Vocabulaire ordurier et chantant, histoire amorale mais hilarante, personnages déglingués et abus de stups, Johann Zarca est un auteur qui encule avec allégresse les canons littéraires communément admis. C’est rafraîchissant et jouissif, la littérature vandale a de beaux jours devant elle.
Il était une fois…
Après un rapide (quatre mois) passage en zonzon, le narrateur décide de prendre en main le bois de Boulogne et être le dealeur exclusif de ses prostitués. Aidé de sa clique (Souleymane, Makita, Youssouf, Vamp) et de ses burnes, le boss de boubou va à coup de tatanes se faire une place. Mais c’est sans compter les gitans, les flics et un tueur en série, tous fermement décidés à bien lui pourrir le biz’.
Critique du Boss de Boulogne
Avant de commencer une trikite un tant soit peu destructive, faut que vous sachiez que Le boss de Boulogne m’a été gracieusement offert des mains même de l’auteur. Après avoir dégagé les boulettes de chichon qui émaillaient les pages et essuyé un truc vaguement collant près de la dédicace, j’ai mis moins de deux heures à terminer l’ouvrage. Et ce n’était pas gagné, jugez les premières phrases :
J’ai la tête qui tourne et l’envie de gerber qui va avec. Tendu ! Je ne me remets pas de ma biture. Faut dire qu’avec les potes, hier, on ne s’est vraiment pas respectés. J’ai conservé un sale goût de sky dans la bouche et un trou de boulette dans mon survêt.
Le reste n’est qu’une suite de vocables et tournures de phrases de ce genre. A un tel point que Le Tigre a décidé d’en parler dans son premier thème (cf. infra). Outre le vocabulaire, le lecteur découvrira le Bois et les pérégrinations du boss qui, entre deux whiskies et la prise de coke / shit / [choisissez ce que vous voulez], fournit la populace locale (et ceux qui s’y aventurent) en produits stupéfiants.
Le scénar’, on s’en foutrait presque si la fin de l’œuvre nous apportait pas une réponse déconcertante, même si on s’y attendait un peu, de la raison des meurtres en série qui faisaient flipper les habitants du Bois. L’écrivain se concentre, niveau description, sur ses sentiments (la rage, le seum’, la parano grandissante), quelques scènes de tortur…euh combats et le physique des michetonnes – bandantes à souhait si celles-ci n’étaient pas des transsexuels. Les dialogues sont l’occasion de rajouter une dernière couche de crade pour finir de planter un décor déjà bien glauque.
En conclusion, une petite mignardise de mauvais goût comme Tigre en affectionne. Pas plus de 180 pages, et franchement c’est la taille adéquate pour ce genre de romans. Ne vous inquiétez point, le contenu est loin d’être une apologie de la prostitution ou de l’usage de drogues. Entre les putains qui se font défourailler et défoncer de partout et la « crew » du boss dont la santé périclite à vitesse grand V, on ne souhaite pas être dans leurs baskets plus d’une nuitée.
Thèmes abordés (du moins selon Le Tigre)
La littérature underground. Pas facile à lire, il faut savoir que Zarca tape dans un style unique que je qualifierais de « bâtard » (le prend pas mal mec) : il s’agit d’un mélange d’argot oldschool souvent mis en verlan, de termes manouches (michton, bicrave, etc.), de javanais version banlieusarde ou d’expressions toutes droit sorties d’un film de boules. Là où Johann Z. fait fort, c’est qu’il parvient à mélanger le tout et à rester constant dans la dégueulasserie, sans répétitions trop lourdes (certains termes reviennent certes plus que de raison) ni impression d’utiliser ces mots juste pour verser dans le trash.
Pour être habitué de l’auteur/blogueur et connaître sa cohérence dans la « vandalisation littéraire », toute ceci m’a bien fait marrer même si après 150 pages j’étais content que ça se termine (la faute à une lecture de bout en bout). La mauvaise foi du héros, en particulier, est fandarde à souhait : le boss est un homophobe comme les racailles violentes savent l’être, sauf qu’à force de traîner autour des trans’ il a les burnes proches de l’explosion. Je vous laisse imaginez ce qu’il peut se passer dans sa tête et comment il se sent après avoir tiré son coup…
Ce roman est également l’occasion d’avoir une visite guidée du bois de Boulogne. Le père Zarca a salement traîné ses guêtres dans la zone, c’est certain. Sa connaissance de la topologie putassière est impressionnante, entre la rue des prix cassés, les tapins près de la Croix Catalan ou la rue de la Reine-Marguerite. A l’instar d’un Tolkien qui nous introduit dans un monde inconnu, le félin n’aurait pas craché sur un plan du Bois livré en début de roman avec le nom des lieux abordés. Tigre a beau parcourir cet endroit (pour le parcours sportif, ne fantasmez pas), j’imagine qu’un lecteur lambda serait correctement largué.
…à rapprocher de :
Comme je le disais, Johann sévit sur le blog du Mec de l’underground. Billets à ne pas montrer à votre maman hein.
– Le mec de l’underground est un fan d’Iceberg Slim, auteur/dealer américain qui a écrit, par le menu, ses frasques dans l’univers de la drogue. Connais pas, essaierai.
– Pour ma part, je suis plutôt porté sur Donald Goines dont les descriptions des drogués et de l’économie noire font froid dans le dos. Par exemple L’accroc ou Ne mourrez jamais seul. Réaliste et dur.
Enfin, si votre librairie ne veut pas vous vendre un tel truc, vous pouvez le trouver via Amazon ici.
Je viens de me taper cette perle, enfin, de la lire. Bref, on se comprend. M’a aussi fait penser à Boomker de Rachid Djaïdani (un peu moins vandale mais quand même). Tu as oublié de préciser que ce genre de bouquin est le cadeau idéal pour un nouveau-né, un mariage, noël, etc.
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