Ne vous laissez pas distraire par un Brian Jones rigolard sur la couverture, la bonne vingtaine d’histoires traitées se termine toujours mal. Tout comme le guitariste des Rolling Stones. L’essayiste, bien introduit dans l’univers déconnant du rock, livre quelques savoureux épisodes qui feront briller aux dîners en ville. Ça sent délicieusement le soufre.
De quoi parle Sexe, sang et rock ‘n’ roll, et comment ?
Tout d’abord, il faut savoir que JP Bourre est un enfant de la balle, à savoir un individu bien introduit dans ce que la culture rock (et underground) a pu produire de plus bizarre, sinon criminel. Nombreux essais sur les sciences occultes publiés, animateur radio objet de polémiques, Bourre connaît définitivement bien son sujet – aidé par ses contacts dans cet univers.
Telle une offrande au lecteur en quête de sensationnel, l’essayiste a lâché pas mal de croustillantes (et sanglantes) anecdotes relatives à l’univers du rock depuis les années 20. Ces historiettes sont presque livrées par ordre chronologique et peuvent se lire indépendamment les unes des autres. C’est à la fois une qualité de ce titre (zapper est plus aisé) mais également une tare : les liens entre le sexe, le sang et le rock paraissent parfois bien ténus, et souvent l’impression de lire la rubrique people des chiens écrasés est prégnante.
Sinon, voici les titres des chapitres, avec après le tiret mon rapide commentaire sur le sujet. Attention c’est long :
– Leadbelly, l’homme au revolver – Un auteur blues de talent d’une extrême violence.
– La ballade sauvage de Charles Starkweather, le premier des tueurs-nés – un fou furieux qui aimait se prendre pour James Dean.
– Les desperados du rock – Jerry Lee Lewis et Johnny Ace, deux têtes brulées de génie.
– La mort du colonel Kurtz – Le colonel n’est rien d’autre qu’Elvis Presley.
– Les tueurs « Mods » – Ian Brady et Mira, tueurs et violeurs de jeunes filles.
– Brian Jones et le bleu profond des piscines – Suicide ou acte malveillant ?
– L’Evangile selon Manson – Le tueur le plus connu des années 70.
– Le diable à Altamont – Après Woodstock, un concert des Rolling Stones qui tourne mal.
– La traversée des portes – La rapide déchéance de Jim Morrison.
– Les soleils noirs d’Highgate – Led Zep’ qui prend racine dans la baraque d’Aleister Crowley.
– Vivre vite – Ou la propension des grands à prématurément se terminer.
– Michael Jackson, dans la peau d’un serial killer – bad trip chez le roi de la pop.
– « Le traqueur nocturne » – Richard Ramirez, flippant tueur en série.
– Florence Rey, la madone électrique. Tuerie française à la Nikita au bois de Vincennes.
– La descente aux enfers de Sid Vicious – Le bassiste des Sex Pistols en plein délire.
– Sang et censure. Derrière ce jeu de mots, pas grand chose hélas.
– Un conte de Noël – Quelques souvenirs délirants de l’auteur.
– Dans la spirale du chaos – Comment le métal influence (ou pas) les pulsions meurtrières.
– Björk, une passion amoureuse – Un fou dingue de Björk se suicide pour elle.
– Les derniers jours de Kurt Kobain – Un gosse capricieux à l’éternel bras d’honneur.
– Les anonymes et les sans-grades – Histoire de parler de Jean-Paul Bourre et ses proches. .
– Satanistes contre nouveaux vikings – Black métal satanique à la sauce norvégienne.
– A l’intérieur d’un manga – .Manga nerveux genre Akira vs. Disney qui effleure la réalité
– Nico et le cadavre de Jim Morrison – Rencontre entre l’auteur et l’égérie des Velvet Underground.
– La chute des anges – Les tueries d’établissements scolaires et l’influence du rock.
– L’enfer d’une nuit, à Vilnius – Le groupe Noir Désir qui, grâce à Cantat, change de nom en Supertramp.
