VO : Wild Town. Poursuivant ma lancée dans le noble genre du hard-boiled, il est tout normal de s’intéresser à Jim Thompson. Hélas ce titre, bien que globalement correct, est en-deçà des plaisirs habituels de cet auteur. Un gars bourru plus ou moins pris entre quatre feux dans un bled paumé, Tigre l’a parfois été (paumé, pas pris entre quatre feux).
Il était une fois…
MacKenna, Dingo de son prénom (pas vraiment crédible), est ce qu’on appellerait de nos jours un vagabond au casier judiciaire gros comme un président de région en fin de mandat. Ses pérégrinations l’amènent à Loqueville, une ville champignon grâce aux gisements de pétrole. Ceuilli par la maréchaussée locale (le shérif Ford), il se voit très vite proposer un job comme détective privé dans l’hôtel Hanlon. Le vieux Hanlon, de sa chaise roulante, avec sa femme Joyce (jeune et bandante), a-t-il réellement besoin de Dingo dans ce cadre ?
Critique d’Éliminatoires
C’est fort dommage, je me suis presque emmerdé. La fin a rattrapé le coup, cependant je ne peux m’empêcher d’avoir un souvenir négatif de ce titre. Sans doute suis-je trop demandeur vis-à-vis de l’écrivain américain.
L’histoire est quasiment abracadabrantesque (c’est dingue, cet adjectif n’est plus souligné en rouge) : notre ami débarque, sans le sou, dans une ville. S’ensuit des situations les plus confondantes pour lui (job sympa, femmes plutôt mystérieuses), avec comme point d’orgue un accident dont il est le responsable en plus d’un chantage dont il sera l’objet. On sent bien qu’il ne maîtrise pas du tout ce qui l’entoure, y’a quelque chose de pourri dans la ville sans qu’on sache totalement qui est derrière tout ça.
Le problème a en fait deux sources. Un, il existe de nombreux flashbacks et scènes inopportunes qui gâchent de temps à autre la cohérence du récit. Plus d’une fois j’ai dû retourner en arrière pour vérifier de qui sont les dialogues. Deux, les descriptions (certes savoureuses) ne sont pas toujours nécessaires. 270 pages assez aérées, on aurait pu en retirer 70 sans souci. Pas le meilleur titre pour commencer avec Thompson, il a fait bien mieux dans le hard boiled.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
L’anti héros. Dingo est un vilain bougre : le gars usé, méfiant, chiant sur les bords, agressif mais pas totalement idiot. Ses réactions font montre d’un individu à la fois cyclothymique et qui a du mal à déterminer qui lui veut du bien de qui est prêt à lui chier royalement dans les bottes. Un personnage difficilement saisissable, j’ai eu du mal à m’approprier ses péripéties. Son succès avec les femmes (il doit bien s’en taper trois dans le roman) est plus qu’étonnant, Tigre n’a pas totalement compris ce qui les prenait.
Les rôles et faux-semblants. Difficile d’en dire plus sans spoiler comme un sagouin. Le vieux qui possède tout dans la ville, le flic ripoux, les nanas qui cachent fort bien leur jeu, le comptable plus escroc qu’un homme politique, le concierge alcoolo comme on le rencontre rarement en littérature, Jim Thompson nous présente des individus hauts en couleur. Mais, derrière les caricatures la complexité s’avère de mise : sont plus profonds et fins en fait, pour peu qu’on finisse le roman. Le gentil, en fin de compte, n’est pas vraiment celui qu’on croyait.
…à rapprocher de :
– De Jim Thompson, Tigre a lu beaucoup. En vrac : 1 275 âmes, Le démon dans la peau, etc.
– Y’a pas mal de femmes fatales dans ce titre, ça me rappelle bien Pas d’orchidées pour Miss Blandish, de Chase. Voire Vipère au sein (même auteur).
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