A mi-chemin entre un polar à assassin unique (livré à la fin) et un texte d’une poésie fort onirique, L’œil de Pâques est déconcertant à lire. Teulé s’est lâché sur ce coup là, et si cela reste extrêmement séduisant, Le Tigre a été moyennement emporté par le texte. Dommage.
Il était une fois…
Rien que pour vous donner une idée du genre, Le Tigre va exceptionnellement copier-coller la description de l’histoire dans le quatrième de couv’ :
« Le centre du monde est à Calais, entre les falaises de craie et le trou dans le Channel. Le centre d’un monde où passent les orbites de six planètes bien humaines. Pâques, beauté métisse venue d’Inde, joue le rôle du soleil. Chacune lui tourne autour, attiré par sa chaleur. Depuis la nuit des temps, ces planètes sont appelées à se percuter, pour faire jaillir des gerbes de bonheur lilas. Et pour que ce miracle advienne, un crime doit être commis. »
Critique de L’oeil de Pâques
Comme vous l’aurez remarqué, je n’ai pas été conquis par ce texte qui était décidément « tout much ». Le vocabulaire est sans pareil : virevoltant, d’une poésie délirante et somme toute assez coquine, ça part dans tous les sens. Quiproquos, situations burlesques et souvent comiques, c’est sympathique.
Hélas les premières pages m’ont complètement perdu, j’ai cru que ce roman allait précocement rejoindre mon Mur des Renonciations. Mince, 150 pages, ce n’est pas grand chose il faut s’accrocher : après 20 pages, ça se décante et l’histoire peut réellement commencer.
Le scénario, parlons-en. Pâques, jeune beauté (avec un œil rose, rien que ça), immigre vers Calais où elle est serveuse. Gravitant autour de la belle, un flic « aquaphobe », un couple cigale / fourmi, un médecin légiste au palais infaillible, un juge complaisant, un animateur de radio antillais (ou de Guyane). Mélangez le tout, ajoutez l’Inde, le chanvre (le cannabis quoi), le meurtre d’une prof d’Anglais, et voilà un polar poétique innovant.
Tous ont des liens plus ou moins distendus, tous sont improbables et savoureux, j’ai eu l’impression de lire une pièce de théâtre, voire une bande dessinée tellement il est facile de se représenter tout ce joli monde. Hélas l’œuvre démarre « brut de décoffrage », et pourra perdre plus d’un lecteur.
Bref, Le Tigre plaçait de grands espoirs dans le sieur Teulé, et un de ses ouvrages qui ne me procure pas le même plaisir que d’habitude, la sanction est inévitable. Ce titre n’en reste pas moins intéressant, et procure une expérience relativement unique.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Le Nord de la France, carrefour des cultures. Sud d’Albion, extrême nord des terres du bordelais vinicole, l’environnement dans lequel évoluent nos protagonistes paraît hostile, froid. Seuls comptent ses habitants, uniques spécimens capables d’apporter la fantaisie que la météo ne peut. Par contraste, les colonies françaises, l’Inde millénaire, recueillent en leurs seins des Français encore plus à côté de la plaque et finissant, pour la plupart, assez mal.
Le rocambolesque, l’excès, l’onirisme, les double sens de partout, en fait c’est presque fatiguant à lire comme texte. Teulé se débrouille bien, toutefois j’ai eu plus d’une fois l’impression qu’il a écrit ce truc après avoir perdu un honteux pari. Il aurait pu pondre L’œil de Pâques pour des amis, pour un réalisateur, pour un directeur de théâtre, mais le publier, quel culot. Le Tigre n’est pas mécontent d’être francophone, parce que bonne chance pour traduire cette chose sans trahir son esprit…
…à rapprocher de :
– Jean Teulé est un habitué du blog : Darling (coup de cœur) ; Longues Peines ; Les Lois de la gravité ; Ô Verlaine ! ; Le Magasin des suicides (bof bof) ; Le Montespan ; Mangez-le si vous voulez (terrible), Charly 9 (déception).
– De la poésie, néanmoins bien ratée, il y a ce pauvre Autin-Grenier avec Les radis bleus.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
Ping : Jean Teulé – Mangez-le si vous voulez | Quand Le Tigre Lit
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Et pourtant… Teulé ne m’emballe jamais autant que quand il s’éloigne complètement du raisonnable. Est-ce que cette introduction en inde n’est pas justement indispensable pour comprendre d’où vient Pâques ? Un de mes Teulé préférés. Assez de contenu pour remplir un volume de 600 pages, condensé en seulement 150 pages. Un peu comme un vrai expresso à l’italienne.
Je faisais référence aux premiers chapitres, à savoir les millions d’années avant le meurtre.
Il faut en effet saluer l’auteur d’avoir fait court, comme à son habitude d’ailleurs.
Sinon je préfère le cappucino, certes moins fort mais qui se laisse déguster plus lentement…
Feulement vôtre
Oups. Alors c’est vous qui avez raison : quelques mois seulement aprés avoir lu l’ouvrage, j’avais oublié même jusqu’à l’existence de ces toutes premières pages.
J’ai le même problème récurrent en résumant les livres lus il y a longtemps, rassurez-vous.