En pleine guerre d’Indochine, un soldat de la Légion au passé traumatisant et un tireur de talent ayant choisi l’autre camp se tirent la bourre entre deux beuveries dans les bars à putes. Tranches de vies de 1946 à 1954 de protagonistes entraînés dans un conflit qu’ils détestent et dont ils se sentent étrangers, la lecture est agréable même si le tout m’a paru que guère crédible.
Il était une fois…
La secondes guerre mondiale à peine digérée, la France se lance dans la reconquête de l’Indochine. Sauf que le Viêt-Minh, qui a vaillamment combattu les Japs, ne l’entend pas de cette oreille. Parmi les premiers soldats arrivant en Asie du Sud-Est, il y a la crème de la crème, la légion étrangère dont fait partie Charles Bareuil, issu d’une famille de militaires.
Critique du Dernier tigre rouge
Moins de 250 pages, lu en quelques jours, bah je me suis bien régalé. Un peu trop peut-être, ce roman est d’une rare facilité à lire : l’auteur français présente à la fois des protagonistes fort stéréotypés (le gentil légionnaire, les officiers stricts, etc.) et offre quelques passages donnant une impression d’irréalisme dans un univers souvent insaisissable – l’Asie, la guerre d’Indochine, des hommes qui n’ont connu que les conflits, tout cela à la troisième personne.
Le héros, Charlou Bareuil, est un homme éprouvé par la guerre et qui ne semble plus rien attendre de bon de la vie. La première partie de l’œuvre concerne ses premiers jours (et quelques flashbacks dans les Balkans), sur fond de pessimisme quant à l’activité première de l’Homme : le pire conflit que la Terre ait connu (jusque là) terminé depuis peu, les anciens ennemis se retrouvent dans le même régiment, avec ce que ça comporte comme ressentis parmi eux. Au cours d’une mission de reconnaissance/nettoyage des Viets qui rôdent près de la route coloniale menant au nord, Bareuil croise le chemin d’un sniper occidental ennemi particulièrement doué qui a bien failli le tuer – mais, curieusement, l’a épargné.
Dans la seconde partie, plus axée « polar », le héros décide de rechercher le tireur d’élite, un Français qui répond au nom de Botvinnik et délivre de précieux services aux commandants vietnamiens (Giap & Co) et chinois. Bareuil, gravement blessé, reprendra cependant les armes et s’offrira même une histoire d’amour avec Hua, belle femme dotée d’un certain répondant. Quant à la troisième partie, remarquablement vite expédiée par Jérémie Guez, il est question de la déroute progressive des troupes françaises, vue des deux côtés, avec pour Bareuil une pénible marche en tant que prisonnier – de simples paragraphes séparant les protagonistes, ce qui n’est pas toujours évident à suivre.
Bref, Le dernier tigre rouge, mélange de roman historico-militaire et de polar tout lisse et correct, est un titre qui alterne l’action pure avec des scènes de réflexions sur le conflit indochinois. Hélas, certains chapitres mettent à mal la plausibilité (oh que c’est moche comme mot) scénaristique, avec des personnages un poil trop caricaturaux, des « gueules » à l’esprit brisé. Le Tigre n’aurait point craché sur un peu plus d’ambivalence – cette dernière fait tardivement son apparition dans les derniers chapitres.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Vous vous doutez que j’ai particulièrement goûté le titre du roman, qui fait référence à la guérilla vietnamienne contre le colonisateur français, personnifiée par Botvinnik. Ce dernier, qui ne se rend guère compte de l’Histoire du pays occupé, se comporte comme un éléphant tactiquement peu finaud qui mitraille dans tous les sens. A l’inverse, l’autre barbu (Hô Chi Minh) développe la doctrine selon laquelle il faut agir en tigre (rouge parce que le félin est communiste) qui, caché dans la jungle, saute de temps à autre sur le dos du pachyderme pour lui déchirer des lambeaux de peaux. Et se planquer. Et recommencer. Et le voir se vider de son sang.
Après les égarements stratégiques contre le Blitzkrieg teuton, la France est sur le point de réitérer sa méprise quant au conflit asymétrique à venir.
L’iniquité de la guerre est, à juste titre, pointée par l’auteur qui s’est efforcé de se mettre à la place des protagonistes. Les Viets, qui combattent un envahisseur s’étant approprié leurs terres, obligés de faire appel à leur puissant voisin chinois. Or, si le Viêt-Minh est nationaliste avant tout, la guérilla prend une tournure plus rougeoyante avec les communistes désireux de tirer leurs marrons du feu – et c’est ce qu’il adviendra. Quant aux Français, certains faits de guerre (même de la part de glorieux légionnaires) sont difficiles à assumer pour l’esprit, sans parler des conditions climatiques ou de détention. Dans tous les cas, ceux qui font la guerre ne se proclament jamais vainqueurs, d’autres (ceux qui sont assis tranquillement derrière les lignes) s’en chargeant à leur place.
…à rapprocher de :
– Sur la guerre d’Indochine et ses stigmates, le mystérieux La petite fille de Monsieur Linh, de Claudel, se laisse lire.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman en ligne ici.
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