | Quand Le Tigre Lit
Ping : Jean-Bernard Pouy – La clef des mensonges | Quand Le Tigre Lit
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