Sous-titre : Récits du Vieux Royaume. Huit histoires se passant dans un univers riche et immersif mâtiné de fantastique, quelques purs joyaux de littérature faisant rêver, sourire ou grincer des dents, voilà un bouquin comme je les aime. A lire et relire sans modération grâce à la belle plume de l’écrivain français dont les mots ont la puissance des coups d’une épée soigneusement affûtée.
Il était une fois…
Dans le Vieux Royaume qui n’est que l’ombre de ce qu’il a été, quelques personnages vivent d’exceptionnelles aventures : un chef de guerre voit son pouvoir s’effilocher ; l’assassin Benvenuto est au beau milieu d’un conflit qui le dépasse ; un chevalier servant relève un défi pour les beaux yeux d’une dame ; un scribouillard est affublé d’un virus portant la poisse, etc.
Critique de Janua vera
Cet ouvrage, publié préalablement à un roman d’une rare densité qu’il faut absolument lire, constitue une délicieuse mise en bouche de ce dont est capable Jipé (tu permets?) – relativement inconnu à l’époque de la publication. Et le félin comprend sans peine l’excitation de l’époque face à un ouvrage ambitieux et polyvalent.
La polyvalence résulte de ces huit histoires mettant en scène différents personnages (des puissants, des quidams) dans autant de lieux oniriques – grande cité, petits villages, forêts inhospitalières. L’unité du temps peut varier de la journée guerrière (Une offrande très précieuse) à l’étendue d’une vie (Le conte de Suzelle ou Le confident), et souvent un dénouement final qui, s’il fait souvent sourire, surprendra toujours.
Polyvalence ensuite du côté de l’écriture de Jaworski qui, déjà à la fin des années 2000, faisait montre d’une plume chatoyante et raffinée qui glisse avec délice dans le cerveau du lecteur. Le mec utilise des mots…oh putain…des adjectifs…nom de Zeus…des expressions, on dirait le style d’un lettré de la Renaissance avec la gouaille d’un roublard d’expérience qui sait de quoi il cause. Avec de l’humour par dessus le marché, notamment Jour de guigne qui est à se taper sur les cuisses. En moins de temps qu’il n’en faut pour décocher un carreau, nous voilà les deux pieds dans un monde de fantasy médiévale.
Vous devez savoir que Le Tigre aime moyennement ce genre littéraire, sauf qu’avec Jean-Philippe J. la féérie et la magie se font discrètes et n’interfèrent peu par rapport aux forces, ô combien plus puissantes, de la volonté humaine. Et malgré une poignée de textes que votre serviteur a trouvé relativement décevant (ayant d’abord lu son chef d’œuvre, c’est compréhensible) à l’instar de Une offrande très précieuse, il faut convenir que dans l’ensemble il se dessine un univers cohérent et impitoyable qu’on quitte à grand regret.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La première chose qui vient à l’esprit ressemble à peu-près à un « mais où va-t-il chercher tout ça? » S’inspirant de contes et légendes ancestrales, Jaworski réussit à titiller nos souvenirs d’enfance avec des destins surprenants et une galerie d’individus surprenants (voire inquiétants pour une partie d’entre eux). Certains personnages sont hauts en couleur (avec des métiers régalants dans Le Confident ou le gyrovague d’Un amour dévorant) lorsqu’il ne s’agit pas simplement de braves types face à quelque chose de fantastique. Que l’on soit du côté des grands de ce monde ou, plus prosaïquement, dans la tête d’un paysan un peu bourrin, l’empathie vis-à-vis d’eux est complète.
Comme je le disais, le fantastique est peu de chose face à l’ambition, la fureur ou le désir de survie des protagonistes. L’exemple parfait est ce brave Benvenuto Gesufal dans Mauvaise donne, nouvelle centrale de l’ouvrage. Lorsque les luttes de pouvoir font la bourre à des menus arrangements et autres manipulations machiavéliques (Le service des dames), les dialogues et actions des personnages gagnent énormément en profondeur et révèlent de subtiles équilibres. Plus généralement, la plupart des huit héros de ces nouvelles sont ballotés entre des forces qui les dépassent, des impératifs qui s’imposent à eux et confirment que la vie est une injustice qui s’abat régulièrement sur eux.
…à rapprocher de :
– Il convient, à l’évidence, de lire la géniale pièce maîtresse de cet univers qu’est Gagner la guerre. Une somptuosité comme on fait rarement.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
N’etant pas un grand amateur de nouvelles, j’esperais un nouveau roman dans la veine de Gagner La Guerre. Mais il semblerait que Jaworski affectionne ce genre puisqu’un nouveau recueil est paru l’an dernier.
Il va peut-etre falloir que je me mette a Janua Vera et a Le Sentiment De Fer si je veux avoir des nouvelles de Benvenuto…
Tigre, as-tu essaye sinon Meme Pas Mort?
Tente le Janua, ça vaut le coup. Quant à « Même pas mort », je compte l’acheter pour cet été.
Ouaiiis !!! Benvenuto for ever !!! Vraiment très bon ce Janua Vera 😉 Mais au final, ce que je voudrais plus que tout c’est un « Gagner la Guerre » Tome 2 !… on sait jamais…
« Meme Pas Mort » je m’étais arrêté au début… est-ce que ça vaut le coup ?
Et sinon pour le « Sentiment du Fer », c’est très sympa mais j’ai trouvé la qualité d’écriture un peu en-deçà de Janua Vera, comme si c’était des premiers écrits/test qu’il avait finalement décidé de publier plus tard. Et puis petite remarque sur l’édition : je n’ai pas trouvé la mise en page agréable à lire du tout, c’est bête mais ça renforce le côté un peu amateur (âhhh pardon Jaworski, je suis pas digne !!) de l’ouvrage.
Merci de tes bons conseils ! « Même pas mort » me tente bien, tu connaîtras bientôt le résultat.
Un tome 2 ca serait assez genial…
Ce serait trop beau. la fin du roman ne ferme pas la porte à une suite, mais je ne vois guère ce que Jipé pourrait rajouter comme péripéties.
C’est sur que Benvenuto a bien souffert mais ca pourrait etre l’histoire d’un personnage secondaire du premier ou … j’en sais rien moi! On peut plus rever maintenant?
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