VO : Mucho Mojo. Ne vous y fiez pas, les titres français et originaux font tous deux référence au paranormal (la magie en fait), bien que le sujet du roman n’est pas le fantastique. Voici un excellent polar en fait, avec deux héros pittoresques et rapidement attachants, sur fond d’exactions d’une glauquitude certaine au fin fond du Texas. Humour, sexe, sang, mucho bueno.
Il était une fois…
Leonard Pine vient faire part d’une bonne nouvelle à son ami Hap Collins : ce premier vient d’hériter d’une confortable somme (100.000 dollars) et d’une misérable maisonnette dans un quartier chaud de LaBorde, Texas. Merci au tonton Chester qui vient de passer l’arme à gauche ! Aussi Hap va aider son pote à retaper la bicoque. Vaste programme. La « bonne nouvelle » tourne vite à l’aigre lorsqu’en plus de déterrer un squelette sous le plancher de la baraque, nos amis découvrent quelques magazines pédopornographiques…
Critique de L’arbre à bouteilles
Acheté au hasard, et ô joie ! Ce fut il y a de nombreuses années, et Le Tigre est vite tombé dans la marmite de cet écrivain. Si L’arbre à bouteilles est le premier opus de Lansdale disponible chez Folio, il semble en revanche que ce ne soit pas la première histoire publiée avec ces héros. Toutefois, au risque de me répéter, les ouvrages du père Joe peuvent se lire dans le désordre le plus complet.
Et pour une première, il n’est pas dur d’être happé dans le jeu de l’auteur. Deux protagonistes originaux face à une dégueulasserie sans nom qu’ils découvrent de la part de tonton Chester Pine, il n’en faut guère plus pour que les flics considèrent que la messe est dite. Malgré les misérables apparences Leonard et Hap, à partir de très peu (des indices assez minces au premier abord), vont dérouler les bassesses de la petite ville texane.
Si le dénouement ne m’avait pas semblé constituer une délicieuse cerise sur ce gâteau littéraire (la preuve, Tigre ne s’en souvient à peine), il faut applaudir le style bien rythmé de l’écrivain. On peut passer quelques pages à découvrir un lieu, des individus plus vrais que nature (servis par de très énergiques dialogues) et très vite basculer dans l’action la plus endiablée. En ajoutant les quelques souvenirs d’enfance qu’une vieille dame du cru contribue à ranimer chez Leonard, ça passe très bien.
Chapitres courts, on verrait très mal comment Joe R. Lansdale aurait pu mieux faire en moins de 350 pages. Bien sur il ne faut pas avoir les yeux qui piquent face au vocabulaire fleuri (nos héros ne sont pas des enfants de cœur), sinon quasiment ordurier. Pour Le Tigre, une jolie entrée en matière pour l’auteur américain, qui a produit depuis de bien meilleurs (c’est possible) romans.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
Je prends le temps de ce billet pour présenter les deux gus. Hap Collins, c’est un blanc démocrate un peu tombeur sur les bords. Grand sensible, Hap n’hésite cependant pas à distribuer des tatanes lorsque nécessaire. Son alter ego, Leonard Pine, est noir, homosexuel et profondément républicain. Personnages au vocabulaire fleuri, je vous laisse songer aux merveilleux dialogues que Lansdale nous concocte entre ces deux amis à chaque chapitre. Un pur plaisir, et ce à chaque roman les mettant en scène.
Le Sud profond. Le tableau qui est dépeint de LaBorde est édifiant et sombre au demeurant. Voici des policiers un peu brutaux (pour ne pas dire idiots sur les bordures), des trafics peu avouables (objet de l’enquête), ou encore des dealers encore plus ignobles que d’habitude, Heureusement qu’une jolie femme a tapé dans l’œil d’Hap, pour l’aspect romance (un peu de galipettes bien détaillées d’ailleurs) le lecteur est servi.
Du coup, un dernier thème plus sensible pointe le bout de son nez, à savoir la pédophilie. Pour ce dont je me souviens, rien d’extrêmement choquant n’était décrit par Joe R. qui a su aborder le sujet de manière élégante (pas de pathos excessif) et comme aspect secondaire d’une enquête bien plus vaste.
…à rapprocher de :
– Voilà un genre de roman qui donne furieusement envie de poursuivre dans cette voie. En vrac : Vanilla ride, Le mambo des deux ours, Vierge de cuir (sans Leo et Hap, un de mes préférés), Tsunami mexicain (moins bon).
– Sur la pédophilie dans un polar, Ken Bruen s’est essayé au genre avec La main droite du diable.
Enfin, si votre librairie est fermée, vous pouvez trouver ce roman via Amazon ici.
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