Jean Teulé, avec ses romans courts et souvent inimitables, s’attaque encore à un fait divers. Ici, un huis clos d’une rare intensité (jusqu’à la violence) entre une femme qui souhaite payer pour le meurtre d’un mari abject et le policier qui ne veut la laisser se livrer. Pas le meilleur titre de l’auteur, mais en 120 pages pourquoi se plaindre ?
Il était une fois…
France, dans une grise ville en pleine Normandie (décidément Jean T. aime cette région). Une femme s’extrait de son HLM et entre, en pleine nuit, dans un commissariat pour avouer le meurtre de son mari (et déguisé le forfait en accident). Comme elle a commis cet acte il y a dix ans jour pour jour, dans quelques heures la prescription fera qu’elle sera inatteignable. Prise de culpabilité, la femme veut se livrer, ce qui n’est pas du goût du fonctionnaire Pontoise qui ne veut dresser de procès verbal. S’ensuit un long échange qui tourne aux confessions entre les deux individus.
Critique des Lois de la gravité
Le Tigre a été bien déçu par rapport à ce que m’offre, régulièrement, le père Teulé. Encore tirée d’une histoire vraie, c’est une œuvre sombre et parfois glauque qui m’a fait penser à Darling. En effet, la misère humaine, qui fait écho à l’environnement normand peu accueillant, est plutôt bien rendue.
Le scénario est simple, à savoir une femme qui se présente pour se faire arrêter avant que son crime ne soit prescrit. S’ensuit une longue discussion entre le flic qui l’accueille et la « meurtrière ». Si les dialogues restent plutôt bons, quelques descriptions m’ont hélas semblé un peu poussives. Un peu comme les interminables prises de paroles d’individus d’Amélie Nothomb, Le Tigre n’est pas complètement parvenu à se représenter les personnages de manière crédible.
La femme qui veut à tout pris qu’on lui passe les menottes déjà, et qui débarque quelques heures avant la prescription, bizarre. Le flic passablement drogué et un peu trop cynique à mon goût, ça sent trop le réchauffé hélas. Mais, pour 25 minutes montre en main de lecture, ce n’est pas comme si le lecteur aura l’impression de perdre son temps.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le dialogue de sourds. Les deux protagonistes ne sont pas d’accord sur la marche à suivre, chacun campant soigneusement sur ses positions. Personne ne veut lâcher, et, la fatigue aidant, le dialogue s’envenime au cours de la nuit. Le titre de Jean est bien choisi. Outre la loi de la prescription, au centre du suspense, il y a la gravité qui fait que deux corps de masse conséquente viennent à se rejoindre. Lesdits corps, ce sont deux visions de la justice et du devoir. Analyse toute personnelle vous en conviendrez.
La violence conjugale. C’est un thème qui revient de temps à autre dans des romans de qualité (Trois femmes de Boston Teran par exemple). Dans Les lois de la gravité (gravité des poings qui s’abattent sur la chair ?), la femme décrit un mari d’une violence inouïe qui la bat. Ainsi que les gosses. Marquée également dans l’esprit, l’héroïne parvient à décrire avec précision, une décennie après pourtant, les terribles tourments qu’étaient les siens.
…à rapprocher de :
– De Teulé, rendez-vous ici : L’œil de Pâques ; Darling (coup de cœur) ; Longues Peines ; Ô Verlaine ! ; Le Magasin des suicides (bof bof) ; Le Montespan ; Mangez-le si vous voulez (terrible), Charly 9 (déception).
– Sur les affres que peut subir une jeunes femme, jusqu’à la mort, il y a Est-ce ainsi que les femmes meurent ? de Decoin. Édifiant.
– Il paraît qu’un film est sorti, avec la belle Marceau dans le rôle de la femme (pas facile de l’enlaidir pour le rôle j’imagine). J’attends vos commentaires.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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