Le Tigre associe le père Teulé à une valeur sûre, et quoi de mieux que commencer par un livre des plus « shocking ». On est ici largement servi. Suivant le court d’une vie totalement misérable, l’auteur nous entraîne dans un monde réel, sombre, et le lecteur espère, malgré la présentation de l’histoire, que la Darling en question n’ait pas vraiment existé. Même s’il en est des milliers comme elle.
Il était une fois…
« Darling », c’est une vieille femme qui serait venue à l’auteur pour lui raconter son histoire. Mêlant dialogues et récits de sa vie, Jean Teulé décrit l’histoire de cette femme à qui la vie n’a pas été tendre du tout. De son enfance à ses rêves, son mariage exécrable, celle qui souhaitait se faire appeler Darling en a (hélas littéralement) chié. Mais la volonté de survivre, de s’en sortir, sera-t-elle plus forte encore ? (Le Tigre aime de temps en temps finir sur un pseudo suspense de bon aloi).
Critique de Darling
Pour moins de 250 pages, le moins que l’on puisse dire est que ça se lit plus que vite, en plus d’une écriture au demeurant facile à saisir. Style en adéquation avec le message que veut faire passer l’auteur, qui se contente de décrire la vie d’une femme, à la demande de cette dernière de surcroît. On irait presque croire que c’est un vrai témoignage (ou pas ?).
Derrière une histoire émouvante et bien tordue parfois, c’est toute la misère d’une partie de la France qui est décrite, des malédictions générationnelles jusqu’à une justice locale souvent à côté de la plaque. A ce titre Le Tigre vous prévient tout de suite, des passages sont franchement glauques, sans bien sûr atteindre les sommets d’un Will Self ou Chuck Palahniuk. Néanmoins de quoi calmer le lecteur qui aura envie d’une petite pause de bonheur.
Là où Teulé se débrouille bien, c’est que jamais (au grand jamais) nous ne tomberons dans un pathos excessif ou un misérabilisme digne d’un Dickens. L’auteur se permet même de paternelles remontrances vis-à-vis de Darling qui les accepte bien volontiers.
En conclusion, si ça ne mange pas de pain de lire cet ouvrage, faites le sur la plage ou un endroit agréable de préférence pour « contre balancer » l’ambiance de la seconde partie. Et pas avant d’avoir 20 ans si possible hein. C’est pas qu’on voit une jolie vache sur la couverture qu’on va offrir ça à sa nièce qui habite dans le fin fond du Limousin.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
L’espace rural hexagonal français des trente glorieuses. Ça fait terriblement sujet d’agrégation de géographie, Le Tigre en convient. Blague à part, c’est pour Darling la solitude, l’ennui de ne rien avoir à faire aux alentours. Du coup elle se met au radio-amateurisme, jusqu’à être un point d’ancrage pour les routiers qui passent aux alentours. Symbolisant la liberté et la découverte d’autres lieux (elle va jusqu’à leur courir après), c’est naturellement qu’elle épouse l’un d’entre eux.
Les violences conjugales. Donc Darling se marie, et là ça part allègrement en quenouille. Son époux ne fait hélas pas partie de la caste des doux et des fins, et ira toujours plus loin dans l’humiliation et la violence. L’horreur atteint un charmant petit pic lorsqu’à la suite d’une partie de poker perdue, le mari fera faire à Darling, sous le regard des ses potes, des choses que Le Tigre ne peut écrire sur ce blog. Tout ça sans qu’elle puisse avoir une aide valable, l’homme ayant une supériorité scandaleuse dans ces contrées.
D’où le dernier thème, qui est la glauquitude, ou la glauquerie. Pas besoin de dictionnaires, vous vous imaginez bien de quoi je parle. Teulé n’est pas forcément versé dans ce style, certes il a un style et un vocabulaire assez « lâche », mais dans ce roman il semble se régaler. Alors soit on aime, d’autant plus que l’horreur s’invite à l’improviste (chez Stephen King, par exemple, on garde une place pour celle-ci) ; soit le cœur n’est pas assez accroché et on laisse de côté en se disant qu’on reprendra plus tard.
Le Tigre, bien sûr, appartient à la première race.
…à rapprocher de :
– Jean Teulé a ses entrées sur QLTL : L’œil de Pâques ; Longues Peines ; Les Lois de la gravité ; Ô Verlaine ! ; Le Magasin des suicides (bof bof) ; Le Montespan ; Mangez-le si vous voulez (terrible), Charly 9 (déception).
– Les violences aux femmes, sans que personne ne daigne réagir, lisons le très instructif Est-ce ainsi que les femmes meurent ?, de Didier Decoin. Ou, dans la pure fiction, La maison de Nicolas Jaillet. Légèrement plus court.
– Les descriptions dures, la réalité implacable, une quête mal partie, les livres où le pauvre lecteur n’est pas épargné, pensez à acheter (et lire accessoirement) Satan dans le désert de Boston Teran.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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