Il est plutôt rare que Le Tigre se procure une fiction française sans attendre sa sortie poche, mais Jean-Mi ne m’a point fait regretter ce geste. En suivant un pré-ado dans un club au fond d’un bar peuplé de personnages savoureux à l’historique assez lourd, c’est tout un pan de l’histoire abordé avec intelligence et une pointe d’humour qui est à portée.
Il était une fois…
J’aime bien le quatrième de couv’, je vais partiellement le copier :
« Michel Marini avait douze ans en 1959. C’était l’époque du rock’n’roll et de la guerre d’Algérie. Lui, il était photographe amateur, lecteur compulsif et joueur de baby-foot au Balto de Denfert-Rochereau. Dans l’arrière-salle du bistrot, il a rencontré Igor, Léonid, Sacha, Imré et les autres. Ces hommes avaient passé le Rideau de Fer pour sauver leur peau. Ils avaient abandonné leurs amours, leur famille, trahi leurs idéaux, et tout ce qu’ils étaient. Ils s’étaient retrouvés à Paris dans ce club d’échecs d’arrière-salle que fréquentaient aussi Kessel et Sartre. »
Critique du Club des incorrigibles optimistes
Pour une fois, j’ai choisi comme image de couverture celle du grand format, et avec le bandeau parlant d’un certain prix remporté par Guenassia. En effet, j’ai lu ce roman dès sa sortie et le Goncourt des Lycéennes me paraît plus que mérité.
Bon, autant le dire, ce n’est pas pour la belle gueule du héros que je ne suis pas parvenu à décrocher du bouquin. Car le Michel du roman est souvent horripilant par sa nonchalance, quand ce n’est pas la passivité face à tout ce qui se passe autour de lui. C’est seulement un spectateur des péripéties de ses connaissances au Balto, celles-ci étant au cœur du club.
Parlons-en, de ce fameux club. Si le gros est dit dans la présentation de l’éditeur, découvrir les pérégrinations de ces protagonistes (qui d’un poète, d’un taxi, d’un auteur célèbre qui vient leur rendre visite, etc.) est un pur plaisir.
Sur le style, en à peu près 800 pages Guenassia est parvenu à correctement me tenir en haleine. Son vocabulaire précis et chantant est parfaitement adapté au sujet du roman, même s’il m’est parfois arrivé de trouver le temps un peu long (le temps que je m’en rende compte, l’intérêt était vite ravivé), notamment dans le dernier tiers du roman. Au final, un presque classique que n’importe quel cerveau normalement constitué parviendra à apprécier.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Ce roman m’a semblé être, avant toute chose, le triple niveau d’appréhension des évènements de ce monde : les grands mouvements historiques d’abord, vus par des individus exceptionnels emprisonnés par leurs passés ; l’état de la géopolitique dans le monde, tel que vu par le quidam (je pense aux parents du héros) en France ; et enfin comment ces bouleversements sont vus par un gamin d’une douzaine d’années. Éveil d’une conscience politique ou amusement total par rapport à son entourage ? Vu ce que devient Michel à la fin du titre, je pencherai pour la première réponse.
Le titre mérite un petit mot. Pourquoi d’incorrigible optimistes ? La guerre d’Algérie, les troubles de mai 68, mais surtout les délires soviétiques à l’Est de l’Europe ne paraissent pas entamer le moral de la troupe. Pourtant, certains de ses membres ont de quoi pleurer tout ce qu’il reste d’eau dans leurs corps. Optimistes, car Léonid ou Sacha savent montrer au jeune homme que rien n’est désespéré, pourvu qu’on soit vivant. Incorrigibles, car sur la fin le lecteur découvrira qu’il y a derrière la joyeuseté (même pas de façade) un terrible secret, une trahison autant terrible que triste.
…à rapprocher de :
– La vie rêvée d’Ernesto G., bien meilleur roman de cet auteur. Plus d’envergure, héros plus puissant surtout.
– C’est un genre de roman générationnel comme sait le faire Jonathan Coe, notamment dans Bienvenue au club (tiens, un autre club !).