Le lecteur ne mettra pas longtemps à remarquer que Jean-Paul, l’auteur, avait une connexion relativement personnelle avec ces individus. Le style est alors très personnel, voire emphatique (certains passages sont de la poésie pur jus), et même révolté – les détracteurs de Cantat traités de « salopards » par exemple. Quoiqu’il en soit, un ouvrage qui se lit avec plaisir tel un bonbon acidulé.
Ce que Le Tigre a retenu
La première chose qui m’a frappé est le décalage dolosif entre le titre et les sujets abordés par l’ouvrage. Le sexe, le sang et le rock, c’est à la fois réducteur et excessif. Voici mes humbles explications :
Premièrement, il conviendrait d’ajouter à la trilogie de l’auteur les drogues. Que ce soient des substances de hippies (hallucinogènes, cannabis, alcool en quantité phénoménale) ou des drogues plus hardcores (héro, coke, dures, méth), les musiciens vieillissent prématurément. Les Led Zep complètement cassés, Jerry Lee Lewis qui fracassait son monde dans les bars, Elvis Presley qui se prend pour un Dieu, Kobain qui se soignait comme il pouvait, en fait l’aspect sanguin de l’ouvrage ne semble en grande partie possible que grâce à des états qui ont sérieusement altéré le jugement de ces anges déchus.
Deuxièmement, plus on avance dans l’essai, plus les sciences occultes se fraient un passage dans le cerveau déglingué des protagonistes – normal, me direz-vous si vous connaissez la bibliographie de JP Bourre. Les motivations des artistes sont nombreuses, mais tous ont mis en place (ou réinstallé) un univers cohérent qui relève soit du paganisme, soit du satanisme, voire de la magie noire avec ce que ça comporte comme mauvais sorts – auxquels beaucoup croyaient. Heureusement, au 20ème siècle les tribunaux ne prenaient pas en compte les meurtres par sorcellerie.
Troisièmement, et c’est là qu’à mon avis l’essai montre sa plus grande faiblesse, je ne sais pas trop ce que vient faire le sexe dans le titre. Que l’essayiste rattache à tout prix le rock & roll au sang, quitte à théoriser sur l’absence d’influence de cette musique sur d’éventuelles pulsions meurtrières, je comprends. Toutefois, avec le sexe, Le Tigre était en droit d’attendre des histoires de monstrueuses partouzes (qui tournent mal ou non), et pas seulement des chroniques à la Roméo et Juliette (cf. Sid Vicious). Mais, si c’est pour le clin d’œil au Sex, drugs & rock ‘n’ roll de Ian Dury, Le Tigre s’incline.
Sinon, et à tout hasard, quelques passages sont plus qu’instructifs, même si ça prend une tournure de voyeurisme (pas désagréable, certes). Florilèges : Michael Jackson en plein délire qui file à Jacksonville sur les pas d’un tueur (ça se passe mal pour Bambi qui se cloître encore plus à Neverland) ; Sid Vicious qui insulte à de nombreuses reprises les « pédés de Texans » lors d’un concert ; Charles Manson le magicien qui soumet les esprits (et traîne avec les Beach Boys) ; ou (plus glauque) le pauvre gus qui enregistre son suicide et demande que seule Björk regarde la vidéo.
…à rapprocher de :
Il faut savoir qu’énormément de sujets traités par Jean-Paul Bourre sont plus longuement développés dans quelques essais publiés par l’éditeur Camion Noir/Blanc : le black metal satanique, Sid Vicious, Björk, Alesteir Crowley, etc.
– Lors du concert d’Altamont des Rolling Stones, le groupe avait fait appel aux Hell’s Angels pour assurer l’ordre. Le concert fut une tragédie et a signé la mort du hippisme. Faut dire que les motards, payés en binouzes et en cocaïne (à volonté), n’étaient pas en état de calmer les gens. D’ailleurs, on y retrouve Hunter S. Thompson, le journaliste gonzo qui suivait les bikers en vue de produire un roman – il en garde un souvenir mitigé.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce titre en ligne ici. Ou, mieux, sur le site de l’éditeur.
Le Noir Désir qui devient Supertramp est d’un succulent mauvais goût exquis à degrés multiples !
Rien que pour ça bravo !
Sinon le bouquin à l’air pas mal, hop dans la PAL de l’été.