Dans la lignée de l’excellent Le travail du Furet, Le Tigre s’est attelé au dernier Andrevon de disponible. L’image de couverture est ici assez parlante : futur plus ou moins cyberpunk avec un soldat cyborg juché sur un antique dromadaire rafistolé. Trafic d’humains, violence exacerbée, le tout qui se lit à vitesse grand V.
Il était une fois…
Marseille, futur proche. M. Cacciari est un ancien militaire traumatisé par la peu glorieuse croisade récemment lancée par l’Occident. Il vivote en jouant d’un instrument dans la rue jusqu’à ce qu’il soit contacté par Legueldre, riche industriel qui souhaite embaucher le héros comme veilleur de nuit dans son entreprise. Or cette entreprise, qui traite des nouvelles technologies, a une activité des plus horribles.
Critique de Sukran
Écrit à la fin des années 80, cette œuvre semble terriblement d’actualité avec une approche fort intéressante, quoique bizarre. Le lecteur pourra en effet être parfois mal à l’aise, c’est un peu l’apanage des grands écrivains.
L’histoire est celle d’un homme qu’on appelle un démo (pour démobilisé) après le fiasco de la campagne militaire de l’Europe au Moyen-Orient. Embauché par un industriel dont les idées sont à l’extrême-droite de l’échiquier politique, il va progressivement découvrir les scandaleux agissements de ce personnage qui fait plus que jeter de l’huile sur le feu sociétal (laissez Le Tigre se repaître de cette métaphore…).
Scénario irréaliste (par exemple, la fédération pan-islamique qui est dans les années 2010 complètement fantaisiste comme idée), du coup l’anticipation sociale est moins présente. L’univers n’en demeure pas moins fascinant et derrière des péripéties assez dures se dresse une fable profondément humaniste.
Sur le style, du Andrevon pur jus et épuré : moins de 300 pages, trois parties, que de l’action ! Au détriment peut-être des personnages peu explorés (le patron facho, sa femme nympho, le héros désabusé) mais on n’est pas là pour ça. Surtout quand l’auteur (en plus du héros au cynisme rafraichissant) nous glisse ici et là de nombreuses références qui raviront le connaisseur : politique, arts, surtout le 7ème,….
Ainsi, à lire si on a aimé Le travail du furet.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le racisme. Dans la cité phocéenne, les Maghrébins représentent dans le roman plus de 50% de la population. Les tensions sociales sont à leur comble, surtout depuis que l’Europe a piteusement mis un terme à sa « croisade » contre une fédération d’États musulmans. Andrevon peut sembler faire dans la facilité en montrant des personnages qu’on peut juger caricaturaux par leurs bêtises, toutefois c’est dans leurs actes que le racisme prend une tournure bien plus glauque et cynique. Froid dans le dos.
Le fanatisme. Les « zombies kamikazés », les riches fascistes qui poussent la science un peu trop loin, les jeunes étrangers désœuvrés et mis à l’index depuis une guerre qu’ils n’ont pas vécu,…Tout ce petit monde bute sur ses idées et se hait cordialement. Le héros parviendra-t-il à faire le lien entre ces différents mondes et éviter les bains de sang ? A vous de le découvrir…
…à rapprocher de :
– Le travail du Furet, même auteur. Moins sombre et plus axé sur l’aspect policier, à ne pas rater. Tout comme Le monde enfin, qui est nettement plus mature – plus long aussi.
– Les guerres (de religion) contre la menace islamiste, cela fait penser à quelques romans de Maurice G. Dantec. Plus polémiques comme ouvrages.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Lu cet été. Amusante cette anticipation qui inverse les rôles : ce ne sont plus la Lybie et l’Iran les grands ennemis, mais la France et l’Europe qui deviennent des fous idéologiques, terroristes et religieux haineux. Au final, j’ai le sentiment que Andrevon rejette tout schéma géopolitique. Le monde court joyeusement à sa perte, qu’importe les rôles. Alors il tente de sauver l’humain, non pas en tant que personne morale ou création divine, mais en tant qu’être vivant, animal sensible prisonnier de ses folies. Une quête des plus absurdes : comment protéger un fou de sa propre folie ?
L’ayant lu dans la foulée du Travail du Furet, je m’étais concentré sur l’aspect « contestation politique ». Après la marchandisation cyberpunk, la folie idéologique me semblait être le thème principal. (il est vrai que le billet est un peu court, je le retravaillerai surement)
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