– Le système soviétique, l’Orient européen, vaste et complexe, c’est aussi Emmanuel Carrère, romancier français qui m’a ravi avec Limonov.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici (format poche).
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Première incursion sur ce blog 🙂
J’ai lu ce livre cet été, sur proposition de mon libraire : « Bonjour, j’aimerais un poche d’au moins 600 pages pour ma semaine de vacances, vous avez quoi ? » (je suis ressortie avec « Le Club des incorrigibles optimistes » et « Les jardins statuaires », de Jacques Abeille, ça m’a fait la semaine)
Bref, j’ai trouvé ce roman très intéressant, n’ayant pas connu la période des années 60/70, les différents points de vue sur les « événements » étaient bienvenus et très clairs. C’est vrai que même si le personnage principal sert un peu de « liant » au reste et permet de montrer tant de choses différentes sans trop avoir d’intérêt en lui-même, j’ai quand même adoré.
Tout d’abord, bienvenu sur QLTL. Je me retrouve dans l’analyse, hélas « pour moins de 1.000 mots » le choix des mots est difficile. ça doit être une constante, chez cet auteur, de traverser des décennies à la lumière d’un protagoniste « bien placé ». Jardins statuaires vaut le coup d’œil sinon ?
Ah, « Les jardins statuaires » c’était super ! C’est vraiment une immersion dans un monde que l’on découvre petit à petit, en même temps que le personnage principal, avec ses rites, ses paysages, ses mentalités… C’est particulier mais très beau, et d’une grande poésie ! Je recommande chaudement !
J’avais failli parler de ce bouquin il y a peu, lorsque dans un autre billet, nous évoquions les romans intimistes. J’ai effectivement trouve ce roman intimiste mais je l’ai pourtant adore. (et je n’ai pas peur du mot). Un paquet de références a une epoque ultra-riche en evenements, en litterature, en cinema. Certes le personnage central peut paraitre assez passif mais je ne l’ai pas trouve horripilant. Au contraire en fait, je l’ai trouve intelligent en particulier dans sa soif d’apprendre. Je trouve que c’est tout a l’honneur de Guenassia d’avoir mis en lumière un héros humble et sage, un qui ferme sa gueule et qui écoute, observe, s’inspire et comprend sans juger.
Humble et sage, c’est un peu les héros de Jonathan Coe. Je suis en train de lire un autre de JMG, et c’est tout aussi riche.
Cela me donne envie de faire un billet sur les héros passifs (sans arrières pensées). L’assassin royal en prendra pour son grade.
Je n’ai pas le chance de connaitre Coe encore mais a la lecture du billet ça pourrait être prochainement.
Par contre, je m’insurge! En quoi l’assassin royal est-il passif. D’accord qu’il n’y va pas toujours de bon coeur mais c’est justement ce qui donne de la profondeur et du realisme au personnage. Mais je ne le trouve pas passif du tout.
Bien moins en tout cas que le niaisissime tripoteur de baguette Potter.
[je n’ai lu que les 4 premiers tomes de l’AR] Le mec, il s’en prend plein la gueule et continue d’obéir servilement à ses supérieurs, je n’ai pas eu l’impression qu’il ait voulu prendre son destin en main. Après, il est certes très jeune sur les premiers tomes de Hobb.
Potter, c’est différent : il a été conçu à dessin pour ressembler au lectorat, savoir le jeune un peu mal dans sa peau, passablement chétif et myope, et qui ignore posséder un impressionnant pouvoir (un élu, tous les gamins rêvent de l’être non?).
Le mec il s’en prend plein la gueule mais il a quand même jure allégeance. Ensuite, faut aussi reconnaitre qu’en tant que bâtard, s’il failli a son allégeance, il se fait zigouiller. De plus, il voue quand même un amour total a sa famille, en particulier au vieux roi Subtil et ensuite (et surtout) a son successeur Vérité. Bon et par la suite, il a le temps de murir, prendre ses décisions et faire de sacres carnages. (j’ai lu tout le cycle, c’était long quand même).
En héros passif, du coup j’aurais plus vu Ender qui carbure a fond dans ses simulations mais qui [SPOIL] finit quand même pas se faire joliment avoir [/SPOIL]…
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