Encore un énième article sur Teulé. Mais comme je les ai quasiment tous lus lors de ma prime jeunesse, autant en parler pendant que je m’en souviens encore. Et cette balade acide et parfois hallucinée dans un milieu carcéral m’avait laissé bonne impression. Pour une centaine de pages, vous ne prenez pas un grand risque à le lire.
Il était une fois…
Le quatrième de couv’ est correct, et ça m’évitera de présenter les protagonistes :
« Dans la cellule 203, ils sont quatre : Jacky Coutances a probablement tué trois de ses amoureuses ; Sergueï Kazmarek a rendu hémiplégique une jeune mariée ; Pierre-Marie Poupineau a un goût immodéré pour les petits enfants. Et Sébastien Biche, instituteur fragile, a, dans un moment d’épuisement et de folie, tué son bébé en lui cognant la tête contre la cheminée. Dans la 108, croupit Corinne Lemonnier, monstre femelle qui offrait ses neveux et ses nièces aux plaisirs sadiques de son amant. Jacky aime Corinne et Corinne aime Jacky. Ils ne se connaissent que par les mensonges amoureux qu’ils échangent en hurlant, chacun collé aux barreaux de leur fenêtre respective. Ainsi va la prison, entre crises d’amour et coups de démence, le ronronnant barnum de la cabane aux forcenés… »
Critique de Longues peines
Jean Teulé reste une valeur relativement sûre pour l’exigeant Tigre, et avec Longues peines l’écrivain français s’est attaqué à un sujet au final peu traité en littérature : la prison. Et avec un certain brio, du moins je l’ai vécu comme cela. En suivant presque toute la « faune » pénitentiaire (chacun ayant son vocabulaire et ses manières), c’est un court voyage à côté duquel il serait dommage de passer.
En fait, l’auteur ne verse pas vraiment dans l’humour noir. Il est, quelque part, un peu plus fin que cela : si son style est mordant et parfois choquant, il ne va ni chiner du côté du sensationnel ni dans le descriptif sans âme. Avec un ton que je qualifierais de « pince sans rire », sinon faussement neutre, il existe un délicieux décalage avec de somptueux passages glauques livrés comme on balancerait un parpaing dans une marre.
De plus, et par rapport à d’autres titres plus « légers », j’ai lu un roman qui est complet, c’est-à-dire d’une qualité supérieure. L’écriture m’a semblé plus poussée que d’habitude, presque à certains moments ce fut dur à suivre (c’est dire !). Attention enfin, il est quelques pages relativement choquantes, ne vous attendez pas à une douce balade avec de sympathiques prisonniers. Non. Juste une certaine réalité.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Ce qui m’a marqué reste les anti héros dont l’auteur est parvenu à faire autant de portraits saisissants. Ni sympathie ni dénonciation de sa part, juste rendre compte d’une vraie cour des miracles. Et ce m’a d’autant plus alerté qu’on apprend que l’auteur a travaillé d’après plusieurs faits divers. Il plane alors une atmosphère de folie torturée qui contamine jusqu’aux hautes sphères de l’établissement. En effet, le dirlo et sa femme en tiennent une sévère couche.
La prison en général. Il y a peu de choses sur les aspects « administratifs » et ce roman ne m’a pas paru être une sorte de documentaire sociétal. Car Jean T. s’intéresse avant tout à ses personnages, et de la manière dont l’institution pénitentiaire peut les briser, ou sublimer quelques uns de leurs pires travers (le geôlier en particulier). Du maton au prisonnier, le lecteur pourra toucher de plus prêt la triste réalité d’un environnement froid et peu propice à la salubrité de l’esprit.
…à rapprocher de :
– De Teulé, Tigre a lu beaucoup : L’œil de Pâques ; Darling (coup de cœur) ; Les Lois de la gravité ; Ô Verlaine ! ; Le Magasin des suicides (bof bof) ; Le Montespan ; Mangez-le si vous voulez (terrible), Charly 9 (déception).
– Sur la folie des gens, le directeur et sa femme m’ont fait penser à un essai de Lütz intitulé Les fous ne sont pas ceux qu’on croit. Voire Nous sommes tous innocents, de Cathy Jurado-Lecina (à lire absolument).
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce titre en ligne ici.
Ping : Jean Teulé – Darling | Quand Le Tigre Lit
Ping : Jean Teulé – Le Montespan | Quand Le Tigre Lit
Ping : Jean Teulé – Ô Verlaine ! | Quand Le Tigre Lit
Ping : Jean Teulé – Charly 9 | Quand Le Tigre Lit
Ping : Jean Teulé – Les lois de la gravité | Quand Le Tigre Lit
Ping : Jean Teulé – L’oeil de Pâques | Quand Le Tigre Lit
Ping : Cathy Jurado-Lecina – Nous sommes tous innocents | Quand Le Tigre Lit
J’ai apparemment fait l’erreur de commence Teule avec le Magasin des Suicides qui avait été conseille comme « formidable, un de ses meilleurs! » Du coup j’ai pris peur pour les autres. Vous dites que c’est son plus mauvais? Qu’a cela ne tienne, je renouvellerai l’expérience!
« Le magasin des suicides » est presque insupportable, ça ne donne pas envie de découvrir cet auteur. Retournez-y avec « Darling », le plus sympa (sic) d’après moi.