Jodorowski & Moebius – L’Incal : L’intégrale

Les Humanoïdes Associés, 300 pages.

Jodorowski & Moebius – L’Incal : L’intégraleLa série d’origine, à partir de laquelle se sont greffées d’autres de qualité, est un superbe exemple de ce que la France des années 80 a fait de mieux en matière de bande dessinée. Space opera mâtiné de sublimes considérations ésotériques et alchimistes, histoire complexe servie par des illustrations à couper le souffle, un classique du genre.

Il était une fois…

Nous reprenons là où Avant l’Incal avait laissé le lecteur : John Difool est dans une situation plus que délicate, poursuivi par d’étranges individus qui en ont après lui. Car Jo a reçu, de la part d’un Berg en train de crever (une race E.T.), l’incal lumière, un petit truc aux pouvoirs surprenants. Or cet objet est au centre de toutes les convoitises, car avec son pendant négatif l’incal noir l’avenir de l’univers est à portée de mains. C’est ce que d’autres ont bien compris, que ce soit les inquiétants techno-pères aux Bergs, en passant par l’Impéroratriz (la boss de l’Humanité). Et d’autres…

Critique de L’Incal

Une magnifique saga qui se lit en une rapide paire d’heures, et sans que le lecteur puisse voir le temps passer. Ici, on mérite d’indiquer les titres des six tomes, qui font la part belle à la dilogie en général :L’Incal noir, L’Incal lumière (logique), Ce qui est en bas, Ce qui est en haut (logique encore), La 5ème essence : Galaxie qui songe (ça me rappelle Vide qui songe d’Hamilton) et La 5ème essence : La Planète Difool.

J’ai trouvé le scénario relativement complexe avec tous ces protagonistes gravitant autour de Difool. Ça part dans tous les sens, pour notre plus grand plaisir, entre les bassesses imaginées par quelques factions (les œufs noir dévoreurs de soleil) ou les pérégrinations des alliés de John D. (la belle et son fils Solune, le méta-baron, le chien parlant, etc.). Le tout devient réellement réjouissant lorsque les mécanismes savamment mis en place par Jodorowsky se meuvent au fil des chapitres, c’est complet et excellemment articulé.

Et les illustrations, quel bonheur ! Moebius a la préférence du Tigre par rapport au style vieillot de Janjetov dans Avant l’Incal (pourtant publié après). C’est net, sans bavures, une ligne claire avec des dessins architecturaux et immenses planches qui ont laissé Le Tigre rêveur. Si on rajoute des dialogues mystiques et plutôt cohérents, que demander de plus ?

Bref, un superbe ouvrage (de l’art, du vrai) que Tigre a plaisir à relire de temps à autre. Comme pour Avant l’Incal (ou la Trilogie Nikopol) il faut avouer que l’intégrale est un très bel objet, solide et au format sensiblement plus gros qu’une BD. Tout est fait pour qu’on en prenne plein la gueule (et au porte-monnaie).

Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)

Le bel équilibre cosmique. Derrière les deux Incals, il y a un plan savant imaginé depuis des temps immémoriaux. La lumière contre la ténèbre (c’est dit de la sorte), le néant contre la vie, les thèmes cosmogoniques utilisés sont profonds tout en restant intelligibles. Les dernières planches, notamment, ne sont pas sans rappeler quelques passages de Matrix avec la rencontre du Grand Architecte.

L’anti héros par excellence. John Difool n’est pas forcément la beauté et l’héroïsme incarnés, cela va sans dire. Parce qu’il a eu l’incal en lui, tout ce qui advient se présente comme une erreur de casting. Même si le prequel de ce cycle tend à contredire Le Tigre. Égoïste (faut le voir amasser de l’or en vue de se barrer avant la fin du monde), souvent pleutre, râleur comme un ado un peu con, c’est l’aventure à portée de tout le monde en fait. Imaginez finalement que Difool est le modèle utilisé dans une galaxie lointaine (dans les derniers tomes), il y a de quoi passer un bon moment.

…à rapprocher de :

– Le scénario d’Avant l’Incal n’est pas mal non plus, hélas les illustrations de Janjetov piquent les yeux.

– La secte des Techno-pères va le coup d’être visitée grâce au sublime Les Technopères, de Jodo et Janjetov.

– Moebius, accompagné de Stan Lee au scénario, ont produit Silver Surfer : Parabole. Pas mal au demeurant. Moebius seul, c’est L’homme est-il bon ?, court recueil qu’il serait dommage de zapper.

– Tout ça (l’ésotérisme mâtiné de space opera) n’est pas sans rappeler Le Vagabond des Limbes, de Godard et Ribera. Un autre chef d’œuvre.

– Sans spoiler, il faut avouer que la fin de ce titre est très très proche du cycle de La Tour sombre, de Stephen King.

Pour finir, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver cette BD en ligne ici.

9 réflexions au sujet de « Jodorowski & Moebius – L’Incal : L’intégrale »

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  2. Monsieur le Tigre vous êtes Vache avec Janjetov ! En ce qui me concerne, je préfère,du moins pour la saga l’Incal, Janjetov qui n’a rien de vieillot et qui me parait au contraire très audacieux dans son lyrisme exhubérant et coloré, et pourtant j’adore Moebius en général.

    Cordialement
    Mico Nissim

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  6. Tu ne cites même par Arzach et Arzak dans tes rapprochements! Honte à toi Tigrou!

    M’est avis que Jodo ne buvait pas que de la verveine lorsqu’il a écrit le scenar de l’Incal…

    • Les critiques (enfin les billets) du Tigre ne peuvent dépasser 1.000 mots, je me tue à faire court. Pour Arzach, le week-end de Pâques sera l’objet d’aller piller le grenier du grand-père qui regorge d’Echos des savanes, Métal Hurlant et autres revues fleurant bon les seventies.
      Pour la verveine, je te conseille de lire Les Technopères, encore plus hallucinogène sur les bords.

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