VO : Black Like Me. Griffin, prenant l’apparence d’une personne de couleur noire, a vécu à la fin des années 50 pendant un mois et demi au sein de communautés afro-américaines dans des États du Sud. Et rend compte de son expérience. Témoignage puissant et édifiant, Le Tigre ne saurait trop le conseiller.
De quoi parle Dans la peau d’un Noir, et comment ?
Un roman publié chez Gallimard, pourquoi le classer dans les « essais » ? D’une part ça permet au Tigre de « renflouer » ladite catégorie, d’autre part cet ouvrage est un documentaire sur ce qu’a vécu l’auteur pendant environ six semaines.
J. H. griffin, c’est un journaliste et écrivain qui un beau jour a eu une idée fort astucieuse : à l’aide d’un médecin qui va lui prescrire des pilules pour assombrir la pigmentation de sa peau, puis grâce à quelques séances d’UV bien dosées, il va se fondre dans la population noire du pays et vivre six semaines comme eux.
Il en sort plus de 200 pages (le reste étant une préface sur la manière dont il a mis en œuvre son projet) de témoignage révélateur du cercle vicieux (cf. infra) de la ségrégation américaine des années cinquante et soixante. Avec la rigueur du journaliste et l’écriture plaisante de l’écrivain, Griffin nous emporte dans un univers peu connu, où être une de ses personnes semble être l’unique moyen de bien rendre compte de ce que peuvent vivre les Noirs aux States (et pas que dans ce pays hélas).
En conclusion, ce fut pour Le Tigre une excellente découverte littéraire qui n’est pas loin d’être un classique. Pour aussi peu de pages, en tenant compte de l’aération du livre et de la fluidité de lecture, il n’y a pas vraiment d’excuses à passer à côté.
Ce que Le Tigre a retenu
Ce qui m’a marqué, ce sont toutes les petites humiliations quotidiennes qui à la longue constituent un environnement terriblement hostile. Refus d’un verre d’eau, séparation constante, utilisations de termes stigmatisant, toujours l’impression d’être un citoyen (et encore le mot est gentil) de seconde zone. Alors imaginez-vous que l’auteur n’est resté que six semaines dans ce « déguisement » ! Ce qu’il sort de cette expérience, c’est la dure conclusion que les Afro-américains ne peuvent vivre une existence décente dans l’environnement ségrégationniste de l’époque.
Et à partir de là, un cercle vicieux est mis en place : répondre à certains besoins primaires (se nourrir convenablement, se laver, se loger, travailler ou être reconnus à leur juste valeur) étant plus difficile, ajoutant à la paupérisation de cette population, beaucoup de personnes de couleur blanche pensent que c’est du fait du noir s’il vit dans de telles conditions. Il se complairait même dans une existence flattant aussi vivement les bas instincts, justifiant la séparation entre les deux « races » alors que c’est cette scission qui entraîne un tel mode de vie.
Car ségrégation n’est pas séparation égalitaire, les services destinés aux noirs étant d’une infamie sans nom. Et c’est là que n’importe quel documentaire TV ou livres d’histoire n’arrive pas à la cheville de Dans la peau d’un Noir, écrit par une personne au vocabulaire et idées larges qui a eu l’intelligence de vivre personnellement cette aventure afin d’éveiller les esprits. Pari réussi.
Enfin, Le Tigre se souvient de la façon dont l’auteur aurait pu se retrouver marié à une personne de cette communauté. On lui fait comprendre qu’une telle n’est pas insensible à ses charmes, et à partir de ce moment l’espoir qu’une famille puisse être fondée illumine la petite communauté. Gêné aux entournures, je ne me souviens pas comment Griffin s’en sort, si ce n’est qu’il s’est débrouillé avec une certaine finesse.
…à rapprocher de :
– En plus poussé sociologiquement, Ralph Ellison a publié en 1952 Homme invisible, pour qui chantes-tu ?, sur les problématiques liées à l’appartenance à ce groupe ethnique.
– Dans la catégorie des essais à forte charge symbolique, il y a le très éclairant Demain, demain de Maffre sur le bidonville de Nanterre des années 60.
– Wikipedia me glisse dans l’oreillette qu’un Allemand a fait la même chose avec la minorité représentative de son pays, les Turcs. A voir sans doute.
– Pour terminer sur une note plus humoristique (à vous de voir), Le Tigre pense (inversement) à une blague de Coluche, illustrée par Les sales blagues des Échos. Celle du génie qui offre à une famille africaine un vœu, les parents décidant d’être blancs. A ce moment leurs enfants pleurent en voulant également avoir la même couleur de peau, le couple leur botte le cul en gueulant : « merde, pas blancs depuis une minute qu’on se fait déjà emmerder par des noirs ! ».
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